Plus de cinq millions d’électeurs sont appelés aux urnes pour les élections législatives, ce samedi 28 septembre. Ce premier scrutin parlementaire depuis 2002 se déroule dans un climat tendu. Les violences de cette semaine ont fait une victime et une cinquantaine de blessés. Sont en jeu, 114 sièges dont 38 au scrutin uninominal à un tour et 76 à la proportionnelle. La Commission électorale, tant décriée par l’opposition depuis deux ans, assure que tout est prêt. Les bureaux ont ouvert à 8h, heure locale (TU).
A l’ouverture des bureaux de vote à Conakry, à 8 heures (heure locale), le correspondant de RFI a pu mesurer l’engouement suscité par ce scrutin. De longues files d’attente, en majorité composées de femmes et de jeunes, se formaient : certains étaient arrivés deux heures avant l’heure prévue. Une ambiance bon enfant, festive.
RFI a pu constater aussi, à certains endroits, l’absence de l’encre indélébile qui pourrait empêcher certains électeurs de voter plusieurs fois, car il est établi que beaucoup de personnes possèdent une ou deux cartes ou même plusieurs, alors que d’autres n’ont pas retrouvé la leur.
Certaines voix dénonçaient des problèmes d’organisation, la commission électorale, elle, assure le contraire. Les observateurs ont relevé qu’outre le manque d’encre indélébile, il y avait aussi l’absence de représentants de certains candidats, peut-être en retard. Une absence qui ne manquera sans doute pas d’être décriée.
Un choix confortable
Vingt-deux listes, 1714 candidats, 5 millions d’électeurs pour désigner, au total, 114 députés. Les Guinéens ont un choix confortable devant eux, mais aussi un scrutin complexe. Trente-huit députés sont élus dans 38 circonscriptions au scrutin uninominal à un tour, et 76 autres sont élus à la proportionnelle nationale. Chaque électeur votera donc deux fois.
Les Guinéens n’ont pas élu leurs députés depuis 2002. La crise sociale de 2007, marquée par de violentes émeutes, avait entraîné un report des législatives, puis la mort du président Lansana Conté et l’arrivée au pouvoir de la junte avaient débouché sur l’instauration d’un CNT, sorte de Parlement aux membres désignés par les partis politiques.
Ce scrutin est donc historique. Quelque 1100 observateurs nationaux, issus du réseau d’organisations de la société civile, sont déployés, mais aussi 80 observateurs européens et une quinzaine de l’Union africaine.
« Ça a été assez difficile, c’est le moins que l’on puisse dire, témoigne au micro de RFI Edem Kodjo, ancien Premier ministre togolais et membre de la commission des observateurs de la Cédéao, parce que jusqu’au dernier moment, il y avait toujours des affrontements. Il y a une sorte de violence latente et larvée. Nous tenons les doigts croisés pour que tout se passe bien. Mais pour l’instant, on ne sent pas de la tension, […] il y a plutôt une volonté affichée de participer à ces élections qui sont attendues depuis longtemps. »
Après une campagne marquée par une certaine tension en province et des violences à Conakry, la capitale, 15 800 gendarmes et policiers seront chargés d’assurer la sécurité des lieux de vote.
Quels enjeux?
Deux ans et demi après l’arrivée au pouvoir d’Alpha Condé, ces législatives ont, pour la mouvance présidentielle, des allures de mi-mandat. Un véritable défi pour le RPG- Arc-en-ciel. Car les réformes structurelles, initiées par le président Condé, prennent du temps à se concrétiser dans la vie quotidienne des Guinéens. Et il faut donc les convaincre qu’une majorité à l’Assemblée permettra à la fois de poursuivre, et d’accélérer ce travail.
Du côté de l’opposition, on a davantage critiqué l’action du chef de l’Etat que proposé de vrais projets alternatifs et l’on souhaite que l’Assemblée nationale puisse servir non pas de chambre d’enregistrement mais de véritable contre-pouvoir efficace. Pour certains opposants, ces législatives ont une allure de revanche sur la présidentielle de 2010 qui avait vu Alpha Condé renverser la vapeur face à son adversaire Cellou Dalein Diallo.
Pour tous, enfin, ces législatives vont servir de test grandeur nature, à deux ans de la prochaine présidentielle. Ces derniers jours, les appels au calme se sont multipliés. Les partis, les religieux et même les rappeurs et les rastas ont demandé aux Guinéens d’aller voter dans le calme.
■ ZOOM : A Nzérékoré, les attentes sont nombreuses
Depuis l’élection du président Alpha Condé, le processus électoral a été parsemé de multiples manifestations de l’opposition et de violences provoquant la mort de dizaines de personnes. En début de semaine, des affrontements entre militants du RPG, le parti au pouvoir, et ceux de l’UFDG, principal parti d’opposition, ont causé la mort d’un gendarme. C’est dire si la plupart des Guinéens attendaient la tenue de ces élections avec impatience, pour que le pays retrouve sa sérénité. C’est le sentiment recueilli par le correspondant de RFI à Nzérékoré, en Guinée forestière.
Vendredi, le marché de Nzérékoré était très dynamique : il faut faire les courses pour le week-end en prévision des élections législatives qui se tiennent aujourd’hui…