Massivement critiquées pour avoir tardé à réagir lorsque les premiers cas se sont déclarés en 2019, les autorités chinoises ont déjà pris des mesures draconiennes pour éviter une seconde vague.
Cette fois-ci, il ne pourra pas être reproché aux autorités chinoises d’avoir tardé à réagir, comme ce qui s’est dit en Occident en décembre 2019 quand les premiers cas de ce virus inconnu sont apparus à Wuhan, dans le centre de la Chine. À l’époque, Pékin voulait maintenir le secret sur ce qui s’appellera plus tard le Covid-19, et les médecins qui tentaient de donner l’alerte étaient sanctionné·es.
L’attitude officielle est totalement différente aujourd’hui. Alors que depuis deux mois, le virus semblait en voie d’extinction, sa soudaine réapparition dans la capitale chinoise n’est pas cachée. La municipalité de la ville s’exprime régulièrement sur le nombre de cas de contamination, qui s’élève à 158 en une semaine. Aucun mort n’est pour l’instant recensé.
Visiblement, le pouvoir tient à montrer à la population que cette résurgence du coronavirus est prise au sérieux et que tout doit être fait pour l’endiguer. Le 16 juin, Xu Hejian, porte-parole de la mairie de Pékin, a qualifié la situation d’«extrêmement grave» et annoncé que les autorités sont lancées dans «une course contre la montre» dont l’objectif est de «toujours avoir une longueur d’avance sur l’épidémie et prendre les mesures les plus strictes, décisives et déterminées».
Deux jours plus tard, Wu Zunyou, épidémiologiste en chef du Centre de contrôle et de prévention des maladies, a tenu des propos plus rassurants. Il considère que le pic de l’épidémie a été atteint le 13 juin et que cinq jours plus tard, celle-ci était «sous contrôle». Tout en précisant: «Quand je dis qu’elle est maîtrisée, cela ne signifie pas que le nombre de cas deviendra nul demain ou après-demain. La tendance persistera pendant un certain temps, mais le nombre de cas diminuera, tout comme nous l’avons constaté en janvier et février.» Contrôler la propagation du virus est à l’évidence primordial pour les autorités chinoises.
Confinement, fermetures, annulations
C’est le 10 juin que plusieurs cas de Covid-19 ont été décelés à Pékin. Il s’agissait de personnes qui travaillent ou ont récemment fait des achats au vaste marché de gros de Xinfadi, dans le sud de la capitale. Ce marché, qui s’étend sur une centaine d’hectares, a été aussitôt fermé. Près de 10.000 personnes animent ses 2.000 stands et accueillent chaque jour environ 4.000 client·es. Les trois quarts des fruits et légumes qui se retrouvent dans les magasins et les supermarchés de Pékin viennent de Xinfadi. Mais ce serait des poissons, également vendus sur ce marché, qui auraient provoqué la nouvelle contamination au Covid-19.
En quelques heures, vingt-quatre stations de test d’acide nucléique aux allures d’infirmeries mobiles ont été installées dans les quartiers environnant le marché de Xinfadi. Des personnels médicaux portant blouses blanches et masques examinent l’état de santé des habitant·es et prennent leur température au moyen d’un thermomètre introduit dans une narine. Environ 11 millions de tests ont ainsi été effectués en huit jours et ce dépistage massif continue de s’étendre.
Un important dispositif policier est désormais en place pour surveiller que personne n’approche le marché dont les accès sont fermés. Les membres des comités de quartiers –ces habitant·es chargé·es de renseigner le Parti communiste sur ce qui se passe localement– doivent vérifier que le confinement imposé aux alentours est respecté en passant dans tous les immeubles pour demander aux personnes présentes dans chaque appartement si elles sont allées récemment au marché de Xinfadi. Confinement oblige, ces résident·es ne sont plus autorisé·es à sortir qu’une seule fois tous les quatre jours pour des achats de première nécessité –sauf en cas d’exercice d’un métier prioritaire, par exemple dans l’approvisionnement ou dans la police, ce qui donne lieu à une autorisation spéciale d’aller et venir dans la ville.
Les écoles sont fermées, de même que les universités. Le 17 juin, les deux aéroports de Pékin ont annulé 1.255 vols, soit 70% de ceux qui étaient prévus. Il est fermement déconseillé aux 21 millions de Pékinois·es d’effectuer des voyages non essentiels à travers la Chine. D’ailleurs, plusieurs villes chinoises imposent à présent une quarantaine de quatorze jours à tout individu arrivant de Pékin.
L’origine toujours inconnue
La réaction à l’apparition de cas de coronavirus en Chine est donc ample et rapide. Il s’agit visiblement, pour le pouvoir chinois, de montrer à quel point il juge prioritaire la santé de la population. Dans ces conditions, même la «tâche immense» de relancer l’économie chinoise que le Premier ministre Li Keqiang a annoncé le 22 mai, lors de l’ouverture de la session de l’Assemblée nationale populaire, cède le pas devant l’urgence sanitaire.
L’intention est également, semble-t-il, de faire savoir qu’en Chine, on traite avec efficacité la moindre réapparition du Covid-19. Il s’agit là de montrer que le régime autoritaire chinois est en mesure de limiter l’extension de ce mal. Le message s’adresse à la fois à la population chinoise et au reste du monde. Il sous-entend que les pays démocratiques d’Occident, et en particulier les États-Unis de Donald Trump, ont donné largement l’impression d’être débordés par la pandémie. Le soin mis en Chine à lutter contre le coronavirus est, entre autres, une donnée importante en vue de crédibiliser un futur possible vaccin que des laboratoires chinois cherchent actuellement à mettre au point.
En attendant, une autre question embarrasse visiblement le gouvernement: quelle est l’origine précise du Covid-19? En février, tandis que l’épidémie faisait rage dans la province du Hubei, les autorités chinoises ont répandu l’hypothèse que le virus avait été amené par des athlètes américains qui ont participé à des jeux militaires sportifs à Wuhan en octobre 2019. Cette thèse est largement répandue dans la population chinoise, bien que des études sanitaires internationales semblent indiquer que la maladie aurait commencé à se répandre, sans être identifiée, à partir de l’été 2019.
Une autre hypothèse demeure, néanmoins pas plus crédible: le virus du Covid-19 se serait échappé d’un laboratoire P4 acheté à la France. Le plus probable, selon nombre de scientifiques dans le monde, est que ce coronavirus était présent sur des animaux tels que des pangolins qui se trouvaient dans le marché de Wuhan, où des êtres humains les ont approchés.
Un simple rebond ou une reprise importante de la maladie?
Quant au marché de Xinfadi à Pékin, rien, pour l’instant, ne permet de déterminer ce qui a provoqué le nouveau foyer. Dans une interview à l’agence Beijing News le 14 juin, le directeur de ce marché a expliqué que «le virus a commencé à être détecté sur des planches servant à découper le saumon importé». Dès le lendemain, Yang Peng, un chercheur chinois du Centre pour la prévention et le contrôle des maladies, a déclaré au Journal télévisé de la CCTV (Télévision centrale de Chine) que «le séquençage du génome de la souche de coronavirus qui a provoqué une nouvelle flambée de Covid-19 montre qu’elle est originaire d’Europe».
Se sentant nettement soupçonnée, la Norvège a très officiellement protesté par la voix de son ministre de la Pêche et de la Mer, Odd Emil Ingebrigtsen. Le 16 juin, il a participé à une réunion en visioconférence avec le ministère du Commerce extérieur chinois qui a mis hors de cause le saumon norvégien. Wu Zunyou a considéré au journal de la CCTV que «découvrir un virus sur une planche à découper ne suffit pas à certifier qu’il provient de produits de la mer d’importation. Ce virus peut avoir été apporté par une personne contaminée». Un incident diplomatique entre la Chine et la Norvège a donc été évité. Néanmoins, des enseignes de grands magasins actifs en Chine comme Carrefour ou Wumart ont annoncé avoir retiré le saumon de leurs rayons et de nombreux restaurants pékinois n’en proposent plus dans leurs menus.
Les semaines qui viennent diront si le coronavirus apparu sur les étals du marché de Xinfadi est un rebond de fin de pandémie. Ou, bien au contraire, s’il annonce une reprise importante de la maladie. Les autorités chinoises veulent évidemment tout faire pour que cette deuxième hypothèse ne devienne pas une réalité. Et le reste du monde ne peut qu’observer quelle sera l’évolution du coronavirus en Chine.
Par: slate.fr