Législatives. La défaite du parti d’Emmanuel Macron aux européennes suscite la réaction des officiels russes, tandis que la montée de l’extrême droite en France est scrutée par la presse proche du Kremlin.
Si les médias et le public russes connaissent bien une femme politique française, c’est Marine Le Pen. Non seulement celle-ci est identifiée depuis des années comme un allié privilégié de Moscou, elle qui avait rencontré Vladimir Poutine lors de la campagne présidentielle française de 2017, mais ces derniers jours, elle est le sujet d’une multitude d’articles de sites proches du Kremlin.
Depuis le score historique du Rassemblement national (RN) aux dernières élections européennes en France, les médias s’emballent sur une possible accession au pouvoir du parti de la députée du Nord-Pas-de-Calais, relayant les sondages d’opinion avantageux de la formation lepéniste pour les législatives anticipées.
L’occasion est aussi trop belle pour ces médias de commenter la défaite sévère du parti d’Emmanuel Macron comme résultante de sa politique étrangère : le chef d’Etat français est considéré depuis plusieurs mois comme la nouvelle bête noire de la Russie en Europe en raison de son soutien ferme à l’Ukraine. La Pravda titrait cette semaine que “le ‘parti de la guerre’ perd son leader en Europe – Macron”, tandis que le Moskovskiy Kosmolets, tout aussi proche du pouvoir, écrivait dans une de ses analyses que “la principale raison pour laquelle Macron a été vaincu est la crainte des Français que le président ne les entraîne dans la guerre. Aujourd’hui, de moins en moins de Français souhaitent soutenir l’Ukraine ; ce soutien coûte trop cher au pays.”
Scholz et Macron, cibles privilégiées
Dès l’annonce des résultats, quelques officiels russes se sont eux aussi livrés à des commentaires cinglants, à commencer par le président de la Douma (la chambre basse du Parlement russe), Viacheslav Volodine, qui a ainsi remis en cause la légitimité du président français et du chancelier allemand Olaf Scholz, lui aussi affaibli par l’extrême droite lors des européennes. “La honte de l’Europe, écrivait l’homme politique russe dès le 10 juin sur Telegram. De tels résultats étaient prévisibles. Une économie stagnante, la crise migratoire, des pays qui s’engagent dans la guerre en Ukraine à l’encontre de leurs intérêts nationaux…”
La présidente du Conseil de la Fédération (l’équivalent du Sénat), Valentina Matvienko, en est allée de même. “Le fait que lors des élections européennes, les dirigeants des grands pays du Vieux Continent – Macron et Scholz – aient subi une défaite écrasante, confirme une fois de plus leur échec en tant que politiciens nationaux et européens”, déclarait la présidente sur sa chaîne Telegram.
Le porte-parole du Kremlin a lui été plus nuancé, ne souhaitant pas “se mêler aux affaires intérieures de la France, a-t-il déclaré le 10 juin. Contrairement aux calomnies qui sont parfois répandues en Europe et en Amérique, nous ne nous ingérons pas dans les affaires intérieures d’autres pays.”
Le soutien à l’Ukraine désigné comme raison de la défaite
L’ancien président russe et vice-président du Conseil de sécurité, Dmitri Medvedev, habitué aux sorties saillantes contre la France, a quant à lui appelé le chef d’Etat français à démissionner. “Il est temps de se retirer. Dans les poubelles de l’histoire”, a-t-il fustigé au lendemain des résultats. Ce dernier avait déjà clairement évoqué “devoir soutenir les partis européens d’opposition ‘non-systémiques’ aux élections européennes” début février, agitant alors clairement la menace d’ingérences russes lors de ce scrutin. En France, le RN figure clairement dans cette catégorie, alors qu’il vient de donner l’investiture à un grand nombre de candidats aux législatives jugés comme prorusses.
Pour la Russie, la mauvaise passe d’Emmanuel Macron sur la scène intérieure se transforme doucement en argument pour critiquer la légitimité du président dans sa politique extérieure concernant l’Ukraine. Ce 13 juin, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe Maria Zakharova apostrophe la diplomatie française qui venait d’annoncer quelques jours plus tôt la livraison de Mirage 2000-5 à l’Ukraine. “Peut-être qu’au lieu de remuer la société avec une menace russe imaginaire et de pousser l’Europe et eux-mêmes vers la guerre, les dirigeants français seraient plus sages de s’attaquer aux problèmes intérieurs urgents et d’envisager les défis de longue date non résolus en matière d’économie, de sécurité et de migration”. Sur la politique intérieure française, la Russie ne loupe plus aucune occasion pour discréditer le soutien de Paris à Kiev.
Source: https://www.lexpress.fr/