L’information fait la Une de la presse béninoise ce matin. « Dix ans de prison et 45 millions d’amende pour Aïvo », s’exclame ainsi Le Matinal à Cotonou. Le Matinal qui nous propose le film de l’audience d’hier devant la CRIET, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme. De même que le site d’information Banuto qui a suivi les débats minute par minute : « 0 h 32 : après les débats, puis les plaidoiries ainsi que des derniers mots de Joël Aïvo, la présidente de la Cour a suspendu l’audience pour délibérer. 2 h 32: reprise de l’audience. Joël Aïvo et ses coaccusés sont conviés à la barre. La Cour prononce l’acquittement de Alain Gnonlonfoun, comptable de Joël Aïvo. Contrairement à son comptable, Joël Aïvo ne recouvrera pas sa liberté à l’issue de ce procès, pointe Le Matinal. La Cour reconnait le constitutionnaliste coupable de blanchiment de capitaux et de complot contre la sûreté de l’Etat. Elle prononce une peine d’emprisonnement ferme de 10 ans contre Joël Aïvo, de même que les deux autres coaccusés, Ibrahim Bachabi Moudjaïdou et Boni Saré Issiakou. Joël Aïvo, outre la peine d’emprisonnement, est condamné à une amende de 45 millions francs CFA. Les deux autres condamnés doivent payer une amende de 5,7 millions francs CFA. »
« C’est surréaliste »
Quelques heures plus tôt, l’opposant s’exprimait ainsi à la barre, des propos rapportés notamment par L’Investigateur (Aïvo. « j’ai connu l’humiliation de recevoir mon épouse debout et parfois sous la pluie », confesse le prof à la barre – L’investigateur (linvestigateur.info)) : « depuis huit mois, l’État m’a abandonné et livré à mes adversaires politiques qui ont eu le loisir de faire de moi ce qu’ils ont voulu et parfois en violant les lois de la République. En prison, poursuit Joël Aïvo, j’ai connu l’insalubrité de ma cellule, l’indignité, l’humiliation de recevoir mon épouse debout et parfois sous la pluie. Cette maltraitance que je subis depuis huit mois, sans n’avoir rien fait à personne, c’est mon chemin de croix. L’accusation me reproche d’avoir dit qu’il y aurait alternance en 2021 et que le 6 avril un nouveau Chef d’État prêterait serment à Porto-Novo. Je n’arrive pas à réaliser que j’ai été arrêté pour ça, que je fais de la prison depuis 8 mois pour ça, et que je suis poursuivi par la Justice de mon pays pour ces propos. Et pourtant, conclut-il, c’est vrai (…). C’est surréaliste.
La CRIET : machine à broyer de l’opposant ?
Alors pour l’instant, pas de commentaires directs sur ce jugement dans la presse, après ce verdict tombé tard dans la nuit. Seulement des articles purement informatifs et des avant-papiers, comme l’on dit dans la presse écrite, des avant-papiers qui pressentaient ce jugement…
Ainsi pour L’Observateur Paalga au Burkina, « la CRIET est devenue une véritable machine à broyer de l’opposant. Tant ils sont nombreux, les contempteurs du locataire du palais de la Marina pour qui le choix, c’est soit l’exil soit la prison.
Ainsi de Sébastien Ajavon, condamné en 2018 à vingt ans de prison par contumace pour trafic de drogue puis à cinq autres années pour faux, usage de faux et escroquerie. Il vit depuis en exil en France.
Ainsi également de Reckya Madougou, arrêtée en mars dernier et détenue depuis ce temps à la prison civile de Missérété pour atteinte à la sûreté de l’Etat, association de malfaiteurs et terrorisme.
Que dire de Bio Dramane Tidjani et Mamadou Tidjani, du parti Les Démocrates, emprisonnés en février dernier pour association de malfaiteurs et terrorisme ? Certes, tempère L’Observateur Paalga, il faut se garder de donner le Bon Dieu sans confession à tous ces justiciables qui, pour être prestigieux, ne sont pas pour autant au-dessus de la loi. Mais cette forme de harcèlement judiciaire est pour le moins troublante dans un pays jadis réputé être le phare de la démocratie en Afrique et qui enregistre un recul depuis que le roi du coton, réélu en avril avec un score de 86%, s’est installé au palais présidentiel. »
Crédibilité…
Pour sa part, Le Pays, toujours au Burkina, s’exprimait ainsi, à quelques heures du verdict : « beaucoup d’hommes politiques sont impliqués dans des affaires douteuses et le statut d’opposant ne saurait être une prime à l’impunité. La CRIET a donc un lourd défi à relever. Elle doit montrer qu’elle n’est pas une institution aux ordres du prince régnant et qu’elle mérite la confiance des Béninois. Si Joël Aïvo et Reckya Madougou sont coupables, elle doit pouvoir le dire. S’ils sont innocents, elle doit aussi pouvoir le dire en toute transparence et en toute indépendance. Il y va de sa crédibilité. »
RFI