JOHANNESBURG (AFP) – dimanche 10 octobre 2010 – 14h09 – Des documents privés de Nelson Mandela, publiés dans un livre à paraître cette semaine, révèlent sa souffrance en prison d’être séparé de ses proches et son souci de ne pas être considéré comme un "saint", selon des extraits publiés dimanche.
"Conversations avec moi-même" rassemble des conversations enregistrées et des lettres et notes rédigées sur plusieurs décennies par celui qui est devenu en 1994, après des années de lutte contre le régime d’apartheid et près de trois décennies derrière les barreaux, le premier président noir d’Afrique du Sud.
Le livre, préfacé par Barack Obama, fait l’objet d’une sortie mondiale mardi. Il contient un vaste éventail de réflexions de Mandela, allant du danger de la corruption pour les hommes de pouvoir au chagrin éprouvé à la mort de son fils, selon des extraits publiés dans la presse sud-africaine et britannique.
A travers ce document, la Fondation Nelson Mandela a souhaité montrer l’homme qui se cache derrière l’icône internationale.
Aujourd’hui âgé de 92 ans, le prix Nobel de la paix 1993 affirme ne pas vouloir qu’on se souvienne de lui comme d’un saint.
"L’un des problèmes qui m’inquiétait profondément en prison, concernait la fausse image que j’avais sans le vouloir projetée dans le monde; on me considérait comme un saint", écrit-il, cité par le journal sud-africain Sunday Times.
"Je ne l’ai jamais été, même si l’on se réfère à la définition terre à terre selon laquelle un saint est un pécheur qui essaie de s’améliorer", ajoute-t-il.
Pour avoir combattu l’apartheid, Nelson Mandela a été détenu vingt-sept années dans les geôles sud-africaines. Libéré en 1990, il entame des négociations avec le régime blanc qui déboucheront sur son élection à la présidence en 1994.
En 1999, il abandonne le pouvoir au terme de son premier et unique mandat et se retire définitivement de la scène publique en 2004. Désormais, il ne fait que de très rares apparitions en public.
Profondément aimé et respecté en Afrique du Sud, Madiba –son nom de clan–, ne fait l’objet de quasiment aucune critique dans son pays, bien qu’il ait lui-même évoqué publiquement ses défauts.
Le live a pour objectif de donner une vision plus complète, tout en mettant l’accent sur les sacrifices personnels qu’il a dû consentir dans le cadre de son engagement dans la lutte de libération de la majorité noire.
Revenant sur son apprentissage de la vie, il raconte ses doutes, ses tâtonnements.
"Dans ma jeunesse, j’ai combiné la faiblesse à l’absence de discernement d’un garçon de la campagne. Mes points de vue et mon expérience étaient surtout influencés par les événements qui se déroulaient dans la région où j’ai grandi et dans les établissements où j’ai étudié", écrit-il.
"Je m’appuyais sur l’arrogance pour dissimuler mes lacunes", ajoute-t-il.
Dans d’autres extraits publiés par le journal britannique Sunday Times, Mandela revient sur la douleur de l’emprisonnement, née de son impuissance à pouvoir soutenir sa femme, Winnie Mandela, et ses enfants.
"J’ai l’impression que toutes les parties de mon corps, chair, sang, os et âme ne sont plus que de la bile, tant mon impuissance absolue à te venir en aide dans les moments terribles que tu traverses me rend amer", écrit-il dans une lettre à Winnie datée du 1er août 1970.
En 1969, Winnie Mandela est aussi emprisonnée. Mandela écrit alors des mots poignants à ses filles, Zeni et Zindi, 9 ans et 10 ans, privées de leur mère et de leur père.
Les lettres évoquent ses relations parfois orageuses avec Winnie qui lui rappelle, un jour, qu’elle a dû élever, seule, leurs enfants. Ils divorceront après la libération de Nelson.
La correspondance fait aussi apparaître la détresse de Mandela à la mort de Thembi, 24 ans, –l’aîné des deux fils qu’il a eu de son premier mariage– dans un accident de voiture en 1969. Il se verra refuser la permission de sortie de prison pour assister à ses obsèques.
AFP