Réputée être jusqu’ici une zone stable en Afrique, l’espace CEDEAO est en proie à une crise post-électorale dont nul ne sait encore les conséquences pour la Guinée et la sous-région. Après les crises post électorales en Guinée en 2010, en Côte d’Ivoire en 2011 et tout récemment au Burkina Faso, la CEDEAO est en passe de devenir une poudrière électorale. Alors qu’on croyait sortir de la turbulence avec la bonne organisation des élections au Sénégal en 2012, au Mali en 2013 et au Nigéria en 2015, quelle ne fut la surprise de constater qu’en Guinée on assiste presque à un hold-up électoral. S’achemine-t-on vers « un Coup K.O » ou le « Takokelen » dès le premier tour en Guinée ? En Afrique doit-on faire réellement confiance aux historiques opposants politiques ? Que fera la CEDEAO pour sévir en cas de tripatouillage des résultats par le régime sortant en Guinée ?
Tous les signaux d’un trouble social certain aux relents ethniques sont aujourd’hui réunis en Guinée. Après la proclamation provisoire des résultats des élections présidentielles qui donnent le Président sortant Alpha Condé gagnant dès le premier tour, la Guinée est au bord de l’affrontement. C’est dans un climat de surprise générale que les candidats et les observateurs de la classe politique guinéenne ont assisté à la proclamation par la CENI des résultats provisoires de cette élection. Estimé à 79 %, le taux de participation aura répondu à toutes les attentes et pronostics en termes de mobilisation et d’engagement citoyen. Va-t-on gâcher cette belle fête de la démocratie par des manifestations et autres jets de gaz lacrymogène ? Alpha Condé, l’emblématique opposant de tous les régimes qui se sont succédé en Guinée depuis l’indépendance jusqu’à nos jours va-t-il être finalement le bourreau de la démocratie naissante pour laquelle il s’est tant battu ? La Guinée de Ahmed Sékou Touré qui a dit non à la France du Général De gaulle est-il en train de devenir « une sous-préfecture de la France » et le Président guinéen le « nouveau sous-préfet » nommé par Hollande ? La CENI en déclarant Alpha Condé vainqueur dès le premier tour et le collectif de la communauté internationale représentée par la CEDEAO, l’UA, l’UE la Francophonie et les Nations-Unies semblent cautionner un résultat malgré qu’il ait souligné « les dysfonctionnements techniques qui ont pu affecter le déroulement du scrutin ».
La mainmise du groupe Bolloré sur l’économie de la Guinée semble porter la caution de la main invisible de la France qui semble être le véritable garant de cette mascarade d’élections aux relents ethnico politique. Le président Condé s’il venait à être déclaré vainqueur dès le premier tour, il ne le devra en réalité qu’au soutien de son vieil ami de l’international socialiste François Hollande. Et pourtant, l’ancien président de la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF) à 77 ans avait toutes les chances devant l’Histoire de devenir le deuxième Mandela d’Afrique en acceptant après un premier mandat bien rempli de se retirer de la scène politique pour voir son œuvre lui survivre. Il ne devrait en aucun cas accepter d’être un aussi mauvais démocrate en tripatouillant les résultats pour se maintenir. Un deuxième était inévitable en Guinée si le processus de centralisation des votes s’était bien déroulé. Il ne devait non plus refuser à l’Opposition son droit de contestation, des privilèges dont il a toujours lui-même bénéficiés de la part des régimes successifs de la Guinée de Sékou Touré à Lansana Conté. Tout indique que nous nous acheminons vers des lendemains difficiles en Guinée. L’Opposition a déjà annoncé les couleurs en suspendant sa participation et en rejetant d’office les résultats. La nouvelle politique néo coloniale de la France-Afrique de Jacques Foccart dont la France ne s’est jamais départie a encore de beaux jours devant elle. Elle continuera à faire élire des candidats qui sont prêts à « vendre » leur pays à la France ou à maintenir des présidents impopulaires et illégitimes afin qu’elle puisse continuer à s’accaparer des immenses ressources de l’Afrique au mépris des intérêts des peuples souverains. A quand la prise de conscience des dirigeants africains ? Nul ne fera l’Afrique francophone à la place des africains. Le réveil est donc nécessaire pour ne pas toujours demeurer la lanterne rouge du développement. Les pays anglophones ont déjà donné le ton en entretenant des relations décomplexées avec l’Occident et en ayant développé des capacités propres de négociation face aux puissances économiques mondiales. Les pays Francophones doivent leur emboiter le pas pour que l’Afrique puisse être véritablement indépendante.
En définitive, de Laurent Gbagbo à Alpha Condé en passant par Abdoulaye Wade, le constat reste le même, ceux qui ont passé la moitié de leur combat politique dans l’Opposition et qui ont pu accéder par la suite aux rennes du pouvoir ont jusqu’ici déçu et n’ont jamais pu accorder à leur Opposition les droits dont ils ont toujours bénéficié quand ils étaient dans le maquis. Est-il plus facile d’être opposant que président démocrate ? Le Professeur Alpha Condé a certainement la réponse.
Youssouf Sissoko