Le régime de Kadhafi effondré, les Occidentaux s’inquiètent, avec quelques mois de retard, sur les risques de flambée terroriste dans une Libye démunie d’une «police digne de ce nom» et exposée aux périls d’une circulation massive d’armes.
Un petit mois avant que la vidéo d’un «guide» cadavérique ne signe la fin de la «Jamahiriya» arrogante, la France s’est empressée de souligner les désordres sécuritaires qui guettent un territoire au confluent d’une région vaste et sensible.
«Il ne faut pas se dissimuler que le conflit en Libye a fourni des opportunités aux groupes terroristes», a indiqué le ministre l’Intérieur
Claude Guéant. Exprimés sur le ton de la mise en garde, les propos du ministre ont été tenus lors du traditionnel colloque des attachés de sécurité intérieure. Exercice annuel, ce rendez-vous réunit les officiers de police affectés dans les ambassades de France à l’étranger. Un commissaire de la Police judiciaire spécialisé dans les questions de l’immigration et du trafic de stupéfiants vient d’être nommé à Tripoli.
Selon les confidences rapportées, hier, par le quotidien français Le Figaro, Claude Guéant ne s’est pas contenté d’un constat des lieux sécuritaires. Son discours devant les sécuritaires des postes diplomatiques français a résonné comme une sonnette d’alarme.
Au sortir de huit mois de quasi-guerre civile entre les irréductibles du «kadhafisme» et les rebelles du CNT, la France redoute une
Libye de tous les dangers. Son ministre de l’Intérieur en énumère quelques-uns : accès à toutes sortes de matériels, dislocation du tissu social local, mercenaires et activistes de toute nature désormais en quête d’emploi».
Face à cette situation aux évolutions inquiétantes, les services du ministère de l’Intérieur anticipent sur plusieurs scénarios dont un à «ne pas écarter», selon Claude Guéant. C’est le risque de «jonction entre les groupes opérant sur différents théâtres de l’arc terroriste qui va de la côte Atlantique à la mer Rouge». Cet arc terroriste n’est pas une nouveauté dans le discours sécuritaire français. Il avait déjà été évoqué dans le livre blanc sur la sécurité intérieure élaboré par un groupe d’experts par Nicolas Sarkozy au lendemain de son arrivée à l’Elysée.
La France, qui a été au premier rang des soutiens à l’insurrection contre Kadhafi, redoute, outre la menace terroriste, d’autres désordres.
La situation dans les camps de réfugiés installés aux frontières tunisienne et égyptienne «fait peser une forte pression migratoire», selon le ministère de l’Intérieur cité par Le Figaro.
Selon les estimations les plus concordantes, des milliers de Somaliens, Érythréens, Soudanais du Darfour, Irakiens, Éthiopiens ou Ivoiriens installés dans les camps de réfugient veulent franchir la Méditerranée. Les mêmes sources parlent de quelque 26 000 réfugiés qui ont déjà rallier l’Europe.
L’insurrection anti-Kadhafi terminée, Européens et Américains se préparent – comme en Irak post-Saddam – à investir le juteux marché de la reconstruction. Celui-ci est à la fois économique et sécuritaire. Trois pays, l’ancien colonisateur italien, la France et la Grande-Bretagne espèrent renforcer leur coopération en la matière avec Tripoli et engranger des parts du coûteux marché de la sécurité.
Cité par Le Figaro, un responsable de la cellule diplomatique du ministère de l’Intérieur a donné une idée de ce que pourrait être ce marché libyen de la sécurité. Sans «police digne de ce nom»,
les besoins du pays en termes de formation et de matériel sont importants. Le ministère de l’Intérieur indique avoir été destinataire de plusieurs notes selon lesquelles «les autorités locales sont demandeuses de tous les équipements possibles pour assurer l’ordre : uniformes, voitures, bâtons de défense».
S. K.
Le Temps d’Algerie – 26 octobre 2011