J’insiste inlassablement sur le fait que la Géopolitique est une science qui nécessite des outils scientifiques. Les premiers de ces instruments c’est le raisonnement et l’analyse géopolitique sur les cartes géographiques et les atlas. C’est d’ailleurs le géographe français Lacoste qui a remis la géopolitique à l’honneur dans l’Espace francophone.
«Vouloir faire de la Géopolitique sans raisonner sur les cartes et les atlas, à commencer par les atlas historiques, c’est comme vouloir naviguer sans regarder les étoiles», disait avec pertinence Jean Thiriart (1922-1992), le géopoliticien de «l’Empire euro-soviétique».
Les cartes ça sert aussi à faire la guerre… médiatique notamment
Mais les cartes ça ne sert pas qu’à l’analyse.
Ça sert aussi à faire la guerre Et la guerre médiatique.
Dans tous les conflits actuels (Libye, Syrie, Donbass, Yémen), il y la manipulation des cartes sur les médias occidentaux, donnant au grand public une image fausse de la situation réelle sur le terrain et de la situation des régimes attaqués par l’Occident.
Le Caucase, une région au carrefour des empires
L’annexion éclair du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan, le 20 septembre, s’inscrit aussi dans un vaste jeu géopolitique qui concerne toute la région. Qui convoite quoi ? Pour quelles raisons ? Les réponses dans notre carte.
Plus de 100 000 Arméniens ont déjà fui l’enclave séparatiste après l’offensive éclair de Bakou qui, lancée le 19 septembre, aura mis fin en vingt-quatre heures à un conflit vieux de près de trente-cinq ans. Un effondrement que personne n’avait vu venir (…) une montée en puissance de l’Azerbaïdjan et de son allié turc (…) montrer le jeu complexe des alliances dans la région, dont le gaz naturel est extrêmement convoité, et les zones de tensions. Une région qui est traversée par des gazoducs et des corridors – existants ou potentiels.
Ainsi, note la presse turque, la conquête du Haut-Karabakh par Bakou et les négociations à venir autour d’un hypothétique corridor terrestre entre l’Azerbaïdjan et la Turquie sont riches de promesses économiques, énergétiques et géopolitiques.
Quoi qu’il en soit, les cartes sont désormais rebattues. C’est l’analyse de l’expert russe Nikolaï Silaev dans Rossia v Globalnoï Politiké : «Si le Haut-Karabakh servait auparavant de baromètre de la situation dans la région – il indiquait qui était le plus fort et qui était le plus faible, qui avait le plus d’influence –, aujourd’hui ce baromètre est caduc», affirme-t-il, avant de relever l’une des inconnues de cette situation : la Géorgie.
Vu de Russie :
Avec la chute du Haut-Karabakh, on assiste à une recomposition des blocs
Comment ce pays va-t-il réagir ? «D’un côté, la Géorgie est plus proche de l’OTAN et de l’UE que les autres pays de la région, mais, de l’autre, elle conserve une posture très indépendante vis-à-vis de la crise ukrainienne. En outre, elle a toujours eu peur de se retrouver «entre le tsar et le sultan», comme disent les Géorgiens. Pour eux aussi, c’est un défi, et l’on verra de quelle manière ils comptent le relever».
Avec la chute du Haut-Karabakh, on assiste à une recomposition des blocs
Après la victoire azérie, qui signe la fin de la république séparatiste, cet expert russe explique en quoi les cartes sont rebattues dans la région : la Turquie et l’Azerbaïdjan, dit-il, s’affirment fortement ; le conflit entre l’Iran et Israël, qui soutient Bakou, s’étend désormais au Caucase du Sud. Quant à la Russie, quoique poussée dehors, elle a encore gros à jouer.
ROSSIA V GLOBALNOÏ POLITIKÉ : À en croire les commentaires dans les médias, la Turquie s’affirme de plus en plus. Les relations entre l’Iran et l’Azerbaïdjan étaient déjà exécrables et on voit que maintenant Israël fournit une aide active à Bakou. On entend parler de nouveaux blocs informels, avec d’un côté la Turquie, l’Azerbaïdjan et Israël, et de l’autre, l’Iran, la Russie et… je ne sais quel autre partenaire.
En réalité, on parle de blocs depuis l’effondrement de l’URSS, en tout cas depuis les années 1990. Et les choses étaient toujours à peu près présentées ainsi : d’un côté la Turquie et l’Azerbaïdjan, auxquels on rattachait parfois la Géorgie, et de l’autre, la Russie, l’Arménie et l’Iran. La Russie a toujours essayé de se tenir à l’écart de cette logique de blocs dans le Caucase. En partie parce qu’elle privilégiait un ordre géopolitique plus vaste, en partie parce qu’il était important pour elle d’entretenir des relations avec tout le monde.
Aujourd’hui, elle se trouve face à une situation difficile du fait que l’Iran est un partenaire clé, tandis que l’Azerbaïdjan est l’un des pays que doit traverser la voie de transport international en construction baptisée «Couloir Nord-Sud» [itinéraire ferroviaire et maritime conçu pour assurer la liaison entre la Russie et l’Inde via l’Iran]. Après la guerre arméno-azerbaïdjanaise de 2020, le géopolitologue Akhmet Iarlykapov a formulé une pensée très juste en disant que le Moyen-Orient se rapprochait du Caucase du Sud.
source : Luc Michel
Bonjour
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