La stabilité et la sécurité de la Tunisie dépendent étroitement de la situation en Libye, explique à L’Afrique en marche Rafaa Tabib, géopolitologue tunisien. Cependant, la Libye est encore loin de sortir de l’ornière à cause des mafias de la contrebande et des ingérences étrangères qui bloquent tout changement.
La Tunisie, berceau du printemps arabe en 2011, qui a suscité beaucoup d’espoirs de démocratisation, traverse une crise politique.
Outre les défis internes auxquels doit faire face le peuple tunisien, les interférences avec la situation régionale et mondiale sont évidentes, explique à L’Afrique en marche le Pr Rafaa Tabib, géopolitologue tunisien, auteur et conférencier à l’École de guerre de Tunis. En effet, la Libye voisine, à titre d’exemple, vit au rythme d’une guerre civile depuis 2011, ce qui génère des menaces sur toute la région. Selon Rafaa Tabib, les puissances occidentales, notamment européennes, n’ont pas intérêt à ce que la situation change. Le fait est qu’ils profitent du pétrole et du gaz libyens vendus à prix cassés sur le marché noir par les groupes armés et les milices qui contrôlent les gisements, précise-t-il.
“Le chaos en Libye n’est pas une donnée très négative pour les pays occidentaux. Le pétrole coule à flots. L’Allemagne profite, comme par le passé, de cette manne d’hydrocarbures qui vient de Libye. Le gaz est également pompé avec des débits très intéressants pour l’Europe”, affirme le géopolitologue tunisien auprès de Radio Sputnik Afrique. “Alors pourquoi voulez-vous que les gens trouvent une solution à ce pays?”, s’interroge-t-il.
Depuis le 24 février 2022, beaucoup de choses ont changé dans le monde dans le sillage de l’opération spéciale russe en Ukraine. Différents pays, notamment du Golfe, commencent à prendre leurs distances par rapport au bloc occidental, les États-Unis en tête. Quel pourrait être l’impact de ces développements sur la situation en Libye et ensuite en Tunisie? Sommes-nous à la veille de changements radicaux en Libye qui pourraient avoir une grande incidence dans toute la région, notamment sur le plan sécuritaire?
Pour Rafaa Tabib, nous sommes encore loin du compte. Ce seraient les Occidentaux, en particulier les États-Unis, qui empêchent la tenue des élections présidentielle et législatives en Libye.
“Il y a des recherches qui sont élaborées par des think tanks étrangers en Libye, notamment des sondages produits par des agences très sérieuses, qui montrent que si demain une élection présidentielle libre est organisée, c’est Saïf El Islam Kadhafi [fils de feu le guide de la révolution libyenne Mouammar Kadhafi, ndlr] qui serait élu. Et Saïf El Islam Kadhafi sera une belle revanche sur l’intervention de l’Otan dans ce pays en 2011”, indique-t-il, précisant qu’a contrario “les candidats soutenus par les Américains n’arrivent même pas parmi les dix premiers du classement”.