Le vent du changement a finalement emporté le colonel Mouammar Kadhafi, malgré sa détermination à contrer les insurgés et leurs alliés.
La mort tragique de l’ex-dirigeant libyen soulève des questions sur l’avenir du pays et pose des défis à relever. L’ex-guide la Jamahiriya arabe libyenne qui a hissé son pays à un niveau honorable de développement économique, laisse un lourd héritage à ses adversaires du CNT (Conseil national de transition). Ces derniers doivent s’atteler à la reconstruction de la Libye, un pays ravagé par huit mois de manifestations et de conflits armés. Aux commandes du pays depuis la prise de Tripoli survenue le 23 août dernier, les dirigeants de l’ancienne rébellion n’ont pas pu accorder leurs violons sur la formation d’un gouvernement de consensus. Ils ont décidé de compléter leur cabinet après la « Libération du pays » qui serait annoncée aujourd’hui. Fragilité du Conseil national de transition et luttes régionales pour le contrôle des ressources vont compliquer grandement la tâche des artisans de la Libye débarrassée de Mouammar Kadhafi. “L’avenir sera extrêmement difficile à gérer”, estime Jean-Yves Moisseron, chercheur à l’Institut de recherche sur le développement (IRD), évoquant les “dissensions” au sein du CNT, organe politique de la rébellion libyenne.
A l’heure actuelle, le CNT apparaît comme un regroupement de chefs de tribus, d’anciens responsables politiques de Kadhafi et de quelques personnalités de la société civile. Ceci pose une nécessité absolue de représentativité pour les nouvelles autorités qui doivent également définir clairement les contours de la transition devant déboucher sur des élections démocratiques. En attendant, force est de constater que des conflits entre tribus et entre chefs politiques qui veulent s’approprier les recettes pétrolières nourrissent des “conflits internes extrêmement forts” au sein du Conseil.
Pour Olivier Pliez, chercheur au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) de Paris, une autre manne, celle issue des échanges commerciaux trans-sahariens, risque d’être disputée entre des groupes qui pourraient vouloir contrôler les routes du commerce. Olivier Pliez s’attend toutefois à l’éclosion de revendications diverses, compte tenu des inégalités régionales. Des régions ont été délaissées par le pouvoir, d’autres ont été bien aménagées et bien dotées avec l’argent du pétrole. On ne devrait pas minimiser une “hostilité latente intertribale avec des conflits constants qui, dans l’Histoire, n’ont pu se régler que quand apparaissait une force transcendante au-dessus des tribus”, comme celle de la royauté (1951-1969) ou celle du colonel Kadhafi en 1969. La chute du régime réactive des conflits d’intérêt et des modes d’organisation de la société libyenne datant du Moyen-Age, dans un pays qui compte 140 “groupes sociaux”, sub-divisés en clans, sous-clans et sous-tribus. La mort de Kadhafi constitue un sérieux avertissement pour les dirigeants, qui font fi de la volonté populaire pour s’accrocher à leurs postes.