A peine choisi par Alassane Ouattara et le Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la paix, RHDP, Amadou Gon Coulibaly, l’actuel Premier ministre, est désormais dans de beaux draps. Sa désignation comme candidat de la Majorité à la présidentielle ne semble pas faire l’unanimité. Les vannes de la division semblent désormais ouvertes. Il y a eu d’abord la démission avec fracas de Guillaume Soro, l’ancien Président de l’Assemblée Nationale et ses partisans, ensuite celle du ministre des Affaires étrangères, Marcel Amon Tanoh. Ces départs et d’autres en perspectives prouvent qu’il y a un malaise au sein du Rassemblement des Houphouetistes. Alassane Ouattara, après un bilan élogieux, ne va-t-il pas connaitre une succession tumultueuse ? Le RHDP connaitra-t-il ce qu’avait connu l’ADEMA-PASJ d’Alpha Oumar Konaré en 2002 ou le PDS d’Abdoulaye Wade en 2012 ? Pourquoi, c’est généralement dans les pays francophones que l’alternance donne lieu à des crocs en jambes, voire des dissensions internes gravissimes ?
Désigné comme candidat du RHDP, en présence de plusieurs cadres et militants du Rassemblement, par acclamation lors d’un conseil politique extraordinaire tenu le 12 mars 2020, M. Amadou Gon Coulibaly est dans des eaux troubles. Et pourtant, les images du Conseil politique extraordinaire ont laissé voir un grand consensus et une cohésion à nulle autre pareille au sein des Houphouetistes. Beaucoup d’observateurs de la classe politique Ivoirienne avaient cru à un véritable rassemblement des héritiers du Président Houphouët Boigny, car la salle était pleine à craquer et les cadres et militants étaient tous enthousiastes, comme à une cérémonie de prestation de serment d’un nouveau Président. Une petite semaine seulement après la désignation d’Amadou Gon Coulibaly dans une ambiance festive, le rassemblement s’est fissuré avec la démission de Marcel Tanoh Amon. Donc, la mise en scène savamment orchestrée par Alassane Ouattara pour faire croire à l’opinion nationale voire internationale que tout marche comme sur des roulettes au RHDP a été démentie. Le rang des blasés s’élargit désormais, car après Guillaume Soro et ses partisans, c’est autour de Marcel Tanoh Amon de claquer la porte pour montrer son désaccord face au choix de l’actuel Premier ministre pour porter le brassard de capitaine du RHDP à la compétition pour le fauteuil présidentiel d’octobre 2020
Pour Marcel Amon-Tanoh, Alassane Ouattara s’est cherché un dauphin en violant les principes du choix démocratique au sein du RHDP. Le désormais ex-ministre des Affaires Etrangères de la Côte d’Ivoire et compagnon de longues années de M. Ouattara pense à tort ou à raison que le choix d’Amadou Gon Coulibaly comme candidat du RHDP à la présidentielle d’octobre n’a pas été fait dans les règles de l’art. Son souhait était de voir organisées des primaires pour que le meilleur candidat puisse être choisi. C’est l’une des raisons pour lesquelles il a préféré boycotter le conseil politique du parti, le 12 mars, lors duquel Gon Coulibaly a officiellement été désigné.
On pourrait affirmer que la grande saignée au sein du RHDP a commencé et après la candidature de Guillaume Soro et celle d’Amadou Gon Coulibaly, il faudrait s’attendre dans les prochaines semaines à la candidature de Marcel Tanoh Amon et d’autres encore. Cet imbroglio inédit en Côte d’Ivoire rappelle fort opportunément l’ADEMA-PASJ d’Alpha Oumar Konaré, en 2002 et le PDS d’Abdoulaye Wade en 2012. Le premier parti, à savoir l’ADEMA a connu le même scénario, après le choix du candidat du parti à l’élection du Président de la République. SoumailaCissé vainqueur des primaires de l’ADEMA a eu en face de lui deux autres candidatures issues du rang du parti de l’Abeille à savoir celle de feu Mandé Sidibé et la candidature d’El Madani Diallo. La suite est connue, le parti de l’Abeille a perdu le pouvoir au profit d’un indépendant ATT.
Quant au Sénégal, le PDS a connu sa zone de turbulence quand le Président sortant, Abdoulaye Wade, a voulu d’abord briguer un troisième mandat et ensuite imposer son fils Karim Wade. Le parti avait alors volé en éclats et beaucoup de cadres avaient quitté le navire PDS. Pour rappel, c’est un transfuge du parti, en l’occurrence MackySall, qui a fini par succéder au Président sortant et s’installer au pouvoir au grand dam du PDES.
En définitive, le compte à rebours semble commencer en Côte d’Ivoire et Alassane Ouattara, après une crise postélectorale qui a fait plus de 3 000 morts n’aura gagné son pari que lorsqu’il transmettra le pouvoir sans heurt à son successeur dans les conditions les plus transparentes, qu’il soit du RHDP ou de l’Opposition.
Youssouf Sissoko