Libye : Khadafi peut-il s’en sortir ?

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Alors que la nuit du mercredi semble avoir été calme à Tripoli et dans la région du Cyrénaïque où se trouvent Bengahzzi et Tobrouk aux mains des insurgés, les témoignages affluent sur l’étendue des violences qui secouent la Libye depuis samedi. Le premier bilan officiel parle de 300 morts survenues dans la nuit du lundi au mercredi : 242 civils et 58 militaires. Un bilan proche de celui de Human Rights Watch (plus de 230 morts depuis le 15 février). La Fidh, elle, avance le chiffre de 300 à 640 morts. Mais médecin anesthésiste à l’hôpital de Benghazzi, rapatrié lundi en France, Gérard Buffet confie au Point fr ce qu’il a vu : «Nos ambulances sur le terrain ont compté, le premier jour, 75 morts ; le deuxième, 200 ; ensuite plus de 500. Dès le troisième jour, je n’avais plus de morphine ni de médicaments. Au début, les forces de répression tiraient sur les gens aux jambes et à l’abdomen. Ensuite, au thorax et à la tête. Ensuite on a vu des tirs de mortier, et carrément de roquettes antiaériennes, directement dans la foule. Un carnage. Des gens brûlés, déchiquetés. Au total, je pense qu’il y a plus de 2 000 morts ; on a rempli deux hôpitaux de 1 500 lits.» C’est assez pour que mardi, Navi Pillay haut commissaire des Nations unies aux droits de l’homme exige l’ouverture d’une enquête internationale indépendante sur les violences avant de demander l’«arrêt immédiat des graves violations des droits de l’Homme commises par les autorités libyennes ». L’agence onusienne dénonce dans la foulée des mercenaires qui tireraient à balles réelles sur des manifestants. Des vidéos diffusées sur YouTube laissent déduire que le pouvoir recourt aux mercenaires pour contenir les manifestations aussi bien à Tripoli où selon plusieurs témoignages ce sont des noirs parlant « une autre langue » qu’à Benghazi où de premiers témoins parlent de « mercenaires maliens » peut-être en référence aux militaires Touareg d’origine malienne et nigérienne mais incorporés dans les forces de sécurité libyenne depuis plusieurs années.

 

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Réactions en cascade     

Pour la première fois depuis le début de la révolution du jasmin, Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit d’urgence et condamne la répression mardi, avant le message télévisé du Guide libyen. Pourquoi l’exception libyenne ? Pour un diplomate, «il s’agit à l’évidence (en Libye) d’un cas différent de ce que nous avons vu en Egypte et en Tunisie du fait de l’étendue de la violence et de l’utilisation de mercenaires» contre des manifestants. Mercredi s’inquiétant du discours aux « accents peu rassurants » de Khadafi, les leaders occidentaux enchaînent les réactions. Angela Merkele annonce que l’Allemagne ne peut être indifférente à ce qu’elle a entendu. Nicolas Sarkozy, monté en force dès les premières heures de la répression, brandit les sanctions et menace même de rompre les relations avec la Libye. Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne, ordonne l’arrêt des violences et exige le respect des droits humains. L’Union européenne brandit des menaces de sanctions à son tour, alors que les organisations droitdel’hommistes utilisent pour la première fois le terme de génocide. Martine Aubry, en tout cas, en appelle à la Cpi alors que le très sérieux Wall Street Journal demande que l’Occident arme les manifestants libyens. Des marches symboliques ont lieu à Nouakchott et Paris contre la répression des manifestations. Le représentant de Khadafi à Washington démissionne rejoignant d’autres diplomates passés depuis dans le camp de la révolution : les ambassadeurs libyens en poste à Canberra, Delhi, Dacca, Kuala Lumpur, New-York, Caire (Ligue Arabe), celui de Paris se contentant de soutenir ouvertement les manifestants sans démissionner. Le ministre de la justice et celui de l’intérieur démissionnent également. C’est dans un tel concert général de condamnations que l’Est du pays « clame sa liberté », qu’une partie de l’armée choisit l’opposition et que tous les expatriés qui le peuvent quittent la Libye : plusieurs milliers de Tunisiens et d’Egyptiens ont déjà franchi les frontières. Une dizaine de milliers d’Occidentaux font leurs valises. Le Guide s’est voulu confiant mardi soir et a même regardé avec quelque dédain le mouvement en cours. Pour nombre de ses opposants à l’intérieur et à l’extérieur, le compte à rebours a commencé pourtant pour Mouhammar Khadafi.

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Extrait du discours de Khadafi

–          «C’est une minorité de terroristes qui veulent faire un nouvel émirat sous les ordres de Ben Laden

–          «Je n’ai pas donné encore l’ordre d’utiliser la force,
rnparce que si ça devait être le cas, ça serait la politique de la terre brûlée

–          «Nous sommes libres et nous sommes libres d’utiliser la force excessive»

 

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–           «Je n’ai pas de palais, pas d’argent, je n’ai même pas d’avenir. J’ai consacré ma vie à la révolution.

–          «A partir de ce soir et de demain, les jeunes, tous les jeunes, pas les jeunes drogués, la jeunesse de Libye doit constituer les comités populaires en portant des brassards des comités de protection.»

–          «Dès demain, j’invite la jeunesse à se constituer en comité de défense de la révolution populaire, dans toutes les villes et les villages de Libye.» « Dès demain, qu’ils portent un brassard, qu’il y ait des comités de protection de défense des valeurs sociales et qu’ils soient constitués par les porteurs du Coran. Ils sont au nombre d’un million constitués des imams qui connaissent le véritable salafisme. Pas le salafisme des assassins, le véritable salafisme qui assure la sécurité des femmes et des mœurs.»

–          «Je n’ai pas de palais, pas d’argent, je n’ai même pas d’avenir. J’ai consacré ma vie à la révolution.»

–          «Je pense que Saif El Islam va traiter avec les ambassadeurs, pour rétablir la vérité. Beaucoup ne connaissent la vérité que via les chaînes de télé traitresses qui cherchent à déformer la vérité. La télé libyenne va apporter sa réponse à toutes ces contre-vérités. Nous allons leur répondre.»

–          «L’Amérique a rasé Falloujah. Elle a pilloné les mosquées à Falloujah en disant que Zarkaoui, le terroriste, était là. Les Américains l’ont fait, alors qu’est-ce qu’on pourrait nous faire»

–           «C’est une minorité de terroristes qui veulent faire un nouvel émirat sous les ordres de Ben Laden.» «Ils cherchent à copier ce qui s’est passé en Tunisie.»

Sélectionné par A. Thiam

(Source : libération.fr)

 

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