Dans l’Amérique de Trump, un an après

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Les partisans du 45e président américain voient l'enlisement des réformes à Washington, mais ne doutent pas de la bonne volonté de leur champion, et pointent du doigt les véritables fautifs: Congrès, establishment, démocrates, médias, juges... © reuters.

Dans cette petite ville du bassin industriel de l’Ohio River, le chômage baisse, l’usine de camions japonais s’agrandit, et l’optimisme est de retour, microcosme de l’Amérique battante promise par Donald Trump à son élection, le 8 novembre 2016.

Vues de Williamstown, à 500 km de Washington, les turbulences politiques qui secouent la Maison Blanche semblent bien artificielles. C’est un comté où 70% des gens ont fêté la victoire. Un an après, ils assument leur fidélité à la révolution trumpiste. Ils montrent les péniches pleines de marchandises qui sillonnent cet affluent du Mississippi. Les usines qui crachent leurs fumées le long de la route numéro 7. Et sur les autoroutes, la noria de camions chargés des pièces de pipelines et des citernes d’eau indispensables à l’exploitation des gaz de schiste de la région.

Fierté de cette ville de Virginie occidentale, l’usine Hino, filiale de Toyota, emploie 300 salariés et a annoncé en septembre 250 nouvelles embauches. Ici, impossible d’être au chômage si vous avez un permis poids lourds. L’agence pour l’emploi de Marietta, de l’autre côté du pont dans l’Ohio, recense 898 offres d’emplois de chauffeurs routiers. “On va beaucoup mieux qu’avant l’élection”, clame Jean Ford, la maire de Williamstown, 3.000 habitants.

Fierté de cette ville de Virginie occidentale, l’usine Hino, filiale de Toyota, emploie 300 salariés et a annoncé en septembre 250 nouvelles embauches. © afp.
La télévision de son modeste bureau est branchée sur Fox News. Cette bijoutière de profession, d’allure frêle mais au verbe ferme, ne peut citer les décisions présidentielles qui ont concrètement aidé sa région. Ce qui compte, dit-elle, c’est que la confiance soit de retour – ce que les indicateurs nationaux sur le moral des ménages et entreprises corroborent.

Mais l’économie s’améliorait déjà sous Barack Obama, rétorque, agacé, Jessie King. A 33 ans, ce spécialiste des gazoducs, oeil vif et cheveux courts déjà grisonnants, est devenu récemment le responsable de la section locale d’un syndicat d’ouvriers du BTP. Il a vécu toute sa vie dans le coin, et observé la timide reprise après des années de destructions d’emplois et de pertes d’habitants. “Il en récolte les fruits”, dit le syndicaliste. Quant à l’usine Hino, sa croissance était continue depuis dix ans.

Indulgence
Les partisans du 45e président américain voient l’enlisement des réformes à Washington, mais ne doutent pas de la bonne volonté de leur champion, et pointent du doigt les véritables fautifs: Congrès, establishment, démocrates, médias, juges… “Rappelez-moi l’an prochain, nous verrons la différence”, promet Jean Ford, maire depuis 20 ans. L’économie locale dépend des usines et des gaz et pétroles de schiste des bassins plus au nord.

C’est ce qui donne du travail à Tim Runnion, 29 ans, chauffeur de camions-citernes très occupé. “C’est impossible de mettre tout le monde d’accord”, dit-il pendant sa pause-déjeuner. “J’apprécie qu’il ne se laisse pas impressionner par les autres pays”. Ces supporteurs retiennent quelques réussites: les décrets anti-immigration, le discours militaire à poigne, la déréglementation environnementale, surtout dans cet Etat où le charbon est sacré. Et oublient l’échec de l’abrogation d’Obamacare, les dérapages sur Twitter…

“Les gens savent qu’il a des défauts, un mauvais caractère… Ils le voient comme quelqu’un de normal, comme eux”, analyse un responsable républicain local, Rob Cornelius. “Ils passent l’éponge car ils pensent que le monde entier est contre lui”. Il vante les 3% de croissance du troisième trimestre, le niveau record du Dow Jones et la baisse du chômage (4,2% en septembre, 4,7% dans ce comté). “Que vous aimiez Trump ou pas, votre compte épargne retraite a pris beaucoup de valeur depuis un an”, résume Rob Cornelius.

Trump 2020
Rien de cela n’a de sens pour les plus de 60% d’Américains qui désapprouvent l’action présidentielle, bien plus que pour ses prédécesseurs après neuf mois de mandat. Ici, les démocrates rappellent que le nombre de personnes sans couverture maladie a été divisé par deux grâce à Obamacare. Ils soulignent que le président a mis neuf mois à déclarer une “urgence de santé publique” contre le fléau des overdoses, qui décime la région et tue 65.000 Américains par an (plus que le nombre de victimes d’homicides par balles et d’accidents de la route réunies).

Reste que plus de 80% des républicains restent fidèles au milliardaire, à peine moins qu’en janvier. La digue tient. Une partie de ce soutien est un réflexe purement partisan, observe Lynn Vavreck, professeure de science politique à l’université de Californie à Los Angeles. Mais selon elle, Donald Trump “l’outsider” a créé un lien émotionnel supplémentaire avec ses électeurs: “plus que de la patience, c’est un signe de loyauté profonde. Comme pour une équipe de sport”. Elle rappelle au passage que les présidents sortants partent avantagés pour leur réélection, a fortiori si l’économie va bien. Tim Runnion, le chauffeur routier, n’hésitera pas en 2020: il revotera Trump.

 Par 7sur7.be – 2/11/17 – 12h57 

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