BENGHAZI (Libye) (AFP) – 21:55 – 30/08/11 – Les rebelles libyens ont appelé mardi les derniers partisans de Mouammar Kadhafi à abandonner leurs fiefs avant samedi alors que les insurgés progressent par l’est et l’ouest vers Syrte, ville d’origine du "Guide" où il aurait pu trouver refuge.
Le chef du CNT (Conseil national de transition), Moustapha Abdeljalil, a adressé mardi un ultimatum expirant samedi aux forces loyalistes dans les derniers fiefs du régime, dont Syrte, pour qu’ils se rendent, faute de quoi ils s’exposeraient à des opérations militaires.
"Ce délai expirera à la fin de l’Aïd el-Fitr (fête marquant la fin du ramadan). A partir de samedi, si une issue pacifique n’est toujours pas en vue sur le terrain, nous pourrons faire la différence militairement", a déclaré M. Abdeljalil à Benghazi (est).
"Le lancement de la bataille finale est imminent", a renchéri le porte-parole militaire de la rébellion, Ahmed Omar Bani. "Nous continuons à chercher une solution pacifique, mais samedi nous emploierons des moyens différents face à ces criminels", a-t-il lancé, en appelant les habitants de Syrte à "se soulever".
Mouammar Kadhafi est toujours introuvable et les rumeurs continuent à le donner comme s’étant réfugié dans la région de Syrte (360 km à l’est de Tripoli), dont il est originaire.
Le dirigeant libyen déchu conserve une capacité "à commander et contrôler des troupes, leurs mouvements, et celui d’armes", a assuré le porte-parole de l’opération "Protecteur unifié", le colonel Roland Lavoie.
"Les (forces) pro-Kadhafi (…) ne sont pas en pleine débandade, elles cèdent du terrain de manière ordonnée et se retirent sur la moins mauvaise de leurs positions, compte tenu de leur armement", a-t-il souligné.
Dans ce contexte, l’Otan a averti qu’elle poursuivrait ses bombardements jusqu’à ce que la population civile soit pleinement en sécurité, soulignant qu’elle concentrait pour le moment ses interventions sur Syrte.
Les rebelles sont positionnés de part et d’autre de cette ville et y envoient des renforts. Contrôler cette cité côtière de 120.000 habitants porterait en effet un coup fatal à l’ex-régime libyen.
A l’ouest de Syrte, les rebelles attendaient le résultat des négociations sur une éventuelle reddition à Al-Sadaada (environ 150 km de Syrte), d’où ils procédaient à des opérations de reconnaissance, selon un journaliste de l’AFP sur place. D’après Ismaïl Chalouf, chef d’un groupe de combattants, les insurgés se sont rapprochés jusqu’à 70 km de la ville, avant d’être bombardés à l’arme lourde et de se replier.
A l’est de Syrte, la ligne de front se situait au-delà du hameau de Umr Gandil, soit à moins d’une centaine de kilomètres du bastion de Kadhafi.
Dans tout le pays, les Libyens s’apprêtaient à célébrer à partir de mercredi l’Aïd el-Fitr. A Tripoli, où les tensions restent vives entre pro et anti-Kadhafi, les rumeurs abondent selon lesquelles Mouammar Kadhafi préparerait "une surprise" pour le Fitr, qui coïnciderait avec le 42e anniversaire de la révolution qui l’a porté au pouvoir le 1er septembre 1969.
Sur le plan diplomatique, le CNT a jugé "très imprudent" le comportement de l’Algérie, qui a accepté sur son sol une partie de la famille de Kadhafi – notamment l’épouse du "Guide" libyen et trois de ses enfants, Mohamed, Hannibal et Aïcha, qui a accouché mardi d’une petite fille.
Selon les rebelles, qui réclament leur retour pour les juger, Alger a agi contre "les intérêts du peuple libyen".
Alger a invoqué de son côté "des raisons strictement humanitaires" à cet accueil.
Les insurgés ont par ailleurs annoncé la mort de Khamis, un des fils de Mouammar Kadhafi âgé de 28 ans, tué selon eux à environ 80 km au sud-est de Tripoli et enterré. Cette annonce est toutefois à prendre avec beaucoup de précaution car son décès a été annoncé à plusieurs reprises depuis le début du conflit, sans jamais avoir été confirmé.
Une télévision du régime libyen a ainsi démenti sur son site internet cette information.
Abdallah Senoussi, le chef des services des renseignements de Mouammar Kadhafi, a également peut-être été tué par des rebelles, selon le colonel Bani.
Côté économie, le CNT a annoncé que la Libye allait remettre en état de nombreux puits pétroliers dans les prochains jours, tout en précisant que ses exportations du brut ne reprendraient que progressivement.
Pendant ce temps, à Paris, la réunion du Groupe de contact sur la Libye se préparait. Une soixantaine de délégations sont attendues jeudi à la Conférence des amis de la Libye afin d’accompagner les autorités de transition libyennes, qui contrôlent désormais la quasi-totalité du pays, dans leur marche vers la démocratie.
Le Premier ministre polonais Donald Tusk, qui assure la présidence tournante de l’UE, a plaidé pour que la fin de la guerre soit décrétée à l’occasion de cette conférence.
Le comité des sanctions de l’ONU a pour sa part approuvé mardi la demande de Londres de débloquer 1,6 milliard de dollars d’avoirs libyens gelés afin d’apporter une aide humanitaire au pays.
Le Zimbabwe, dont le président Robert Mugabe entretenait de bonnes relations avec Mouammar Kadhafi, a décidé de son côté d’expulser l’ambassadeur de Libye à Harare, qui avait annoncé son ralliement à la rébellion le 24 août.
Enfin, selon le Wall Street Journal, une filiale du groupe informatique français Bull, Amesys, a aidé le régime de Mouammar Kadhafi à espionner ses opposants en équipant fin 2009 le centre de surveillance d’internet de Tripoli avec "un important paquet de (technologie) de contrôle".
AFP