Le Burkina Faso face au nouveau « front djihadiste » de l’est

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Des militaires sont postés devant le quartier général des forces armées à Ouagadougou
Des militaires sont postés devant le quartier général des forces armées à Ouagadougou, le 3 mars 2018 / © AFP / Ahmed OUOBA

Le prêtre italien enlevé au Niger aurait été emmené au Burkina voisin, où les attaques se multiplient faute de réponse sécuritaire adéquate.

L’enlèvement d’un prêtre missionnaire italien, dans la soirée de lundi 17 septembre, dans un village situé à 125 km au sud-ouest de Niamey est évidemment une mauvaise nouvelle pour les autorités nigériennes, déjà confrontées, plus au nord, aux débordements des groupes djihadistes opérant de part et d’autre de la frontière avec le Mali. C’est surtout une très mauvaise nouvelle pour le Burkina Faso voisin qui voit apparaître, depuis quelques mois, dans sa partie orientale, un nouveau « front djihadiste », selon les mots employés par les services de sécurité burkinabés, aux contours encore flous.
Les premiers témoignages décrivent les ravisseurs de Pier Luigi Maccalli arrivant en moto du Burkina Faso, tout proche du village de Bamoanga où résidait le prêtre, avant d’y retourner avec leur otage. Le Niger et le Burkina Faso ont l’un et l’autre dû faire face à des enlèvements de ressortissants étrangers sur leur territoire, mais jamais dans cette zone.

L’est du Burkina semble échapper au contrôle de Ouagadougou. Le 15 septembre, neuf personnes y ont été tuées dans une double attaque. Un mois plus tôt, sept membres des forces de défense et de sécurité (FDS) avaient perdu la vie dans l’explosion d’un engin improvisé au passage de leur véhicule. Ils faisaient route vers le chef-lieu de la région Est, Fada N’Gourma, dont la gendarmerie était alors attaquée. Fin juillet, cinq militaires et un civil avaient péri dans des circonstances analogues.

Région des trois frontières
A ce jour, ces attaques n’ont pas été revendiquées. A la différence de celles, hautement symboliques, du 3 mars à Ouagadougou contre l’ambassade de France et l’état-major de l’armée burkinabée, dont le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaida) avait clamé être responsable. « L’identité des groupes agissant dans l’est du Burkina Faso demeure mystérieuse, confie une source diplomatique française. Le processus d’identification est en cours. »

La question se pose de savoir si ces combattants étaient préalablement dans le nord, d’où ils seraient partis sous la pression des opérations militaires conduites dans la région des trois frontières (Mali, Niger, Burkina Faso) par les Français de « Barkhane » et la force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S), ou s’il s’agit d’un nouveau groupe.

Dans un entretien publié le 5 septembre par Le Monde Afrique Mahamoudou Savadogo, chercheur à l’université de Ouagadougou et au Centre de recherches pour le développement international, avançait une hypothèse mêlant les deux éléments.

Selon lui, « certains militants de l’Etat islamique au Grand Sahara [EIGS], traqués par les forces maliennes et françaises au Mali, se seraient repliés dans l’est du Burkina, le maillon faible de la sous-région ». « On voit que la cellule utilise la même stratégie que les djihadistes des pays voisins : elle s’est formée en s’appuyant sur des chefs influents des communautés locales. Ses leaders seraient des fils de dignitaires de la région, radicalisés après un séjour au Mali pour étudier le Coran », ajoutait cet ancien gendarme.

« Faiblesse de l’appareil sécuritaire »
D’où qu’ils viennent, ces groupes prospèrent dans une région forestière et peu peuplée, abandonnée par les services de l’Etat, notamment sur le plan sécuritaire. Cette zone frontalière du Togo, du Niger et du Bénin se trouve également dans un angle mort de « Barkhane » et de la FC-G5S, dont les yeux et les armes sont tournés plus au nord. L’insuffisance de la riposte militaire burkinabée ne concerne pas que la région orientale. A tel point que la France et les Etats-Unis – qui disposent de bases dans le pays et sont engagés dans des programmes de formation de militaires locaux – tirent la sonnette d’alarme.

« Il y a de nouvelles alertes terroristes dans l’est et nous nous inquiétons de la faiblesse de la réponse des autorités », nous confie une source diplomatique française. L’armée et les services de sécurité ne se sont pas encore relevés de la chute du président Blaise Compaoré, en octobre 2014. Après le départ de cet ancien militaire du pouvoir, qu’il tenait fermement entre ses mains depuis vingt-sept ans, le Régiment de sécurité présidentielle a été démantelé. Et cette élite des forces spéciales burkinabées n’a jamais été remplacée.

« La faiblesse de l’appareil sécuritaire burkinabé est peut-être l’une des raisons pour lesquelles le pays est devenu une cible plus facile », notait au mois de mars Rinaldo Depagne, directeur du projet Afrique de l’Ouest au sein du groupe de réflexion International Crisis Group. Longtemps, pourtant, le Burkina Faso a été épargné par les violences qui déstabilisaient le Mali et le Niger voisins. Mais en deux ans, trois attaques contre la capitale ont provoqué la mort d’une soixantaine de personnes et la situation dans le nord ne cesse se détériorer.

Le 8 septembre, le chef de l’Etat, Roch Marc Christian Kaboré, a promis de nouvelles « dispositions sécuritaires pour éradiquer le fléau du terrorisme ». Une déclaration qui n’a pas convaincu tout le monde. « On sent les autorités dépassées par les événements. Elles n’étaient pas préparées à ça », commente une source française. L’interdiction de la circulation nocturne des motos dans l’est du pays, instaurée mercredi, semble ainsi dérisoire.

Par Christophe Châtelot

LE MONDE Le 20.09.2018 à 11h37

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