«L’Amérique a déchiré les voiles, fait tomber les masques. L’Amérique est revenue à la maison, à elle-même, elle ne palabrait pas, elle se disait seulement quelques vérités sur la grande comédie de l’establishment. Enfin, je peux crier fort que j’abhorre les dynasties. Je ne suis contre personne, mais j’ai mes droits aux silences qui disent. Un ami m’avait fait la remarque qu’il avait constaté que je ne portais pas dans mon cœur la madone chérie des photographes et des caméras, surtout des plateaux de télés, j’avais répondu que ce n’était guère par inclinaison pour la bête féroce qui hurle là-bas à Washington et dont il serait erreur de minimiser la profondeur de la résonance avec ce que le pays de Lincoln et de Jefferson a d’intime dans ses entrailles. Le féminin chez moi n’est pas le problème (au contraire), mais c’est que j’exècre l’allure de l’égo qui, sur le piédestal, regarde le monde de haut, il y a un regard que l’on doit aussi dédier aux petits. N’est-ce pas eux qui font le Monde, notre Monde? Et je n’aime pas les propriétaires, ceux qui conjuguent les pays au substantif du patrimoine. Les pays n’appartiennent à personne pour toujours. Un “rejeton” des Luos kényans là-bas vers le lointain océan Atlantique, avait déjà prouvé il y a 8 ans qu’il y avait place pour tous sous le Soleil, à condition d’écouter le temps. Les bambaras enseignent en sagesse que vous êtes exonéré d’avoir reçu un coup “naïf” dans l’obscurité d’un vestibule, mais y pénétrer imprudemment et recevoir d’autres coups, vous l’aurez cherché. Magic System même avait averti avec le premier gaou qui n’est pas un gaou. C’est le deuxième qui l’est.
En politique, belle sorcellerie, il est souvent fatal de minimiser le souffle des cyclones. Il y a la physique, la métaphysique, mais aussi les lois de la dynamique et de l’énergie. En politique, la retraite existe aussi. On peut aussi écrire ses mémoires, s’occuper de ses petits jardins, et surtout des petits-enfants, si l’on en a. En politique, quand tout le monde vous célèbre, il faut en savourer les splendeurs, mais ne point oublier de regarder le soleil qui, même étant le plus charmant des princes, consente un temps aux ténèbres nocturnes. Rien ne demeure, à ce qu’il paraît.
Le Samouraï se sait armé en Art, mais il travaille à anticiper la ruse de l’ennemi. Un brutal peut cacher une intelligence subtile. Un subtil peut s’avérer lourd. C’est la dynamique du temps qui finit par révéler les vérités. Entre la lointaine Amérique mais si présente chez nous, si envahissante en nous et les patates chaudes du Sahel, j’ai choisi mes champs de patates car chez nous, ça brûle au quotidien. Et demain, nos enfants doivent aussi manger si nous n’avons pas le temps prospectif pour nos petits-enfants. Je sais que le regard lointain nous fatigue, nous si recroquevillés sur le quotidien. La belle fée pourra servir de leçon à ceux qui confondent saison et temps.
Les cicatrices fondent l’humain mais trop en avoir peut tuer. Le fauve n’avait pas caché qu’il était un tueur. Lui aussi va faire entrer une grande partie de ses dents et griffes. Le commun Soleil ne sera jamais son patrimoine confisqué. Le pouvoir est ruse. Le Mali a connu deux grands rois en la matière (Da Mozon et Samory).
Bienvenue au Sahel, de retour de la lointaine Amérique. Les gens n’ont pas trompé la belle fée, c’est elle-même qui a voulu être deuxième Gaou. Obama était l’oracle. Il fallait en faire un jus d’expériences, une sagesse à préparer durement, âprement la bataille. Beyoncé est belle et généreuse, mais une grande partie du pays profond éteint la télé quand elle veut entendre parler d’emplois. Je ne parlais pas d’Amérique. Je parle des champs de patate du Sahel.»
Yaya TRAORE