La mort du «roi des rois», ex-futur président des Etats-Unis d’Afrique, ancien Guide de la Jamahiriya libyenne, suscite de nombreux doutes, interrogations et incertitudes. Le dictateur a-t-il été assassiné, comme se le demandent quelques défenseurs des droits de l’homme et comme le laisse entendre la demande d’une enquête de l’ONU ? Malgré leur implication directe et soutenue, les pays de l’Occident vont-ils avoir les bénéfices escomptés ? Quelles seront les conséquences pour les pays de la bande sahélo-saharienne dont le Mali ?
Le colonel Mouammar Kadhafi est mort comme il a vécu. Dans la violence et le sang, dans la liesse populaire également, entouré de sa garde rapprochée. Après plusieurs mois de cavale, il a finalement été déniché par les rebelles du Conseil National de Transition (CNT). Les circonstances exactes de sa mort nourrissent encore la controverse. Selon les uns, notamment les autorités françaises, il a été touché et grièvement blessé lors d’une attaque de sa colonne qui tentait de s’enfuir. Pour les autres, il était en bonne santé et jouissait de toutes ses facultés lorsqu’il a été tiré d’un canal d’irrigation d’où des rebelles du CNT l’ont attrapé pour le livrer à un lynchage populaire.
Dans les deux cas, les nouvelles autorités libyennes doivent répondre devant la justice internationale. L’ONU a exigé une enquête et a l’obligation de faire aboutir cette procédure. Il faut que le monde entier sache si, effectivement, la France, Sarkozy en tête, n’aurait pas voulu que le dictateur libyen soit capturé vivant et se mette à parler, au cours d’un procès juste et équitable, de ses relations particulières, troubles et étranges avec certains responsables politiques français, en particulier avec l’actuel locataire de l’Elysée dont il aurait financé la campagne.
Sur un tout autre plan, la mort ou plutôt l’assassinat présumé, de Mouammar Kadhafi est loin de résoudre tous les problèmes de la Libye. Du moins, en ce qui concerne les relations de ce pays avec l’Occident. S’il est vrai qu’à part le président vénézuélien, Hugo Chavez, aucun chef d’Etat, africain, arabe ou autre, n’a officiellement regretté ou pleuré la mort de Kadhafi, les grands décideurs de la chute du Libyen, ceux de l’OTAN en tête, sont loin de jubiler, ayant plutôt tendance à déchanter. En effet, dès l’annonce de la libération de la Libye, le chef du CNT déclare que les lois, toutes les lois de son pays s’inspireront désormais de la «charia», autrement dit, l’Occident devrait compter à ses portes avec un nouvel Etat islamique (islamiste intégriste ?). Avec une Tunisie où les ardeurs des islamistes ne sont pas encore calmées ; une Egypte déchirée par les conflits de religion, en particulier entre islamistes et chrétiens ; une Algérie où on continue d’égorger au nom de l’islam ; les Occidentaux auront beaucoup à faire dans le sens qu’ils veulent impulser à la démocratisation des pays arabes.
Dans l’immédiat, ils pourraient cependant bénéficier de la nécessité pour les Libyens de s’atteler rapidement à la reconstruction de certaines infrastructures (usines, routes, ponts, édifices, etc.) et à la réorganisation de l’administration. Mais surtout, il urge pour les nouvelles autorités de construire enfin une vraie Nation, débarrassée de toutes les poches de tension et de résistance (créées par Kadhafi au fil des victoires du CNT), et réaliser une vraie unité nationale. Une gageure. Débarrassés de l’ennemi commun, les gagnants du jour auront à faire face aux divergences et divisions internes, les différentes composantes de la rébellion n’ayant pas agi avec les mêmes motivations et convictions. Et sur ce plan, les Occidentaux n’auront pas leur mot à dire, ou si peu.
Quant aux conséquences, elles risquent d’être dramatiques pour les pays d’accueil des ex-combattants ou mercenaires en Libye.
Cheick TANDINA