ABIDJAN (AFP) – La Côte d’Ivoire panse ses plaies un mois après l’arrestation du président déchu Laurent Gbagbo mais la réconciliation voulue par le nouveau président Alassane Ouattara s’annonce ardue et des zones restent dévastées par les violences, dans l’Ouest et à Abidjan.
"C’est le début d’une nouvelle ère de réconciliation et d’union entre toutes les filles et tous les fils de notre chère Côte d’Ivoire", a promis vendredi M. Ouattara en prêtant serment, après cinq mois de crise post-électorale.
Alassane Ouattara qui sera investi officiellement le 21 mai dans la capitale politique Yamoussoukro, a annoncé la mise en place d’une commission "Dialogue, vérité et réconciliation" sur le modèle sud-africain alors que son propre camp est soupçonné de massacres dans l’ouest ivoirien.
Sur le terrain judiciaire, M. Gbagbo qui avait refusé de reconnaître la victoire de son rival à la présidentielle du 28 novembre, a été entendu samedi dans le cadre d’une enquête préliminaire sur la crise post-électorale qui a fait 3.000 morts et un million de déplacés.
L’ancien chef d’Etat, arrêté le 11 avril dans sa résidence à Abidjan à l’issue de violents combats, est assigné à résidence à Korhogo, dans le nord du pays. Des accusations d’exactions, de concussion et d’appels à la haine pèsent sur lui, son épouse Simone, et près de 200 personnalités de l’ancien régime, assignées aussi à résidence à travers le pays.
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Luis Moreno-Ocampo va demander à ce tribunal d’ouvrir une enquête sur les "massacres commis de façon systématique ou généralisée" en Côte d?Ivoire.
Mais au sein d’un camp Gbagbo traumatisé et apeuré qui représente près de la moitié de l’électorat ivoirien, on estime qu’aucune réconciliation réelle ne sera possible sans passer un jour l’éponge.
Dans l’Ouest, des villes entières ont été dévastées par les exactions des groupes armés de tous bords. Près de trente mille déplacés vivent dans des conditions très précaires à la mission catholique de Duékoué. Plus de 100.000 personnes sont réfugiées au Libéria voisin. "On nous dit de rentrer chez nous, mais ceux qui ont tué nos frères ne vont-ils pas revenir?", s’inquiétait un déplacé.
A Abidjan, les séquelles sont nombreuses. Des experts mandatés par l’ONU sont à pied d’oeuvre pour enquêter sur les exactions commises par les deux camps.
La vie reprend peu à peu son cours dans la capitale économique. Les banques ont rouvert, les fonctionnaires ont reçu deux mois de salaire de retard, les écoliers ont fait leur rentrée et même les embouteillages matinaux sont réapparus.
Après une longue paralysie, l’économie se remet doucement en route. Le cacao dont le pays est le premier producteur mondial, devait à nouveau être exporté mardi.
Côte sécuritaire, à Abidjan, les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) ont vaincu les dernières poches de résistance: Abobo et Yopougon, deux immenses quartiers populaires abritant chacun près d’un million d’habitants.
Le 28 avril, les FRCI ont investi en force et contrôlé Abobo, fief de l’ex-putschiste Ibrahim Coulibaly ("IB"), chef du "commando invisible", abattu dans l’opération. "IB" qui tardait à désarmer ses troupes, était perçu comme une menace par le pouvoir, même s’il avait contribué à la chute de Gbagbo.
A Yopougon, les derniers miliciens et des mercenaires libériens fidèles à M. Gbagbo ont été chassés par les FRCI le 4 mai. Ils ont fui vers l’Ouest le long du littoral où ils auraient tué quelque 120 civils dans plusieurs villes, selon les autorités.
Mais "Yop", quartier réputé pour sa vie nocturne, reste méconnaissable, avec ses échoppes et maquis (bars-restaurants) pillés et brûlés. Des dizaines de corps criblés de balles ou de squelettes calcinés ont été ramassés par la Croix-Rouge, et près de 70 autres corps de civils tués par les miliciens ont été enterrés dans des fosses communes, selon l’ONU.
AFP