Dans toute histoire, il est des moments fulgurants qui deviennent des repères, et la fête du trône en est un. En effet, cet événement traverse l’histoire du pays et suscite beaucoup d’intérêt. Il puise ses racines dans les années trente, au moment où le pays subissait les affres de la colonisation. Son institution, arrachée dans la douleur, est due à la rencontre d’un Roi et d’un peuple, une communion parfaite ayant forgé l’identité nationale, la lutte pour la libération et la construction du pays. Aujourd’hui, la fête du trône n’a pas perdu de son état, ni de son importance et de son éclat, car c’est un fait historique qui s’inscrit dans le patrimoine national.
Le Sultan Mohammed V : souveraineté et liberté
La fête du trône a été célébrée, pour la première fois, au 16ème siècle sous le nom de « l’Accession Day » en Angleterre, avant d’être adoptée par les monarchies européennes. Ce n’est que vers les années trente que le Royaume chérifien fêta cet événement. Le Sultan Mohammed V qui disposait d’une aura et d’un capital de sympathie, aidé par de jeunes nationalistes et épaulé par les notables de l’époque ont mis la pression sur les autorités françaises pour l’instauration d’une fête de souvenir, « joulous aala laarch ».
La promulgation du dahir du 16 mai 1930 fut un détonateur contre la politique berbère de la France. Politique qui visait à diviser le pays et à faire des tribus berbères un rempart contre le nationalisme. En portant atteinte aux prérogatives religieuses du Sultan et en essayant de désislamiser la population berbère. Les agissements de l’autorité de tutelle ont produit un effet inverse, c’est celui de l’unité autour du Sultan Mohammed Ben Youssef. La presse de l’époque a, également, joué un rôle déterminant malgré l’analphabétisme qui régnait à travers le pays. Des articles parurent aussi bien par « l’Action du peuple » sous la plume de Mohamed Hassad ainsi que par Mohamed El Ouazzani dans la revue « Al Maghrib » appelant à une fête nationale, populaire et officielle. Le Maréchal Lyautey, qui suivait ces événements de très près, a cédé, après de longues tergiversations. Et c’est ainsi que le grand vizir, El Mokri, promulgua le décret de 1934, instituant la date du 18 novembre comme jour de fête, toutefois en la limitant dans quelques villes : Rabat, Salé, Marrakech, Fès…
Après la libération, la fête du trône a déclenché un sentiment de ferveur et d’appartenance à une nation unie autour du Sultan, occultant ainsi toute identité basée sur l’appartenance tribale ou régionale.
Hassan II : Parachèvement de l’intégrité territoriale et édification d’un Etat moderne
Rituel makhzenien et étatique, la fête du trône a pris une ampleur et de l’importance sous le règne de Feu S.M le Roi Hassan II. Le 03 mars 1962 fut la première fête du trône célébrée par Feu Hassan II, en présence du Roi d’Arabie Saoudite, Saoud Ben Abdelaziz, fête retransmise par la télévision nationale.
De 1962 à 1974, le règne a connu une période très mouvementée, émaillée d’incidents qui allaient façonner l’histoire du pays. Mais ce n’est qu’en 1975 que la vie politique allait être bouleversée avec la Marche Verte, initiée et dirigée par le Roi. Elle a fait l’unanimité des forces politiques marocaines et consolidé l’union autour de Feu S.M Hassan II pour parachever l’intégrité territoriale, le rétablissement du Maroc dans ses frontières authentiques et le retour des zones sahariennes à la mère-patrie.
La fête du trône, comme le voulait Feu S.M Hassan II, se déroulait dans la pure tradition suivant un protocole défini. Le discours du 3 mars, d’une importance capitale n’est pas improvisé, il est lu et diffusé sur les ondes de la radio et de la télévision. Une sorte de bilan des réalisations, très suivi par les décideurs au niveau national. Le discours royal respectait, généralement, un canevas bien précis dont le rappel du combat de Feu Mohammed V et Hassan II pour libérer et unifier le pays, le passage en revue des réalisations de l’année, présentation des principaux chantiers politiques, économiques et sociaux, les directives adressées aux gouvernements, l’hommage rendu aux forces armées Royales. Le 4 mars, la matinée est réservée à la cérémonie de prestation du serment des officiers, lauréats des grandes écoles militaires et paramilitaires, les décorations …. Mais le clou de la fête c’est la beia (allégeance), un acte solennel et religieux à travers lequel le ministre de l’Intérieur, les cadres, les représentants de la population renouvellent la beia au Roi. Force est de constater que durant tout un mois, le pays est mobilisé pour réussir ces festivités.
Mohammed VI : Le changement dans la continuité
La fête du Trône célébrée le 30 juillet de chaque année, rappelle, de manière éloquente, la communion et la symbiose entre le peuple marocain et la dynastie Alaouite, forgées par l’histoire et scellées par l’acte de la beia. C’est un témoignage de la solidité des instituions et de la confiance qui règne entre le Roi et le peuple et de l’engagement mutuel à relever ensemble les défis et à transcender toutes les difficultés. C’est également une étape pour dresser un bilan de l’année et de se mobiliser pour l’avenir.
Depuis l’accession au Trône, S.M le Roi n’a cessé de surprendre tout le monde par son courage, son abnégation et sa détermination à affronter les défis et les déficits que connaît le pays dans tous les domaines. Ses discours sont porteurs de messages, à qui veut l’entendre, que le Maroc a évolué et qu’il fallait prendre le train du changement. Le rythme est soutenu et la cadence est accrue. La démarche de S.M le Roi a toujours veillé à placer l’élément humain au cœur de toutes les initiatives du développement, le lancement des chantiers économiques et sociaux parallèlement aux réformes politiques, institutionnelles, religieuses et la politique étrangère… Le grand challenge de S.M le Roi Mohammed VI réside, en effet, dans le décollage économique qui permettra d’atteindre le niveau des pays émergents. Il reste à ce que la classe politique s’y implique aussi bien avec dévouement en faisant valoir les intérêts suprêmes du Royaume avant tout.
C’est une révolution tranquille que mène le Roi à tous les niveaux. Elle est inscrite dans la durée conformément au slogan « le Trône est avec le peuple et le peuple avec le Trône ».
La fête du Trône dans la mémoire collective
La monarchie a été et est le fédérateur de l’unité des pays. C’est une vérité historique et c’est pour cela qu’elle soutient la pluralité, la diversité du fait qu’elle constitue la synthèse de toutes les expressions et se positionne au-dessus de la mêlée partisane ou tribale. Nos ancêtres ont accompagné le Sultan Mohammed Ben Youssef dans la lutte pour la libération. En effet, toutes les forces vives de la nation aussi bien en milieu rurale qu’urbain, ont participé à « la révolution du Roi et du peuple » qui a poussé les autorités de tutelle à accorder l’Independence et le retour d’exil du Sultan et de sa famille. Le peuple a retrouvé, ainsi, sa souveraineté, sa dignité et sa liberté, après tant d’années de sacrifices. La fête du Trône a été célébrée comme il se doit dans la joie et la liesse.
HajThami, 70 ans ancien syndicaliste cheminot, nous raconte l’époque des années 50 à 1970, où l’Office National des Chemins de Fer (ONCF) organisait la fête avec un campement non loin de la gare « Casa Voyageur ». On conviait tout le personnel de l’Office pour des repas festifs avec une animation folklorique. Dans chaque arrondissement de la province de Casablanca, la concurrence était rude et chacun se vantait de la réussite de la meilleure décoration, la meilleure table et le programme de déroulement de la fête. Des arcs de triomphe étaient dressés à l’entrée de chaque ville avec la photo officielle du Roi et la devise de la Patrie. Au Port de Casablanca, les dockers parrainés par le syndicat étaient de la fête.Un moment de rencontre, de joie et de liesse. Les partis politiques, les syndicats, les chambres de l’Agriculture, du Commerce et de l’Industrie s’investissaient pour réussir la fête du trône, sans oublier les départements ministériels, essentiellement l’Enseignement, l’Entraide nationale et la Jeunesse et les sports qui initiaient et parrainaient ces fêtes. L’école publique était présente et organisait des concours de chant, de théâtre…
« Aid Al Arch » c’est la communion entre le Roi et le peuple. Le citoyen l’exprime sur le terrain, en sacrifiant la dinde considérée comme le met choisi lors de cette journée. On sortait le drapeau national qui était plié et rangé dans les tiroirs pour l’arborer sur les toits, les fenêtres, les balcons, les devantures des magasins. Il n’y a qu’à visiter les anciennes demeures, partout au Maroc, et particulièrement à Derb Soltan, Hay Mohammadi, l’ancienne Médina… pour constater l’étoile du drapeau nationale ornant les façades avec le fameux support en métal servant de porte-drapeau. Partout dans les quartiers populaires, on organisait des tournois d’Aid Al Arch. Les finalistes étaient gratifiés par des trophées. C’était aussi l’époque où le scoutisme mobilisait les pupilles de la nation et participait à des parades dans les principales artères des villes. Malheureusement, nous révèle Driss, enseignant à la retraite, la majorité écrasante de notre jeunesse a tourné le dos à l’histoire du pays, aux sacrifices des résistants et à l’amour du drapeau, symbole de la nation. C’est une jeunesse débranchée, indique-t-il, avant d’ajouter qu’il faut un nouveau sursaut national.
Souveraineté, liberté, unité, authenticité, fierté, symbiose, édification, ouverture… Autant de termes qui symbolisent l’histoire du pays, l’histoire d’un attachement à la monarchie garante de la pérennité et de la stabilité du Royaume.