Le Colonel Mouammar Kadhafi sera à Paris à partir du 10 décembre prochain. Les gesticulations et récriminations des parlementaires français n’ont pas empêché Sarkozy de s’engager à recevoir le Guide suprême de la Révolution libyenne avec honneurs et fanfare, dans le cadre d’une visite officielle d’au moins trois jours. Ce voyage, qui fait couler beaucoup d’encre et de salive, est à lecture multiple. Mais d’emblée, on sait qu’il rentre dans le cadre du retour retentissant de la Libye sur la scène internationale.
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Après une période d’incertitude, l’Elysée confirme bien la visite en France de Mouammar Kadhafi, conformément aux engagements du président français Sarkozy, lorsque ce dernier s’était rendu à Tripoli dans le cadre de la libération des infirmières bulgares. Cela fait presque deux semaines qu’un ballet diplomatique se déroule entre Paris et Tripoli, pour mettre les dernières touches à cette visite qui exige un impressionnant dispositif de sécurité.
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En effet, des hommes de confiance du N° 1 libyen sont en train de s’affairer depuis quelque temps à la préparation de cette visite que Kadhafi voudrait historique. Il viendra à Paris avec une délégation de près de 400 personnes transportées par trois avions. Deux appareils cargos vont convoyer les voitures blindées, les camions de la sécurité et la célèbre tente de Kadhafi.
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Cette tente, qui a défrayé la chronique, est tout un symbole et Kadhafi l’implantera dans la cour d’un hôtel huppé de Paris.
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Le chef des services secrets libyens, Moussa Koussa, son chef de cabinet Bachir Salah Bachir et le Général Abderrahmane Al-Sid, responsable du département des achats militaires, ont établi leurs quartiers à Paris depuis près de deux semaines pour les besoins de cette visite.
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Pour des raisons de sécurité, les Français ont décliné la proposition de la délégation libyenne qui voulait que le Guide arrive à Paris par la route, via l’Espagne. Scénario qu’il met souvent en œuvre lors de ses déplacements sur le continent africain.
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Effectivement, Kadhafi a eu à parcourir plusieurs milliers de kilomètres en bus, traversant quatre pays africains pour se rendre au dernier sommet des Chefs d’Etat de l’Union africaine. Dieu sait combien ce procédé en a rajouté à sa popularité.
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La dernière visite de Kadhafi à Paris remonte au 24/25 novembre 1973, quelques jours après l’arrêt du crépitement des canons, dans le cadre de la guerre israélo-arabe. Georges Pompidou, alors président de la République française, avait su tirer profit de cette visite au cours de laquelle le jeune Colonel (31 ans) venait de commander 140 avions Mirage. L’occasion a été aussi saisie par un journaliste qui lui proposait d’organiser un colloque sur « Le livre vert » qui consacre ses propositions de fondation des Etats Unis d’Afrique.
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Ironie du sort, l’histoire semble se répéter : le tout prochain voyage sera agrémenté de la signature d’un bon de commande d’avions français de type Rafale ; ce qui certainement expliquerait la présence du Général en charge des achats militaires parmi les éclaireurs envoyés pour préparer l’arrivée du Guide suprême en France.
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Pour cette fois, c’est un Kadhafi de 65 ans qui descendra sur Paris, pour être accueilli de façon grandiose par un Nicolas Sarkozy très remonté contre ceux qui s’agitent contre cette visite. En effet, le président français, il faut l’aimer ou le haïr avec son franc-parler à travers lequel il assénait depuis Berlin, le 12 novembre dernier : « La Libye se responsabilise, la Libye va vers la respectabilité ». Le Chef d’Etat français et son staff de l’Elysée sont devenus les plus grands avocats du retour de la Libye sur la scène internationale. Ils ont bravé les parlementaires et les groupes d’agitateurs.
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Ceux qui accusent Sarkozy de faire passer les intérêts économiques avant les droits de l’Homme devront trouver d’autres arguments pour empêcher le Guide de fouler le sol français.
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Au niveau des têtes pensantes de l’Elysée, les choses sont bien claires: il faut désormais et absolument compter avec la Libye. Heureusement, qu’il y a encore en France des gens en mesure de se rappeler que l’Holocauste et les camps de concentration n’étaient ni en Libye ni quelque part en Afrique.
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Après son discours de Tanger sur l’Union méditerranéenne et l’accueil mi-figue mi-raison qui lui a été réservé dans une Algérie aux relations toujours difficiles avec la France, Sarkozy sait que le rapprochement avec la Libye est actuellement incontournable au plan géostratégique. De son côté aussi, l’Algérie n’oublie pas encore le soutien que la France apporte au Maroc dans l’affaire du Sahara marocain.
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Imprévisible et tonitruant, le Chef de l’Etat français a cherché les bonnes grâces du Maroc en affichant à Rabat son soutien pour le projet marocain d’autonomie pour le Sahara. Mais la diplomatie française, ayant été à bonne école gaullienne, sait qu’un Etat n’a pas d’amis, mais des intérêts. Il faut gérer séparément le Maroc et l’Algérie, en focalisant l’attention de chacun sur un centre d’intérêt qui serait en mesure de tromper sa vigilance. Mais cela ne suffirait pas à s’assurer une stabilité des relations au Maghreb et partant en Méditerranée.
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Il ne faut nullement ignorer que les Américains, qui étaient allés plus loin que la France dans la politique de marginalisation et de diabolisation de la Libye, ont rebroussé chemin depuis longtemps, prenant désormais très au sérieux le Guide de la révolution libyenne dans leur projet de conquête du continent africain.
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Alors, la France, va-t-elle s’aliéner une amitié si stratégique que celle de la Libye ?
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Le pays de l’Oncle Sam est en train d’ériger un imposant bâtiment sous forme d’Ambassade en Libye, pour y demeurer très bien visible. C’est un signe patent de la décrispation des relations bilatérales Libye/Etats-Unis d’Amérique. La France a donc intérêt à bien traiter le Colonel Kadhafi dont l’influence et la notoriété, de dimension africaine, ne sont plus à démontrer. Surtout que la Russie guette depuis longtemps l’occasion de jouer le rôle de troisième larron.
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Amadou Bamba Niang
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