Le Croissant Rouge Algérien est-il à la hauteur de l’enjeu migratoire ?

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Depuis la nuit des temps, les migrations sont pour l’homme une manière courageuse de manifester sa volonté de surmonter l’adversité et d’avoir une vie meilleure.’’ Kofi Annan Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (1997-2006)

Le traitement de la question migratoire en Algérie fait couler beaucoup d’encre  et suscite la polémique  et on trouve, sur ce sujet, plusieurs interrogations soulevées par les observateurs de la situation humanitaire.

Le Croissant Rouge Algérien (CRA) souffre- t- il d’un manque de compétences et de moyens ? Comment se déroule le recrutement des humanitaires au sein de la CRA ? Le CRA dispose- t-il d’un bureau de terrain dans chaque wilaya ? Quelle est la stratégie du CRA pour les zones frontalières du pays ? Comment diffuser la culture de la solidarité nécessaire pour promouvoir la politique publique de solidarité sociale ? Quel est l’impact de la convention de partenariat du 5 Décembre 2017, signée  entre le Comité international de la Croix-Rouge(CICR) et le CRA ? Le CRA s’acquitte- t-il pleinement des missions qui lui sont dévolues ? Le régime politique algérien a-t-il failli à ses obligations internationales en matière de protection des migrants ? Comment  promouvoir une bonne gouvernance des migrations dans le respect des droits souverains des Etats et   des droits de l’homme des migrants ? À quoi sert le ministère algérien de la solidarité nationale ?

Les nouvelles interventions de la ‘’présidente’’ du CRA Saida Benhabyles  ne sont pas sorties de la ligne  adoptée par le régime politique algérien. S’exprimant en marge d’une cérémonie de remise d’un don  octroyé au CRA en Août 2018, la ‘’présidente’’ du CRA Saida Benhabyles a indiqué que  ’Nous défions toutes ces ONG qui nous critiquent de nous citer un autre pays qui traite les migrants mieux comme le nôtre”, tout en rappelant que “les autorités algériennes avaient mobilisé tous les services de santé et les structures d’accueil pour une prise en charge des migrants dans de meilleures conditions“.

En outre, la ‘’patronne’’ du CRA a souligné  que “l’Algérie fait face aujourd’hui à la crise migratoire engendrée par l’intervention de l’Otan en Libye”, dénonçant “toutes ces allégations infondées quant à de mauvais traitements qu’Alger infligerait aux migrants, particulièrement lors des opérations de rapatriement”. Ces propos formulés par la première ’’ responsable’’ du CRA versent  dans la surenchère humanitaire. Le défi n’est pas un argument en politique. Sans projet de société la solidarité n’est que charité.

Cette sortie médiatique intervient quelques mois, après le camouflet politique essuyé par le régime politique algérien, au sein de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples de l’UA. Le régime politique algérien doit prendre acte de la résolution intitulée ‘’ Les flux migratoires mixtes, les défis de protection des migrants et l’interdiction de la traite des personnes et de toutes formes de violence en Afrique du Nord et subsaharienne ‘’ adoptée lors de la 62ème Session ordinaire de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de l’UA  tenue en  Mauritanie, du 25 avril au 9 mai 2018.

Dans cette résolution, la commission africaine des droits de l’homme et des peuples de l’UA est ‘’Consternée,  par la multiplication des cas de maltraitance et autres violations abusives et persistantes telles que la violence policière lors d’opérations d’expulsions à l’endroit des migrants, notamment les enfants non accompagnés et les femmes dans des nombreuses régions en Afrique du Nord et subsaharienne ; notamment en Algérie .’’

La campagne orchestrée par le régime algérien  contre les migrants préside d’une approche aux antipodes des mesures prises,  au niveau de ses frontières partagées avec les pays du Sahel. Le régime algérien instrumentalise le phénomène migratoire à des fins de propagande hostile.

Il est, dans ce contexte, utile de s’interroger sur l’objectif qui motive l’action du CRA, ajoutant que celui-ci  s’éloigne de l’intérêt des migrants qu’il est censé défendre. Le CRA préfère miser sur le bénévolat et l’action caritative, alors que l’opposition parlementaire devrait s’appuyer sur une étude profonde  et sur  les travaux de l’Assemblée Populaire Nationale (APN) pour clarifier le fonctionnement du CRA, qui non seulement forgera  l’avenir de l’action humanitaire en Algérie, mais pourrait aussi avoir une incidence sensible sur la région sahélienne ,car celle-ci fait face à une crise humanitaire qui nécessite une démarche synergique,  pour prendre en compte les causes qui sont à l’origine des flux migratoires.

 Dans ses perspectives pour le Sahel, le think tank ‘’institut Montaigne ‘’ a publié  une note intitulée ‘’ Le défi démographique : mythes et réalités’’ (Juillet 2018).Cet institut souligne que le dernier rapport du National Intelligence Council américain (2017) voit les jeunes du Sahel émigrer  vers l’Algérie notamment, ajoutant que ‘’Si elles se réalisaient, les évolutions climatiques défavorables entrevues pour cette région ne pourront qu’accroître la pression migratoire(….) C’est pour ces raisons que certains experts estiment que l’émigration sahélienne pourrait concerner 40 millions de personnes d’ici la fin du siècle.’’

À l’approche de la célébration  de la journée internationale des migrants (18 Décembre 2018), il incombe à  l’opposition politique de s’unir et de prendre plusieurs initiatives : organiser une conférence sur la situation humanitaire  afin d’avoir une perspective  globale sur le phénomène de la migration .Cette conférence s’appuiera sur les contributions des représentants de la société civile et des milieux universitaires.

Benteboula Mohamed-Salah.Géographe

beyusek@hotmail.fr

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