Un juge turc a décidé de transférer à des administrateurs provisoires la direction de 22 sociétés appartenant au groupe Koza Ipek. Les motifs sur lesquels s’est appuyé le tribunal ont fait l’objet de railleries sur les réseaux sociaux tant ils étaient désopilants.
C’est sur demande du parquet d’Ankara qui mène une enquête sur «l’organisation terroriste de Fethullah Gülen» (FETÖ) que le 5è juge de paix a décidé, sur le fondement de l’article 133 du code pénal, de nommer 28 administrateurs chargés de diriger les 22 sociétés du groupe Koza Ipek, soupçonné de financer ladite organisation.
Les motifs de la décision ont rapidement fait le tour du web. Ils étaient tout bonnement abracadabrantesques.
Une décision qui confond le nom d’une mine avec le mot «don» en turc
Le procureur prétendait que la société Koza Ipek avait profité des dons des fidèles du mouvement Gülen pour transférer irrégulièrement de l’argent dans ses caisses.
Or, il a confondu le mot «himmet» qui signifie don en turc et la mine «Himmetdede» dont l’exploitation était à l’origine des sommes !
«C’est une vraie comédie. Ils ont cru que les documents évoquant la mine de Himmetdede parlaient du himmet ! Voilà le niveau de celui qui a décidé de nommer des administrateurs», a raillé Akin Ipek, le patron du groupe.
Une décision qui prend une expression économique pour une adresse louche
Le juge a également cru que les dirigeants de la société transféraient les sommes à l’origine douteuse à l’adresse Smurf Village à Ankara. Or, Smurf Village, littéralement «village des Schtroumpft», est une expression qui signifie un système économique fondé sur le partage des ressources.
Une société financièrement trop parfaite pour être honnête
Le Conseil de la concurrence et d’autres experts du ministère des Finances (MASAK) ont contrôlé à plusieurs reprises le groupe Koza Ipek.
Etrangement, le juge s’est appuyé sur un rapport fourni par plusieurs experts qui estiment que la santé financière du groupe est trop «parfaite» pour être crédible !
«Il n’existe au monde aucune institution, aucun système comptable ni aucune organisation financière parfaite. Ce n’est qu’un groupe suspect qui peut présenter un schéma parfait», notent-ils. «Je m’adresse aux experts-comptables, s’est amusé le chroniqueur économie de Zaman, n’essayez pas de tenir les comptes de manière trop parfaite, ça peut provoquer des soupçons».
Les administrateurs sont des proches du parti au pouvoir
Cerise sur le gâteau, 12 des 28 administrateurs nommés ont directement des liens avec le parti au pouvoir ou le président Tayyip Erdogan.
Ainsi, Ümit Önal n’est autre que l’ancien directeur commercial du groupe de médias progouvernemental Turkuvaz Medya (qui possède la chaîne ATV et le journal Sabah). Hüdai Bal est également un ancien de Turkuvaz Medya promu administrateur de la chaîne Show Tv. Un autre, l’expert-comptable Nevzat Demiröz est le frère du député de l’AKP, Vedat Demiröz.
Ebru-Africa Mali