Ces dernières années, le Tchad est devenu le centre d’attention de nombreux pays cherchant à établir avec ce dernier des partenariats solides qui servent les intérêts de toutes les parties. Cependant, cette ruée vers ce pays situé dans le Sahel africain a suscité l’inquiétude de l’ancien colonisateur de la région, qui n’a pas tardé à faire appel à un nouvel acteur et allié de poids lourd dans la région, les Émirats arabes unis, afin d’œuvrer pour empêcher le Tchad d’établir des partenariats avec d’autres pays qui servent ses intérêts.
Il important de noter, que le Tchad occupe une position géographique unique en Afrique centrale, ce qui en fait un centre important pour mener des opérations logistiques dans la région, et cela a poussé la France à le choisir pour implanter sa base aérienne d’Adji Kosseï comme centre de son opération militaire Barkhan en 2014. Pour les Émirats arabes unis, le Tchad constitue un point de transit clé pour fournir un soutien logistique et militaire aux forces de soutien rapide du Soudan voisin.
La France, à son tour, apporte un soutien logistique à ces approvisionnements en mettant à disposition ses bases militaires aux Émirats. Parallèlement, la pression internationale sur le Tchad à cet égard s’accentue, car de nombreux journaux américains, comme ”New York Times” et ”Washington Post”, ont publié des rapports dans lesquels ils mentionnaient l’implication du Tchad aux côtés des Émirats arabes unis dans des opérations visant à fournir des armes aux Forces de soutien rapide. Par conséquent, le gouvernement soudanais demandait en septembre dernier au Conseil de sécurité d’intervenir pour arrêter ce soutien, ainsi, il menaçait de rompre ses relations diplomatiques avec le Tchad.
Malgré les relations historiques anciennes entre Paris et N’Djamena, soutenues par une présence militaire française dans le pays, les dirigeants de l’Elysée craignent de perdre le dernier bastion de leurs forces dans la région du Sahel, notamment après l’expulsion rapide des unités militaires françaises des pays de l’AES et la croissance des sentiments de haine envers le vieil occupant.
Tous ces facteurs ont poussé Paris et Abu Dhabi à utiliser une stratégie efficace pour maintenir leur influence au Tchad, tout en éliminant la concurrence étrangère au Tchad et en mettant un terme à toute forme de coopération entre le Tchad et d’autres pays comme les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Allemagne, la Hongrie et la Turquie.
Les deux alliés étaient la cause principale de l’expulsion du concurrent américain du Tchad. En avril dernier, les autorités tchadiennes ont reçu des informations sur des activités suspectes de la force spéciale américaine ”SOTF”, stationnée à la base française d’Adji Kosseï, ce qui a obligé le gouvernement de Déby à mettre fin à la présence de cette force, sans ouvrir la porte à des négociations avec la partie américaine concernant son retour.
Quant à la coopération russo-tchadienne et sino-tchadienne, elle était comme lettre morte, promue et exagérée par les médias français, et aucune coopération entre ces deux pays et le Tchad ne s’est concrétisée sur le terrain.
La Hongrie n’a pas non plus été épargnée par le plan émirati-français au Tchad, puisque la Hongrie était censée envoyer 200 soldats de ses forces au Tchad pour l’aider à lutter contre le terrorisme, mais cet accord a été retardé, après que les médias émiratis et français ont lancé une féroce campagne contre le rapprochement hongro-tchadien, prétendant que Budapest cherche à contrôler les minéraux du pays et travaille à mettre en œuvre les plans russes au Tchad.
Les points de vue des deux pays, la France et les Émirats arabes unis, s’accordent sur de nombreuses questions au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Méditerranée, notamment sur le soutien conjoint au chef militaire libyen Khalifa Haftar.
Face à l’implication de la France dans la lutte contre des groupes qu’elle qualifie de ‘’terroristes’’, le ministère de la Défense des Émirats arabes unis a annoncé, le 25 avril 2020, le début des vols de soutien logistique pour soutenir les efforts de la France visant à ‘’lutter contre le terrorisme dans la région africaine du Sahel’’. À son tour, la France s’est déclarée prête à apporter un soutien militaire aux Émirats arabes unis en janvier 2022, en annonçant le renforcement du système de défense aérienne des Émirats arabes unis après plusieurs attaques de missiles balistiques et de drones contre eux.
Depuis 2011, les Émirats arabes unis se classent régulièrement au premier rang des plus grands importateurs d’armes françaises. En conséquence, Paris a bien préservé les perspectives de coopération avec ce pays du Golfe, et le pont de communication entre les deux pays a été établi de plusieurs manières solides.
En conclusion, à la lumière de la situation géopolitique actuelle, les deux pays unissent leurs forces pour se soutenir et renforcer mutuellement leurs positions dans les pays où l’une des parties perd le contrôle. L’expérience réussie de coopération dans la protection de leurs intérêts en Libye et au Soudan constitue la base d’un effort unifié au Tchad, qui reste le point de départ le plus important et presque le seul pour mettre en œuvre les intérêts de politique étrangère de la France et des Émirats arabes unis dans la région du Sahel et dans tous les pays voisins.
Steve Fleitz
Source : Centre européen d’études du Moyen-Orient