Le Parlement européen et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ont exprimé jeudi de vives inquiétudes sur le recul des droits et libertés en Turquie, pays avec lequel l’Union européenne vient de signer un accord de rapatriement des migrants illégalement entrés en Grèce.
L’Union européenne s’est engagée, en contrepartie, à ouvrir de nouveaux chapitres dans les négociations d’adhésion d’Ankara.
Le Parlement européen se dit « vivement préoccupé par le ralentissement considérable du rythme global des réformes et par la régression observée dans certains domaines essentiels, tels que l’indépendance du pouvoir judiciaire, la liberté de réunion, la liberté d’expression et le respect des droits de l’homme et de l’état de droit ».
Cette situation « éloigne de plus en plus la perspective de la réalisation des critères de Copenhague – les valeurs politiques de l’UE – que les pays candidats doivent respecter », ajoute-t-il dans une résolution adoptée à Strasbourg par 375 voix contre 133 et 87 abstentions.
La situation inquiétante de la presse
Les eurodéputés rappellent que la Turquie détient le record du nombre de journalistes emprisonnés.
Ils dénoncent la saisie « violente et illégale » de plusieurs journaux turcs d’opposition et déplorent que plus de 1000 universitaires ayant signé une pétition en faveur de la paix dans le sud-est du pays, ravagé par la guerre entre milices kurdes et armée régulière, « fassent l’objet d’intimidations et de poursuites ».
Le Parlement « condamne » les propos du président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui avait mis en cause le 11 mars la légitimité de la Cour constitutionnelle turque après que celle-ci eut fait libérer deux journalistes incarcérés pour avoir révélé des informations jugées contraires à la sécurité de l’État.
Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, organisation dont la Turquie est membre depuis 1950, a de son côté publié un communiqué au terme d’une visite de neuf jours dans le pays.
« Le respect des droits de l’homme s’est dégradé à un rythme alarmant au cours des derniers mois dans le contexte de la lutte que mène la Turquie contre le terrorisme », dit Nils Muizniecks.
Tout en reconnaissant le droit de la Turquie de combattre le terrorisme, le commissaire s’inquiète de la disproportion des moyens employés contre le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) qui se traduisent par des dizaines de milliers de personnes déplacées et des destructions « innombrables ».
Évoquant la situation de la presse, Nils Muizniecks estime que « l’intolérance du pouvoir exécutif et de la justice a un effet paralysant et provoque une autocensure qui réduit l’espace du débat démocratique dans le pays ».
Au chapitre de la liberté d’expression, le commissaire cite encore les 1845 procédures ouvertes en Turquie pour insulte au président de la République. « Je n’ai rencontré une application aussi abusive d’une telle disposition dans aucun des 46 autres membres du Conseil de l’Europe », affirme-t-il.
Ebru Africa Mali