Kenya: Uhuru Kenyatta investi président d’un pays divisé

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Le président kényan Uhuru Kenyatta, le 28 novembre 2017 à Nairobi / © AFP / SIMON MAINA
Le président kényan Uhuru Kenyatta a été investi mardi pour un second et dernier mandat à la tête de son pays divisé, comme en témoigne la dispersion au même moment par la police d’opposants qui voulaient organiser leur propre rassemblement.

Réélu à la présidentielle d’octobre, boycottée par l’opposition, M. Kenyatta a prêté serment sous les vivats des 60.000 personnes rassemblées dans un stade du nord-est de la capitale Nairobi, promettant notamment son “allégeance à la République du Kenya”.

Mais la fanfare militaire et la présence de 13 chefs d’Etat – principalement africains – dans ce stade bondé, où le président a scellé son maintien à la tête du pays pour cinq années supplémentaires, sont l’arbre qui cache la forêt.

Cette prestation de serment signale certes la fin d’une saga électorale marquée notamment par l’invalidation en justice de la présidentielle du 8 août, mais le pays sort meurtri de cet exercice démocratique, qui lui a rappelé ses profondes fractures ethniques, géographiques et sociales.

Sur fond de déploiement sécuritaire important dans Nairobi, la police a bouclé mardi un terrain du sud-est de la ville où l’opposition entendait organiser son propre rassemblement.

A coups de gaz lacrymogènes et de tirs de semonce, les forces de l’ordre ont joué au chat et à la souris avec des groupes de partisans de l’opposant Raila Odinga, environ 200 au total, qui tentaient de se rendre sur les lieux, selon un journaliste de l’AFP.

Le chaos a également été au rendez-vous autour du stade de Kasarani, où la police a tiré des gaz lacrymogènes sur des partisans du président qui tentaient de pénétrer dans le stade déjà rempli. Ces échauffourées ont fait plusieurs blessés.

– Décision historique –

Depuis plusieurs semaines, l’opposition répète ne pas reconnaître la victoire de M. Kenyatta et a promis de poursuivre une campagne de “désobéissance civile” suivie jusqu’à présent de manière inégale par ses partisans.

Selon un comptage de l’AFP, les violences ayant accompagné le processus électoral ont fait au moins 56 morts depuis le 8 août, principalement dans la brutale répression des manifestations de l’opposition par la police. Loin toutefois du millier de morts des violences politico-ethniques ayant suivi l’élection de 2007.

Cette crise politique avait paradoxalement débuté par une décision historique de la Cour suprême, le 1er septembre: saisie par l’opposition, elle évoque des irrégularités dans la transmission des résultats et invalide la présidentielle du 8 août. Une première en Afrique.

Le jugement est salué comme une opportunité pour les hommes politiques kényans de renforcer la démocratie, mais ces derniers n’auront redoublé d’efforts que dans leurs violentes invectives.

C’est donc dans un climat politique délétère que M. Kenyatta, 56 ans et au pouvoir depuis 2013, est proclamé vainqueur de la nouvelle présidentielle, organisée le 26 octobre.

Lorsque la Cour suprême valide finalement ce nouveau scrutin, lundi 20 novembre, le contraste est saisissant entre la liesse qui s’empare de certains fiefs de M. Kenyatta, et les manifestations réprimées dans certains bastions de son opposant, dans l’ouest du pays et certains bidonvilles de Nairobi.

– Fossé croissant –

La victoire de M. Kenyatta avec 98% des voix à l’élection d’octobre est par ailleurs ternie par une faible participation (39%) en raison du boycottage de l’opposition, qui estimait qu’elle ne pouvait en aucun cas être libre et équitable. Les partisans de M. Odinga ont même empêché la tenue du scrutin dans quatre comtés de l’ouest (sur les 47 que compte le pays).

Car dans les fiefs de Raila Odinga, de l’ethnie Luo, cette crise a renforcé le sentiment d’avoir été déclassé, discriminé et laissé pour compte depuis l’indépendance en 1963, principalement par rapport à l’ethnie kikuyu, celle de M. Kenyatta, qui a donné au Kenya trois de ses quatre présidents.

Pour certains observateurs, cette crise est également le signe d’un fossé croissant entre les élites politiciennes et le peuple, dont une majorité silencieuse aspire à ce que le pays tourne la page.

L’économie du pays a été durement affectée par la discorde, et nombreux sont ceux qui se plaignent d’une baisse des revenus, notamment dans les bidonvilles où beaucoup vivent avec moins d’un euro par jour.

(©AFP / 28 novembre 2017 11h35)

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