La guerre en Ukraine et les sanctions occidentales contre Moscou propulsent les prix de l’énergie et de l’alimentation à des niveaux inédits, avec un nouveau record d’inflation battu en mai dans la zone euro à 8,1% sur un an.
L’inflation avait atteint 7,4% en avril pour les 19 pays ayant adopté la monnaie unique. Ces chiffres sont les plus élevés enregistrés par l’office européen des statistiques depuis le début de la publication de l’indicateur en janvier 1997.
La hausse des prix à la consommation a atteint chaque mois des niveaux record depuis novembre. Elle était pourtant annoncée l’an dernier comme un phénomène temporaire, lié à la force de la reprise économique après le choc de la pandémie et aux perturbations des chaînes logistiques.
L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe fin février ainsi que les sanctions économiques occidentales contre Moscou renforcent la flambée des prix et font craindre une chute brutale de la croissance du produit intérieur brut (PIB).
Le renforcement de l’inflation touche en premier lieu le secteur de l’énergie (électricité, pétrole, gaz, etc.). Cette composante de l’indice des prix bondit de 39,2% sur un an en mai, après 37,5% en avril.
“L’inflation énergétique va probablement rester élevée plus longtemps que prévu”, alors que les 27 dirigeants de l’Union européenne ont trouvé dans la nuit de lundi à mardi un accord sur un embargo progressif sur les importations de pétrole russe, estime Andrew Kenningham de Capital Economics.
Mais la progression des tarifs de l’alimentation (y compris alcool et tabac) s’accélère aussi à 7,5%, contre 6,3% en avril. Ils devraient “augmenter encore dans les prochains mois en raison des problèmes d’approvisionnement liés à l’Ukraine”, une grande puissance agricole dont les récoltes sont désormais en grande partie immobilisées par le blocus de la marine russe en Mer Noire.
L’accélération des prix touche également les biens industriels (+4,2%, après +3,8%) et les services (+3,5%, comparé à 3,3% le mois précédent).
La France moins affectée
La France est relativement moins affectée que ses voisins européens, avec 5,8% d’inflation en mai, soit le deuxième taux le plus faible de la zone euro derrière Malte (5,6%), selon l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) calculé par Eurostat. L’inflation a atteint 8,7% en Allemagne.
Les taux les plus élevés sont enregistrés dans les pays baltes : 20,1% en Estonie, 18,5% en Lituanie et 16,4% en Lettonie, des pays frontaliers de la Russie et particulièrement exposés à la rupture des liens commerciaux avec ce pays.
Ces chiffres ont poussé les gouvernements européens à intervenir pour protéger les consommateurs. Chèques versés aux salariés, baisses de taxes, réductions dans les transports publics ou plafonnement des prix de l’énergie… Les annonces se sont multipliées ces derniers mois.
Et aucune accalmie rapide n’est en vue.
Bruxelles a abaissé récemment de 1,3 point sa prévision de croissance du PIB pour la zone euro en 2022, à 2,7%, et augmenté de 3,5 points sa prévision d’inflation, à 6,1%, par rapport aux derniers chiffres annoncés le 10 février avant le déclenchement de l’offensive russe.
La Commission européenne a averti que la situation pourrait encore s’aggraver selon l’évolution du conflit en Ukraine.
“L’inflation devrait atteindre son pic au deuxième trimestre et ralentir graduellement sur le reste de l’année. Mais l’accord de l’UE sur une interdiction du pétrole russe entraîne une hausse du brut et de nouveaux risques” pour les prix à la consommation, estiment les experts d’Oxford Economics.
Ils se veulent toutefois plus optimistes pour 2023. “L’an prochain, la diversification des sources d’énergie et la hausse de l’offre mondiale dans un contexte de baisse de la demande devrait faire baisser les prix”, prévoient-ils, en tablant sur un taux d’inflation qui passerait sous la barre des 2%.
D’ici là, des hausses de taux d’intérêt de la Banque centrale européenne (BCE) sont attendues. Le chef économiste de la BCE, Philip Lane, a jugé “logique” une sortie des taux négatifs en septembre, dans le contexte d’inflation record, évoquant la possibilité de deux hausses de “25 points de base” chacune, en juillet et en septembre, dans une interview lundi au quotidien économique espagnol Cinco Días.