ABIDJAN — L’implication d’exilés proches de l’ex-président Laurent Gbagbo dans des attaques en Côte d’Ivoire est de plus en plus crédible mais leurs connections présumées avec des islamistes maliens, évoquées par des experts de l’ONU, suscitent beaucoup d’interrogations.
Dans un rapport obtenu par l’AFP et qui doit être discuté au Conseil de sécurité, ces experts font une révélation de taille: des exilés pro-Gbagbo auraient noué des contacts avec Ansar Dine, l’un des groupes islamistes alliés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui occupent le nord du Mali depuis six mois.
Le document évoque une réunion entre des représentants des deux camps “à la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal”, mais aussi une rencontre d’émissaires pro-Gbagbo avec l’ex-junte malienne à Bamako pour discuter d’une éventuelle collaboration.
Les ténors de la diaspora pro-Gbagbo basés au Ghana ont rejeté en bloc ce rapport et crié à la manipulation. Mais Joël N’Guessan, porte-parole du Rassemblement des républicains (RDR), parti du président ivoirien Alassane Ouattara, y a vu la preuve que les tenants du régime déchu s’allient aux “extrémistes de tous bords” pour préparer “la guerre et la déstabilisation”.
Cependant, des observateurs se montrent prudents quant à l’éventuelle constitution d’un axe ivoiro-malien anti-Ouattara, susceptible de causer un séisme après la crise post-électorale de 2010-2011 ayant fait quelque 3.000 morts en Côte d’Ivoire.
“On nous a dit que des pro-Gbagbo ont noué des contacts au Mali”, se bornait à dire à l’AFP, il y a quelques jours, une source gouvernementale d’un pays voisin. Sans préciser l’origine de cette information ni s’avancer sur sa véracité.
En pleine tourmente, le Mali est devenu “un aimant pour tous les desperados de la région”, souligne un spécialiste de l’Afrique de l’Ouest. Pour lui, des connexions maliennes du camp Gbagbo sont “parfaitement plausibles”, mais “il peut y avoir un contact sans que l’affaire ne soit conclue: on ne sait pas si au final il y a eu un +deal+”.
Déstabilisation
En revanche, ajoute-t-il, la collaboration est “plus concrète, plus solide” entre des exilés pro-Gbagbo réfugiés à Accra et des combattants notamment ivoiriens basés dans l’est du Liberia, d’où ils ont commis ces derniers mois des attaques dans l’Ouest ivoirien frontalier.
Des actions de déstabilisation ont été confirmées, de même que la circulation d’argent et l’existence de “camps d’entraînement” (sans doute encore rudimentaires) par les experts de l’ONU, notamment, comme par des sources proches du dossier à Abidjan.
“Mais il n’y a aucun plan d’envergure”, insiste une source sécuritaire occidentale.
A l’inverse, le gouvernement accuse le camp Gbagbo de poursuivre un projet de renversement du pouvoir depuis la vague d’attaques meurtrières menées en août par des groupes armés contre les forces de sécurité, notamment à Abidjan. Les partisans de l’ex-régime démentent, et dénoncent un climat de “terreur” marqué par de nombreuses arrestations.
Mais le pouvoir ivoirien est aussi menacé par ceux qui l’ont aidé militairement à s’installer en avril 2011, en particulier parmi les ex-rebelles venus du nord du pays, dont beaucoup “sont loin de se sentir” récompensés, avertit le dernier rapport de l’ONU.
Selon des sources concordantes, certains de ces hommes ont pris part aux attaques d’août, qui ont marqué le plus grave regain de tension en Côte d’Ivoire depuis la fin de la crise.
L’ONU, des chancelleries et des ONG nationales et internationales lancent des appels pressants à engager une réforme de l’armée incluant le désarmement et la démobilisation de milliers de combattants d’hier. Mais, excepté un laborieux recensement de ces hommes, “on ne voit rien venir”, s’alarme une source proche de l’appareil sécuritaire.
AFP / 11/10/2012