Le Burkina Faso serait-il devenu le nouveau ventre mou du Sahel ? En tous cas, l’interrogation prend tout son sens, lorsque l’on sait que Ouagadougou vient d’être victime de son troisième attentat en trois ans. Perpétrer des attaques en zones frontalières ou rurales est une chose aisée pour les terroristes que de frapper les grandes villes, de surcroit une capitale. Et quand ces adeptes de la guerre asymétrique parviennent à perpétrer des attaques avec une relative constance, les forces de l’ordre et de sécurité sont les premiers à être indexées.
Le vendredi 2 mars 2018 dans la matinée, Ouagadougou a été la cible d’une double attaque contre l’état-major des armées et l’Ambassade de France (8 morts dont 8 militaires burkinabé et 8 djihadistes). Une attaque qui rappelle douloureusement les deux précédentes que sont celles du 13 aout 2017 (19 décès) et du 15 janvier 2016 (30 morts). Le Burkina Faso paierait ainsi son engagement dans la force conjointe du G5 Sahel pour la lutte contre le terrorisme dans la région. Le lendemain des attaques, le Groupe pour le soutien de l’islam et des musulmans (GSIM) dirigé par Iyad Ag Ghaly a revendiqué le double attentat.
Mais alors, pourquoi Ouagadougou est si endeuillé par rapport aux autres capitales des pays du G5 Sahel, et même de la région ouest-africaine ? Est-ce la faute des forces de l’ordre du pays qui ne feraient pas bien le travail sécuritaire ? Ou est-ce un choix bien réfléchi de la part des émirs du terrorisme ? A la décharge des forces de l’ordre burkinabè, il est bien connu que le péril terroriste, spécifiquement celui des opérations d’attentats et de guérillas, est un mal très difficilement gérable. Des pays développés, avec bien plus de moyens militaires et financiers que le Burkina, sont victimes d’attentats. Les exemples de la France avec les attentats de Charlie Hebdo et de l’hyper cacher sont éloquents à suffisance.
Donc, s’agit-il d’un choix délibéré d’Iyad Ag Ghaly et de ses acolytes ? Dans le même ordre d’idées, d’autres capitales comme Bamako ou Dakar seraient bien plus sécurisées que Ouagadougou. Rappelons toutefois le contexte spécifique du Mali. Car étant le pays par où le terrorisme s’est introduit au Sahel, la fréquence des attentats dans la capitale Bamako n’est pas si alarmante. On y dénombre quatre attentats depuis l’installation d’IBK à Koulouba, (Le 7 mars 2015 au bar-restaurant La Terrasse, le 20 novembre 2015 à l’hôtel Radisson Blu de Bamako, le 22 mars 2016, une attaque jihadiste vise l’hôtel Nord-Sud en plus de celle du campement Kangaba, le 19 juin 2017). Mais la palme de la sécurité revient certainement au Sénégal qui n’a, jusque-là, été victime d’aucune attaque. Haut-lieu de l’Islam mystique en Afrique de l’ouest, que les terroristes considèrent comme une hérésie, beaucoup ne donnaient pas cher de la peau de ce pays en 2013, lorsque les premières opérations de guerres asymétriques commencèrent au Sahel. Mais aujourd’hui, le Sénégal reste toujours ce sanctuaire inviolé de l’Islam confrérique. Un autre cas troublant, c’est celui de la Mauritanie, elle aussi à l’abri d’attentats. Le pays aurait secrètement conclu un accord avec AQMI. Le régime de Ould Abdel Aziz aurait expressément demandé à Al Qaida de ménager la Mauritanie en échange de la libération de ses combattants détenus dans les prisons de Nouakchott et la garantie de la non-poursuite des éléments terroristes quand ils se trouvent sur le territoire mauritanien. Une demande qui s’ajouterait à une lettre trouvée dans le dédale de documents trouvés par les forces américaines en 2011 à la résidence de Ben Laden, dans laquelle il est relaté que les dirigeants d’Al Qaida auraient discuté d’un plan de paix avec la Mauritanie en 2010. Maintenant que la donne a changé avec l’implication du pays dans la force conjointe militaire du Sahel, AQMI violera-t-il le supposé pacte ?
Avec l’opérationnalisation du G5 Sahel, les terroristes opérant dans la région voudraient, coute que coute, frappé son état-major au cœur. Même si ce n’est pas la panique en leur rang, les chefs des groupes armés extrémistes chercheraient des alliés, quitte à frapper à la porte de leur rival d’un jour, le groupe Etat Islamique.
Ahmed M. Thiam