Les développements du conflit séparatiste casamançais soulignent l’enjeu des frontières entre le Sénégal et ses voisins méridionaux, Gambie et Guinée-Bissau, dont l’emboitement gambien n’est que l’aspect le plus original. La rébellion casamançaise s’y nourrit de rivalités dont elle tente d’instrumentaliser les acteurs, autant que ces acteurs l’instrumentalisent. L’Etat sénégalais profite quant à lui de ses puissants soutiens extérieurs pour tenter d’y inverser les rapports de forces. Mais le conflit casamançais plonge d’abord ses racines dans des problèmes intérieurs non résolus : à la fois les rivalités pour le contrôle des richesses de la région, situées principalement à l’ouest, en basse Casamance, mais aussi le regard inégal porté par les nordistes sur la Casamance et les casamançais. Concurrençant la représentation d’un Etat-nation sénégalais, les surreprésentations identitaires qui accompagnent les mobilisations sociales casamançaises sont devenues un enjeu pour des acteurs : clergé catholique très minoritaire, politiciens, mouvement séparatiste, qui, tous, masquent les problèmes autant qu’ils les révèlent. A l’opposé d’une vision archaïsante du conflit, ces surreprésentations peuvent être vues à la fois comme le langage moderne d’une crise du lien social et le signe d’une sous-représentation politique des populations. La question casamançaise est ainsi faite de plusieurs conflits étroitement enchevêtrés, à différents niveaux, impliquant de nombreux acteurs ayant chacun sa propre logique. Les perspectives de règlement paraissent plus reposer sur une reconnaissance des demandes de ces acteurs et de leurs représentations, que sur la tendance de l’Etat sénégalais à apporter des réponses militaires à des questions politiques, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. Si le conflit casamançais semble ne pas s’être amplifié, il partage cependant beaucoup de similitudes avec la crise du nord Mali.
Abdoulaye A. Traoré
Doctorant en Sociologie