Nike, Mac Donald, Netflix, General Motors, Amazon ou encore H&M… De nombreuses entreprises américaines et même internationales sortent de leur silence et s’engagent ouvertement contre le racisme. Elles font écho aux manifestions qui se déroulent aux Etats-Unis après la mort de George Floyd, un Afro-Américain asphyxié lors d’un contrôle de police à Minneapolis. Trois questions à Grégoire Mialet, président de C-Ways, un cabinet de conseil en marketing.
RFI : Les entreprises américaines, et même internationales, tous secteurs confondus, soutiennent ouvertement le mouvement antiraciste aux Etats-Unis depuis le décès de Georges Floyd. Comment se caractérise ce soutien ?
Grégoire Mailet : Les marques communiquent beaucoup sur le racisme en ce moment, mais surtout, elles ont compris que communiquer, c’est-à-dire réagir à un événement, le condamner ne suffit plus. Les marques ont la nécessité d’aller beaucoup plus loin qu’un simple communiqué, voire des dons de 100 000 dollars à telle ou telle association. Elles doivent se positionner comme de véritables acteurs de ce mouvement social. Et pour cela, elles prennent des risques. Prendre un risque c’est être capable de mettre son « business » sur la table pour dire : je m’engage, car ce sont des valeurs auxquelles je tiens. On a vu des marques de mode fermer des magasins toute une journée – Fenty, la marque de Rihanna, et H&M par exemple – pour dire : la communauté noire, c’est une communauté qui est très importante. C’est une position forte parce qu’elle est tranchée, avec, pour ces entreprises, un œil sur les retombées sur le long terme de s’être engagées dans la lutte contre le racisme.
Autre exemple, Nike a transformé son célèbre slogan « Just Do It–» (Simplement fais-le) en « Don’t do it » (Ne le fais pas), en référence au racisme. Une campagne que son concurrent Adidas a aussitôt relayée. Nike est d’ailleurs un des premiers à s’être engagé publiquement en 2016 en soutenant Colin Kaepernick. Le joueur de football américain avait posé un genou à terre pendant l’hymne américain pour protester contre les violences policières envers les Noirs aux Etats-Unis. Nike avait pris un risque fort en s’associant à ce joueur très critiqué, même par Donald Trump, en campagne pour les présidentielles, mais il en a tiré des bénéfices depuis et aujourd’hui encore parce qu’il est cohérent avec ses engagements.
Let’s all be part of the change.#UntilWeAllWin pic.twitter.com/guhAG48Wbp
— Nike (@Nike) May 29, 2020
Les violences policières envers les Noirs ne sont pas un phénomène nouveau aux Etats-Unis. Qu’est-ce qui a changé cette fois pour que les marques sortent de leur silence habituel ?
Le silence était, c’est vrai, assourdissant. Les marques s’engageaient assez peu. Pour plusieurs raisons. Il s’agit d’un sujet extrêmement sensible aux Etats-Unis parce que la question raciale est criante. En France et dans d’autres européens, cette question n’est pas abordée parce que les statistiques ethniques et le marketing ethnique ne sont pas autorisés, donc les enseignes ne peuvent pas se positionner concrètement à ce sujet. Mais là, il y a une rupture. Quelque chose a changé et c’est dû à l’accumulation d’événements racistes aux Etats-Unis et à la force de ce qui passé le 25 mai. La vidéo de l’interpellation de George Floyd a choqué tout le monde et provoqué une émotion très forte. Les marques doivent répondre à cette émotion et se positionner.
Les marques doivent donc répondre, voire devancer les besoins des consommateurs…
Les marques sont des acteurs de la société extrêmement puissants. Elles ne peuvent pas rester complètement silencieuses face aux événements qui suscitent un tel niveau d’émotion dans le monde. Le consommateur est lui-même de plus en plus activiste. Il attend des actions concrètes de la part des marques. Des actes, pas uniquement des paroles. Il attend également un engagement fort. Un engagement, pour lui, c’est acheter des marques qui véhiculent les valeurs auxquelles il souscrit. C’est aussi la possibilité, pour lui, de sensibiliser d’autres consommateurs à ces valeurs. Le consommateur est dans cet esprit-là et la marque est obligée de répondre à cette demande. Elle doit s’adapter aux valeurs de ses clients. C’est une nouvelle ère dans la société de consommation. Les marques doivent s’adapter bien plus qu’elles ne le faisaient auparavant aux valeurs portées par leur clientèle.
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