BENGHAZI (Libye) (AFP) – 01:10 – 25/02/11 – Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a accusé jeudi Al-Qaïda d’être derrière les insurgés, maîtres de l’est du pays, alors que la communauté internationale craint une catastrophe humanitaire avec l’exode de dizaines de milliers de personnes.
M. Kadhafi, le plus ancien dirigeant du monde arabe, a pris la parole, lors d’un message audio diffusé par la télévision libyenne, pour la deuxième fois en 48 heures pour fustiger les contestataires.
Contrairement à mardi, où il s’était exprimé devant sa maison à Tripoli lors d’un discours télévisé, il est intervenu lors d’une conversation téléphonique depuis un endroit non identifié, suscitant des interrogations sur sa localisation.
"Ces gens n’ont pas de vraies revendications, leurs revendications sont celles de Ben Laden", a-t-il affirmé.
Il a accusé Al-Qaïda de manipuler les jeunes en leur donnant notamment des "pilules hallucinogènes" et a exhorté les habitants d’arrêter les partisans du chef d’Al-Qaïda et de les traîner devant la justice.
A la suite des appels des manifestants qui souhaitent son départ, le colonel Kadhafi a indiqué que son pouvoir était seulement moral. "Je n’ai pas le pouvoir de faire des lois ou de faire appliquer la loi. La reine d’Angleterre n’a pas cette autorité. C’est exactement mon cas", a-t-il dit.
Dans ce message, il s’adressait tout particulièrement aux habitants de Zawiyah (60 km à l’ouest de Tripoli), où des "terroristes" ont égorgé plusieurs soldats, selon l’agence officielle Jana.
Vingt-trois personnes ont été tuées et plus de 44 blessées dans l’assaut des forces de sécurité contre la ville, a rapporté de son côté le journal libyen Quryna.
Lors de sa première intervention, le colonel avait juré de réprimer dans le sang l’insurrection, qui a déjà fait plusieurs centaines de morts.
Au dixième jour de cette révolte, des témoins arrivés en Tunisie voisine ont affirmé que Zouara (120 km à l’ouest de Tripoli) avait été "désertée par la police et les militaires" et que "le peuple tient la ville".
L’ouest du pays semblait jusqu’à présent tenu par les autorités.
Dans l’Est, région pétrolière tombée aux mains des opposants, des journalistes de l’AFP parvenus à Benghazi, épicentre de la contestation à 1.000 km à l’est de Tripoli, ont vu un millier de manifestants rassemblés devant le tribunal local, devenu quartier général de l’insurrection. Certains campaient dans des tentes non loin, des enfants jouaient dans un char abandonné.
A Al Baïda (1.300 km à l’est de Tripoli), les murs criblés de balles étaient autant de stigmates de la violence des combats entre opposants et "mercenaires" pro-régime.
"Ils nous ont ordonné d’attaquer le peuple et j’ai refusé", a expliqué un général, Abdel Aziz al-Busta, qui a fait défection comme une dizaine d’autres hauts gradés.
"On parle de marcher sur Tripoli. Notre objectif est Tripoli, si Tripoli n’arrive pas à se libérer par lui-même", a dit un autre officier.
Dans une école "libérée" de la ville, les opposants à Kadhafi détiennent environ 200 de ses partisans, dont des Tchadiens et des membres de milices, ont constaté des journalistes.
Des informations non confirmées ont fait état d’une poursuite des combats à Musratah (150 km à l’est de Tripoli).
Les partisans du "guide" sont concentrés à Tripoli, où la milice Khamis disposerait notamment de 9.000 combattants ainsi que de chars et d’avions, selon des informations non confirmées d’habitants anti-Kadhafi à Al Baïda.
L’armée, de son côté, a été affectée par les mutineries, selon ces sources qui affirment que le sort de 140 officiers de Tripoli qui s’étaient retournés était inconnu.
Le secrétaire général de la ligue libyenne des droits de l’Homme, cité jeudi par l’agence des missionnaires italiens Misna, a affirmé de son côté que des membres des comités révolutionnaires avaient procédé mardi et mercredi à des exécutions sommaires dans des hôpitaux de la capitale.
A l’étranger, l’indignation s’amplifie contre le régime de M. Kadhafi, de plus en plus isolé après avoir été lâché par ses pairs arabes et plusieurs proches et diplomates.
Le président américain Barack Obama a appelé son homologue français Nicolas Sarkozy jeudi soir et ils ont exigé "un arrêt immédiat de l’usage de la force", a annoncé Paris qui désire une nouvelle réunion urgente du Conseil de sécurité de l’ONU, alors que Washington souhaite l’expulsion de la Libye du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU.
M. Obama et le Premier ministre britannique David Cameron ont décidé de "se coordonner sur de possibles mesures multilatérales sur la Libye", y compris au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, qui tient vendredi une session extraordinaire sur la Libye, a annoncé jeudi le bureau de M. Cameron.
L’ambassadeur français chargé des droits de l’Homme, François Zimeray, a estimé qu’il y avait des "éléments précis et concordants pour une enquête pour crimes contre l’humanité", évoquant un bilan non confirmé supérieur à 1.000 morts.
Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 30.000 Tunisiens et Egyptiens ont fui la Libye depuis lundi, un chiffre qui porterait à plus de 38.000 le nombre de personnes ayant quitté le pays, selon un décompte de l’AFP.
La Libye détenant les plus importantes réserves de pétrole en Afrique, l’or noir poursuivait son envolée sur les marchés, atteignant des prix record depuis plus de deux ans, à près de 120 dollars le baril à Londres et plus de 100 à New York.
La Maison Blanche a estimé que les Etats-Unis et le monde pouvaient faire face à une rupture d’approvisionnement en pétrole liée à la crise en Libye.
AFP
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