Les confidences de Nafissatou Diallo

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Plusieurs extraits de l’interview de la femme de chambre sont distillés dans la presse américaine depuis dimanche, avant sa diffusion intégrale mardi soir.

On connaissait depuis dimanche soir le visage et la silhouette de Nafissatou Diallo, après la diffusion de son interview sur la chaîne américaine ABC. Lundi matin, les Américains ont découvert sa voix. Une voix grave, au fort accent africain. Une voix ferme, qui s’exprime parfois de manière théâtrale, pour raconter ce qui s’est passé dans la chambre 2806 du Sofitel de New York. L’émission Good Morning America, l’équivalent de Télé Matin sur France 2, n’a donné qu’un extrait de l’interview, sans doute parce que pour ce programme matinal, il n’était pas question de choquer la téléspectatrice avec des détails scabreux ou les descriptions mimées de la jeune femme.

Nafissatou parle avec beaucoup de gestes et s’anime particulièrement quand elle décrit l’agression. Elle pleure par moments, par exemple lorsque la journaliste lui demande si elle se prostitue, ce qu’elle nie farouchement. Mais elle paraît aussi très maîtresse d’elle-même : à certains moments, ses larmes semblent un peu forcées et ses déclarations manquent de naturel, comme si elle les avait un peu trop répétées. Mais est-ce le signe qu’elle joue un rôle ou plutôt parce qu’elle a déjà raconté maintes fois la même chose, et qu’elle a bien entendu été "préparée" par son avocat ? Sans oublier que se retrouver devant une caméra peut être très intimidant. Le journaliste de Newsweek, qui était présent pour l’interview qui a duré plusieurs heures, estime que son témoignage sur son agression sexuelle est "convaincant". Ce qui l’est moins, ce sont ses réponses sur son passé. Elle reste vague, esquive les questions.

Une femme terrorisée

Dans ces courts extraits d’interview, le moment le plus émouvant se situe lorsqu’on lui demande si elle savait qui était Dominique Strauss-Kahn. "Non", répond cette grande femme aux formes généreuses et à la peau claire. "Je regardais les infos, et ils ont dit qu’il allait être le prochain président de France et je me suis dit ‘Oh mon Dieu’ et je pleurais". Lorsque la journaliste lui demande pourquoi, elle répond : "parce que je sais que si c’était dans mon pays, il est un homme puissant, ils vont me tuer avant que quelqu’un sache ce qui m’est arrivé". Le journaliste de Newsweek affirme que Nafissatou Diallo insiste beaucoup sur le fait qu’elle était terrorisée à l’idée de perdre son boulot. Ce qui explique, dit-il, le comportement de cette jeune femme qui vient d’un village pauvre et qui a réussi à décrocher un travail avec un salaire correct au Sofitel. "Si elle perd son boulot, toute sa vie peut s’effondrer", résume-t-il. C’est ce qu’on entendra demain soir dans l’interview diffusée dans son intégralité lors de l’émission Nightline.

Décider de s’expliquer publiquement est très inhabituel pour une victime. Et très risqué pour Nafissatou Diallo. D’autant que c’est Cyrus Vance, le procureur lui-même, qui avait reconnu publiquement que la plaignante n’était pas totalement crédible. L’avocat de Nafissatou Diallo, Kenneth Thompson, a donc décidé de mettre une pression extrême sur le procureur new-yorkais, pour qu’il décide d’aller jusqu’au procès. Selon ABC News, Thompson devrait aussi annoncer une action en justice au civil contre DSK

Le Point.fr – Publié le 25/07/2011 à 15:37

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Nafiissatou Diallo rompt le silence

 La femme de chambre qui accuse DSK de tentative de viol s’est exprimée dans la presse américaine.

Nafissatou Diallo a finalement décidé de briser le silence. Elle a donné une interview exclusive à la chaine américaine ABC qui en a diffusé quelques extraits dimanche soir. Le reste doit être distillé lundi matin dans Good Morning America, puis mardi soir. Sur les images, on la voit marcher dans New York : une grande femme, les cheveux raides en pantalon noir et blouse blanche, avec le visage légèrement grêlé par des marques d’acné. Selon le magazine Newsweek qui était aussi présent lors de l’interview, qui a duré trois heures, dans les bureaux de son avocat Kenneth Thompson sur la Cinquième Avenue, Nafissatou Diallo ne sait ni lire ni écrire, et a peu d’amis. Selon le magazine, la femme de chambre a pleuré plusieurs fois au cours de l’interview et ces pleurs, par moments, "avaient l’air forcées".

"Je n’ai jamais voulu parler publiquement mais je n’ai pas le choix… Je dois le faire, pour moi. Je dois dire la vérité", explique-t-elle. "Je veux que justice soit faite, je veux qu’il aille en prison", dit-elle. "Je veux qu’il sache qu’il existe des endroits où vous ne pouvez pas vous servir de votre fric, de votre pouvoir quand vous faites un truc pareil", ajoute-t-elle. Quand on lui demande pourquoi le procureur a émis des doutes sur l’affaire, elle reconnait "des erreurs" mais affirme que "Dieu est témoin que je dis la vérité. Du plus profond de mon coeur. Dieu le sait".

"Cirque indécent" (avocats de DSK)

Les avocats de Dominique Strauss-Kahn ont aussitôt réagi avec un communiqué exaspéré et vengeur. "Il est temps que ce cirque indécent s’arrête", expliquent-ils. "Madame Diallo est la première accusatrice de l’Histoire à lancer une campagne médiatique pour convaincre le procureur de poursuivre les accusations contre une personne dont elle veut soutirer de l’argent. Ses avocats et ses attachés de presse ont orchestré un nombre sans précédent d’évènements médiatiques et de manifestations pour faire pression sur le procureur après qu’elle a avoué ses efforts extraordinaires pour le tromper. La conduite de ses avocats n’est pas professionnelle et viole les règles fondamentales de la profession. Son but évident est d’enflammer l’opinion publique contre un accusé dans une affaire criminelle en cours".

Dans l’interview, Nafissatou Diallo maintient farouchement que Dominique Strauss-Kahn l’a attaquée dans la chambre du Sofitel. Elle a vu un serveur sortir avec un plateau de la chambre 2806. Il lui a dit qu’elle était vide. Elle est rentrée en disant "Bonjour, femme de chambre" et puis elle a vu apparaitre un type à poil avec des cheveux blancs. "Oh mon Dieu, je suis désolée", raconte-t-elle, ajoutant qu’elle a fait demi-tour. "Ne vous excusez pas", lui a-t-il dit. Mais il s’est mis à agir comme "un fou", selon elle. Il lui a attrapé la poitrine. Il a claqué la porte de la suite. "Tu es très belle", lui dit-il en la tirant vers la chambre, toujours selon la femme de chambre. "Arrêtez monsieur, je veux pas perdre mon boulot". "Tu vas pas le perdre". "Il m’a tiré violemment vers le lit, il a essayé de me mettre son pénis dans la bouche", affirme la jeune femme en mimant comment elle a essayé de résister en tournant la tête et en serrant les lèvres. "Je l’ai poussé je me suis levée, je voulais l’effrayer".

"Je ne voulais pas perdre mon job"

"J’ai dit ‘Regardez, il y a mon chef qui est là’". Mais DSK lui répond qu’il n’y a personne. Selon le récit, il la pousse dans le couloir vers la salle de bain, lui remonte son uniforme sur les hanches et déchire son collant, lui attrapant violemment le sexe. Il la met à genoux, le dos au mur et lui impose une fellation. "Il me tenait la tête très fort là", dit-elle en montrant son crâne, "il bougeait et faisait du bruit. Il faisait ‘uhh, uhh, uhh’", il m’a dit "suce mon-je peux pas le dire. Je me suis relevée, je crachais, j’ai couru, je me suis enfuie sans regarder en arrière, j’ai couru dans le couloir, j’étais tellement nerveuse, tellement effrayée, je ne voulais pas perdre mon job".

Elle raconte qu’elle s’est cachée dans un coin et a essayé de se calmer. Elle a vu DSK sortir. "Il m’a regardé comme ça", dit-elle en inclinant la tête et en regardent droit devant fixement. "Il n’a rien dit". Elle avait laissé ses produits de ménage dans la chambre 2820 donc elle est allée les chercher puis est revenue dans la 2806 pour "la nettoyer". Ce qui ne correspond pas à son témoignage devant le Grand Jury où elle a affirmé qu’elle était allée nettoyer la chambre 2820 et ensuite la chambre de DSK. Elle a aussi changé sa version disant d’abord à la police que DSK n’avait pas parlé pendant l’attaque. Newsweek a apparemment vu le rapport médical qui dit que la zone vaginale montre des signes d’irritation et qu’elle a un ligament déchiré dans l’épaule.

Procès ou non-lieu

Le lendemain quand Nafissatou Diallo regarde les informations et découvre qui est DSK, elle s’affole. Elle est ensuite logée dans un hôtel avec sa fille de 15 ans, sans téléphone portable, et a très peu de contacts avec l’extérieur pendant des semaines. Son visage s’éclaire seulement quand elle parle de son boulot. En avril, une de ses collègues est partie en congé de maternité et on lui a donné le 28ème étage. "On travaillait en équipe. J’adorais ce job, j’aimais les gens. Tous de différents pays, Américains, Africains, Chinois. Mais nous étions tous pareil ici", raconte-t-elle.

Elle reste vague sur son passé, sur son père. Elle dit que son mari est mort "de maladie", qu’elle a été violée par deux soldats en Guinée. "Nous sommes pauvres, mais nous sommes des gens bons, je ne pense pas à l’argent". Quid alors de la fameuse conversation téléphonique avec Amara Tarawally, un trafiquant de drogue emprisonné en Arizona ? Selon le New York Times elle lui aurait déclaré le lendemain de l’incident dans son dialecte : "Ne t’inquiète pas, ce type a plein de fric, je sais ce que je fais". Mais apparemment la citation est une paraphrase du traducteur et la vraie citation serait différente. Dans l’interview, elle nie avoir touché de l’argent d’Amara Tarawally. Il a eu accès à ses comptes en banque en lui donnant de faux sacs de marque. "Six ou sept. Ils n’étaient pas de très bonne qualité".

Ces déclarations publiques risquent de compliquer les rapports déjà très tendus entre les avocats de Nafissatou Diallo et le procureur. Les derniers interrogatoires au bureau de Cyrus Vance ont été particulièrement houleux. Reste maintenant au procureur à décider s’il peut aller au procès ou s’il vaut mieux un non-lieu. Une décision qui peut survenir à tout moment.

Le Point.fr – Publié le 25/07/2011 à 01:45

 

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