Désavoué par les syndicats, étrillé par les oppositions, désavoué par l’opinion et critiqué à l’international, le chef de l’État cumule les difficultés dans un contexte inflammable.
POLITIQUE – Après la promulgation, l’allocution. Ce lundi 17 avril, Emmanuel Macron reprend l’initiative. Une prise de parole à 20 heures apparaissant comme le service après-vente du parcours tortueux de la réforme des retraites qui, malgré le feu vert du Conseil constitutionnel, continue de se heurter à l’opposition syndicale et politique, autant qu’à la colère (parfois désordonnée et violente) de la rue.
Ce format, plus solennel que son interview ratée accordée aux JT de 13 heures de TF1 et France 2 le 22 mars, intervient dans un contexte délicat, où seul son propre camp, affaibli par la majorité relative à l’Assemblée nationale, semble pleinement partager son récit et ses orientations.
De quoi interroger la pertinence de cette prise de parole, puisque l’intéressé a pour le moment écarté les différents outils de sortie de crise politique, comme la dissolution, le remaniement ou un référendum sur les retraites. Un paradoxe, puisque ces trois options permettant de donner un nouveau souffle à un début de quinquennat sentant la fin de règne sont majoritairement souhaitées par les Français.
« Il ne va rien se passer »
Sans attendre, l’opposition craint déjà un coup d’épée dans l’eau.« Il ne va rien se passer. S’il dit qu’il a compris, ça fait 25 fois qu’il dit qu’il nous a compris mais derrière, il n’y a jamais le moindre changement et pendant ce temps, la colère continue de gronder », a tonné ce dimanche sur BFMTV le président LR de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand.
Sur le plateau de Dimanche en politique sur France 3, Stéphane Séjourné, secrétaire général de Renaissance, a donné quelques pistes sur le contenu de l’allocution. Au menu, des annonces sur la pénibilité, l’emploi des seniors ou le compte épargne temps universel, « que l’on a beaucoup vu dans les cortèges ».
Pourtant, comme Le HuffPost a pu le constater lors de sa couverture des manifestations, les revendications portent essentiellement sur le report de l’âge légal à 64 ans et sur l’utilisation du 49-3, et non pas sur un dispositif permettant de convertir des jours de repos… Soit peu ou prou ce que martèlent les syndicats, qui exhortent Emmanuel Macron à prendre en compte la colère qui s’exprime dans la rue et le monde du travail.
« Dans son esprit, il y a une séquence politique qui s’appelait les retraites, puis on passe à la séquence politique suivante. Mais la vie des gens, ce n’est pas une séquence politique », s’étrangle dans Le Parisien le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, toujours remonté contre le « mépris » exprimé selon lui par Emmanuel Macron, et inflexible sur son constat de « crise démocratique » que traverse le pays.
Parler dans le vide
Dans ce contexte, difficile de voir comment le chef de l’État pourrait capter l’attention de la part — majoritaire — des Français qui s’opposent à la réforme des retraites. Dans un sondage réalisé par Harris interactive après la décision du Conseil constitutionnel, 6 Français sur 10 souhaitent que les syndicats poursuivent la mobilisation.
Et l’opposition à la réforme reste stable et haute, à 71 %, sans que le feu vert partiel des Sages ne fasse bouger les lignes. Cette impasse, commentée en longueur dans les médias internationaux déjà échaudés par sa sortie incompréhensible sur Taïwan, expose le chef de l’État au risque du surplace. Soit une allocution dans la droite ligne de ce qu’il a déclaré jusqu’ici, mêlant volonté de renouer — mais à ses conditions — avec les partenaires sociaux et souhait de poursuivre d’autres réformes pour clore définitivement le chapitre des retraites.
Le tout en reprenant la rhétorique gouvernementale dressant un signe quasi-égal entre la NUPES et le Rassemblement national et en brandissant la menace de chaos comme un totem d’immunité politique. À moins que le locataire de l’Élysée ne décide de frapper un grand coup qui surprendrait jusque dans son propre camp.
Sans cela, Emmanuel Macron ne touchera que la petite partie des Français qui soutient sa réforme. Et aura parlé dans le vide, quand la crise traversée par le pays appelle des réponses fortes, dépassant le cadre d’un président s’échinant à vendre le bien-fondé d’un texte auprès d’une population qui n’en veut toujours pas. Ce qui nourrirait les procès en surdité et attiserait une colère qui s’exprime sans discontinuer depuis trois mois. Une allocution comme si de rien ne n’était, à l’image des cent premiers jours de son second quinquennat.
Source: https://www.huffingtonpost.fr/