C’est désormais officiel : pour la première fois, au deuxième semestre 2010, le PIB de la Chine (1336,9 milliards de dollars) a dépassé celui du Japon (1288,3 milliards). La réaction de David Boitout, avocat associé du cabinet d’avocats d’affaires Gide Loyrette Nouel à Shanghaï.
Le PIB de la Chine supérieur pour la première fois à celui du Japon : est-ce un cap symbolique ou un véritable bouleversement ?
David Boitout : Il n’y a là rien de surprenant. C’est une réalité chiffrée qui va être confortée sur le reste de l’année 2010. Au vu des prévisions de croissance respectives de la Chine et du Japon, le delta ne va faire que s’accentuer. En Chine, même si depuis quelques mois la progression du PIB est moins élevée, elle restera aux alentours de 7 à 8% ; on ne peut pas parler aujourd’hui d’un ralentissement de l’économie. Tant que la Chine ne passe pas sous la barre des 6% ou 7% de croissance annuelle, le Japon n’est pas prêt de récupérer sa place.
Comment expliquer l’absence de triomphalisme de Pékin sur le sujet ?
En fait, pour les Chinois, il était déjà acquis que la Chine allait dépasser le Japon. C’était inéluctable, ce n’était qu’une question de temps. Donc cela est normal, dans l’ordre des choses. Par ailleurs, au niveau local, le gouvernement reste très prudent car cette performance macro-économique n’a pas d’effet immédiat sur la population. Elle ne signifie rien pour le Chinois de la rue qui a d’autres préoccupations : l’élévation de son niveau de vie ou encore les conséquences des catastrophes naturelles. Hier par exemple, c’était une journée de deuil national en Chine pour les victimes des glissements de terrain dans le Gansu.
Justement, les nombreuses inégalités qui subsistent dans le pays ne risquent-elles pas de freiner cette belle progression ?
Les inégalités, notamment entre les riches et les pauvres, ne sont pas prêtes de se résorber ; cependant, le gouvernement est déterminé à apporter son soutien aux plus pauvres en investissant dans les régions les plus défavorisées, car il cherche la paix sociale. La question de la protection sociale n’est malheureusement pas à l’ordre du jour, mais notez qu’aux Etats-Unis, par exemple, la situation n’est pas forcément meilleure…
Un pays sans monnaie internationale peut-il prétendre devenir un jour la première puissance économique au monde ?
Non, mais la Chine n’est pas pressée. D’ailleurs, les autorités évoluent rapidement dans le domaine monétaire, notamment avec la réévaluation progressive du Yuan. Pékin accompagne le développement du pays, et plus particulièrement au niveau régional en permettant aux investisseurs étrangers de recourir au Yuan et d’améliorer la valeur de leurs actifs. Si la Chine poursuit sur sa lancée, nul doute qu’elle parviendra à ravir aux Etats-Unis le rang de première puissance économique mondiale, à horizon 2025, comme le prévoient la Banque mondiale et Goldman Sachs.
Par Valérie Lion, Emmanuel Colombié, publié le 17/08/2010 à 16:54
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