Le moment de vérité est-il enfin arrivé ? L’Eurogroupe, la réunion des ministres des finances de la zone euro, jusqu’à présent très uni contre le gouvernement grec de la gauche radicale, a montré de vraies divisions, samedi 11 juillet, à Bruxelles. Il était censé répondre à une question cruciale pour Athènes : doit-on continuer à aider – substantiellement – le pays (à hauteur d’environ 74 milliards d’euros tout de même) pour lui éviter la banqueroute et une éventuelle sortie de l’euro ?
Tsipras a donné de sérieux gages de bonne volonté ces derniers jours en transmettant à Bruxelles une demande d’aide assortie d’un train très conséquent de réformes. A la clé 13 milliards d’euros d’économies. Des rentrées fiscales supplémentaires à hauteur de 1 % du PIB grec en année pleine, grâce à une réforme de la TVA (dont la levée progressive des exemptions dans les îles). Des réductions des dépenses dans le système des retraites de 1 % du PIB dès 2016, avec la suppression de nombreux régimes de pré-retraites. Le premier ministre grec a reçu par ailleurs un mandat clair du Parlement grec, samedi dans la nuit (250 voix sur 300) pour mettre en place ces réformes.
Comment faire confiance à Tsipras après le non ?
Mais cela ne suffit pas à un certain nombre de partenaires d’Athènes à l’Eurogroupe qui estiment que la confiance, indispensable, dans le gouvernement Tsipras a été rompue. Comment peut-elle perdurer alors que Tsipras a fait campagne pour le non à un référendum sur les réformes en Grèce, non qui est arrivé largement en tête, dimanche 5 juillet ?
Dans ce peloton des faucons, on retrouve le ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble. Ses collègues slovaque, slovène et belge, seraient aussi très remontés et exigent davantage d’Athènes, davantage de réformes, et des réformes votées le plus vite possible. En tout cas, avant de commencer les négociations sur un troisième plan d’aide.
Le camp des « amis » est essentiellement constitué de la France, avec Michel Sapin, le ministre des finances, et Chypre, voisin de la Grèce qu’un Grexit pour des raisons historiques, géographiques, géopolitiques, révulse. Depuis une semaine, l’Elysée est montée en première ligne pour défendre la Grèce dans la zone euro sans ménager sa peine, en allant jusqu’à mettre à disposition des Grecs des experts du trésor. Et quitte à se retrouver un peu seule dans cette bataille.
Et il y a les « neutres », ceux qui ne prennent pas position franchement : l’Italie, les Baltes. L’Espagne, qui a très peur de la contagion, est aussi très réticente à l’idée d’un Grexit.
Sortie sabbatique de l’euro ?
Quelle sera l’issue de cette réunion, qui était censée statuer sur le sort de la Grèce en disant oui ou non à un nouveau plan d’aide ? Elle pourrait se contenter de renvoyer la réponse aux chefs d’État et de gouvernement qui se retrouvent dimanche, à Bruxelles. « Le but, c’est de ne leur laisser que deux ou trois points à trancher » assurait une source proche des discussions, samedi soir.
Preuve de l’atmosphère délétère, la FAZ a assuré, samedi que le ministre Schäuble avait abordé en Eurogroupe la question de la suspension de la Grèce de la zone euro pour une durée de cinq ans. Plusieurs sources évoquent, sans le confirmer complètement, un « white paper » allemand qui aurait été envoyé ces derniers jours dans les délégations des pays de l’Eurozone et qui reprend cette thèse. L’idée est de fait dans l’air depuis quelques jours à Bruxelles.
« On ne peut pas décréter un Grexit, les traités ne prévoient pas l’abandon par un pays de l’euro. Mais on pourrait utiliser l’article 352 du traité de l’Union », explique une source européenne au Monde. « Cet article prévoit l’adoption par le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen, de mesures appropriées pour réaliser l’un des objectifs visés par les Traités, sans que ceux-ci n’aient prévu les pouvoirs d’action. On pourrait l’activer pour permettre à la BCE d’autoriser Athènes à émettre une autre monnaie que l’euro. L’avantage, c’est que la Grèce ne sortirait pas de la zone euro, et qu’on n’aurait pas l’impression que le caractère irréversible de l’euro a été entamé » ajoute cette source.
« C’est une vieille idée du professeur allemand Sinn qu’on ressort : une sortie sabbatique de la zone euro. Cela ne peut pas être pris au sérieux. Ce n’est pas faisable juridiquement, cela n’a pas de sens économique, et cela n’est pas en ligne avec la réalité politique » assure a contrario une source diplomatique à Bruxelles. « Le temps est venu maintenant pour des discussions sérieuses et des solutions, pas pour réactiver des thèses universitaires inappropriées » ajoute cette source.
LE MONDE | • Mis à jour le | Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
L’Europe est la cause des problèmes grec
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