Le Mali et la fin du règne de Gbagbo

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La chute de Gbagbo a été accueillie dans une liesse populaire à Bamako. Dans les familles et les marchés, la nouvelle s’est vite répandue comme une trainée de poudre, «Gbagbo a été arrêté, ah, c’est bien ça », entendait-on partout. « C’est très bien », et c’est le départ des commentaires qui vont bon train sur les auteurs réels du coup de poker ; « qui l’a arrêté, les Français ou les hommes de Ouattara ? ». Mais, on s’attarde peu sur la question, le résultat étant le même dans les deux cas: la délivrance pour les populations !

Gbagbo est aux arrêts. Mais la crise ivoirienne qui est aussi malienne et sous-régionale est loin d’être finie. Pour le Mali, le défi est d’abord d’urgence humanitaire : sauver la vie des milliers de Maliens retranchés à l’ambassade à Abidjan sans assistance. Ensuite, la reprise de l’activité économique pour des opérateurs économiques maliens dont le port d’Abidjan représentait à l’éclatement de la crise en 2002, près de 70 % du trafic des marchandises, et 40 % avant la crise postélectorale, représente un deuxième défi. Le retour au bercail pendant les trois derniers mois, de 1300 Maliens de Côte d’Ivoire par le rapatriement gouvernemental, et des milliers de personnes rentrées clandestinement, ainsi que la mise en place d’un camp de refugiés improvisé à Sikasso, posent un troisième défi, celui de la réinsertion économique, sociale et sécuritaire pour l’Etat malien.

Jusqu’à la date d’hier, où Laurent Gbagbo a terminé sa course, environ 3000 Maliens retranchés à l’Ambassade du Mali en Côte d’Ivoire étaient laissés à eux-mêmes, affamés et sans eau, sans assistance, abandonnés par le personnel de l’Ambassade qui a dû se chercher. Ces Maliens qui n’avaient nulle part où aller sans être pris à partie par les jeunes patriotes armés ont-ils eu tort de trouver en leur représentation diplomatique une franchise inviolable qui pouvait les abriter ? Ils espéraient un rapatriement d’urgence dont la machine a eu une lenteur de tortue pour finir par s’arrêter. L’opération de rapatriement organisée par le gouvernement malien s’est malheureusement limitée à deux convois de 780 personnes et de 495 avant la fermeture des frontières. Pour les Maliens restés à l’Ambassade, la vie s’était arrêtée, sans activité économique, sans nourriture, sans eau, exposés à l’insalubrité, à la maladie, aussi gravement qu’ils ne sont nullement à l’abri des rafales des jeunes patriotes armés du président sortant Laurent Gbagbo. Ces Maliens, selon nos sources sûres, dénombrent parmi eux des morts dont les corps n’ont pas pu être évacués.

La situation s’était empirée le samedi 26 mars dernier quand l’Ambassade du Mali a été encerclée par les jeunes patriotes armés qui avaient déclaré la zone du Plateau ou le quartier des affaires à Abidjan, « zone des patriotes ». L’aile militaire des patriotes a tenu son assemblée générale non loin de l’Ambassade du Mali et cela ne s’est pas passé sans nuisance pour les Maliens abrités là. Depuis l’éclatement de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire, c’est une centaine de Maliens qui ont été tués, dont une vingtaine à Duekoué, 7 à Abidjan, et 2 à l’Ambassade dont les corps non pas été enlevés et qui étaient dans un état de décomposition avancée, ce 11 avril où Laurent Gbagbo est tombé.

Aujourd’hui, les questions alimentaire et hygiénique se posent avec acuité et les locataires occasionnels de l’Ambassade n’ont plus de quoi manger.

B. Daou

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