Sur quels scénarios avez-vous bâti votre plan ?
Le scenario central vise une croissance annuelle du produit intérieur brut (PIB) de 8 % en moyenne d’ici 2015. Nous voulons faire passer la pression fiscale de 13 % du PIB à 18 % et le niveau d’investissement privé de 6,5 % à 15,7 %, en mobilisant les moyens industriels et notamment les industries extractives.
Notre scénario optimiste table sur une croissance à deux chiffres si les pluies sont au rendez-vous et si nous produisons plus de 100 000 tonnes de pétrole brut par an. Notre scénario pessimiste prévoit une croissance de 6 %, notamment en cas de conditions climatiques défavorables.
Il s’agit d’objectifs très volontaristes, car nous affrontons des chocs exogènes à répétition : sécheresse, guerre en Lybie, afflux de réfugiés ivoiriens, nigérians ou maliens. Nous ne voulons pas que notre pays devienne un sanctuaire pour les terroristes et il nous faut équiper notre armée pour cela.
Parallèlement, il nous faut en finir avec les famines cycliques que déclenchent les aléas climatiques. Nous devons aussi nous soucier de nos jeunes diplômés dont huit sur dix sont sans emploi. Notre plan est destiné à bâtir la résilience de nos populations face à ces chocs.
Comment se décline-t-il ?
Son premier axe stratégique, c’est le renforcement de nos institutions, de la démocratie, de la gouvernance et des services aux citoyens. Le second est dédié à la sécurité sans laquelle il ne peut y avoir de développement.
Le troisième est la sécurité alimentaire qui passe par la maîtrise de l’eau et des méthodes de culture modernes. Pour éviter que les populations rurales ne viennent grossir les villes, nous devons créer les conditions pour que le paysan puisse cultiver sa terre toute l’année.
Quatrième axe, créer une économie compétitive en améliorant le climat des affaires et en développant nos infrastructures afin de séduire les investisseurs. Dernier axe, le développement social à travers l’éducation et la santé.
Parviendrez-vous à maîtriser votre démographie galopante ?
Notre taux de croissance démographique de 3,35 % est l’un des plus forts au monde et, à ce rythme, notre population de 16 millions d’habitants doublera en vingt ans. Cela met en péril l’amélioration du sort de notre population.
Nous allons légiférer pour rendre l’école obligatoire jusqu’à 16 ans afin de luttercontre le mariage précoce à 12 ans qui nous vaut huit enfants par femme en moyenne. Nous prendrons des mesures pour accélérer la prise de conscience de ce danger. Il nous faut créer des écoles d’imams et des écoles pour les maris.
Allez-vous augmenter les royalties et les impôts afin de tirer un meilleur parti de vos ressources minières ?
Notre idée n’est pas de les augmenter, mais d’accroître nos capacités minières en cherchant de nouveaux gisements et en encourageant de petites unités de production. Pour cela, nous rendrons les contrats plus transparents et nous développerons notre expertise grâce à partir de nos deux écoles des mines de Niamey et d’Agadès. N’oublions pas que 99 % des personnels miniers sont nigériens, y compris chez Areva.
Comment évoluent vos relations avec Areva ?
Il n’y a pas de remise en cause de notre partenariat pour l’exploitation des mines d’uranium. Nous cherchons simplement à équilibrer nos relations afin qu’elles bénéficient plus au Niger.
Avez-vous trouvé les 10,8 milliards de dollars dont vous avez besoin pourfinancer votre plan ?
Avant le forum de Paris, 6 milliards de dollars étaient assurés soit par mobilisation de nos recettes internes soit grâce à des promesses de financement de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement, de la Banque islamique, des fonds arabes, de l’Union européenne, de l’ONU, etc. Les 4,8 milliards manquants nous ont été promis à l’occasion du forum.
La médiocre intégration régionale ne risque-t-elle pas de perpétuer votre enclavement et de compliquer l’exécution de votre plan ?
Pour y remédier, nous jouerons la carte des chemins de fer afin de permettre à nos exploitations minières d’évacuer leur production. Nous mettons en place un comité ministériel commun au Niger, au Bénin, à la Côte d’Ivoire et au Burkina Faso pour étudier les infrastructures nécessaires et créer des partenariats public-privé.
Dans le domaine énergétique, nous souhaitons que nos projets de centrales au charbon soient conçus dans la perspective d’un raccordement au réseau régional africain. Si l’on ajoute le barrage de Kandadji et les investissements dans le solaire, on peut imaginer exporter un tiers de notre production électrique.
Parviendrez-vous à sortir de l’extrême pauvreté ?
Certains indices montrent une amélioration, mais nous partons de très bas. Nous voulons créer les conditions d’une forte accélération de la croissance afin qu’elle profite enfin à tous.
Propos recueillis par Alain Faujas / Le Monde.fr | 19.11.2012 à 10h08