Investissements libyens au Mali: Un héritage encombrant pour ATT

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Avant même la chute du Roi des rois autoproclamé Mouammar Kadhafi, les responsables des intérêts libyens semblent avoir choisi de se sauver laissant derrière eux un héritage encombrant pour les autorités maliennes.

Depuis la dégradation de la situation politique en Libye, le Mali s’est retrouvé dans un inconfort diplomatique avec son ami Kadhafi dont le règne agonise désormais. Les liens d’amitié et coopération qui liaient les deux pays ont fini par faire du Mali, une résidence privée naturelle pour le guide libyen. Les yeux presque fermés, il s’est engagé dans des grands investissements dans notre pays notamment dans le domaine de l’hôtellerie. Le SOFITEL AMITIE, Kempeski hôtel, Mariétou Palace (en chantier) constituent le parc hôtelier libyen au Mali pour un investissement total de plus de 100 milliards de FCFA.

Dans le domaine des hydrocarbures, la Libye est fier de s’installer dans notre pays avec OILIBYA qui ravi la vedette à certaines multinationale sur le marché malien. La Cité administrative qui porte le nom du Guide lui-même a couté plus de 56 milliards à la Libye, même si les travaux sont encore loin d’être terminés. La BISIC, est aujourd’hui une banque dont l’apport est capital pour le secteur privé malien.
On peut bien dire que Kadhafi avait de bonnes perspectives de coopération avec le Mali dont le gouvernement n’a pas hésité de spolier de pauvres exploitants agricoles de leurs terres au profil des Libyens.

C’est justement à ce niveau que le problème se pose. Les populations de la zone office du Niger avaient découvert trop tôt la supercherie de Kadhafi et ses complices de Koulouba.
Pays arabes pauvres en eau, la Libye, gros importateur de riz, cherchait à mettre fin à sa dépendance, tout particulièrement depuis la flambée des prix des produits alimentaires en 2008. Mais cette volonté, somme toute légitime, préoccupe les syndicats d’agriculteurs maliens, qui se sont procurés la convention signée par leur gouvernement avec les autorités libyennes. Le document annonce, dans son préambule, que le but recherché est «l’autosuffisance et la sécurité alimentaire». Mais il omet de préciser s’il s’agit de celle de la Libye ou celle du Mali ! Autre sujet d’inquiétude côté malien, plusieurs grands projets agricoles de la région de l’Office du Niger envisagent des cultures de rente gourmandes en eau, telles que la canne à sucre. Et ce, au détriment du riz ou du mil, à la base de l’alimentation locale. Certaines de ces plantations, ainsi que des cultures oléagineuses, sont destinées à la production d’agro carburants.

Les petits exploitants maliens ont donc vu venir une politique visant à affamer les producteurs maliens au profit des Libyens. Malgré tout, le gouvernement du Mali a continué à attribuer à tour de bras les champs des agriculteurs à des investisseurs privés et étrangers, notamment libyens. Mais les habitants de la boucle du Niger ont lutté de toutes leurs forces et énergie  pour reprendre leur bien. Hélas ! Même les sanglots de femmes démunies n’ont pas réussi à faire fléchir les autorités maliennes. Ces femmes qui luttaient et qui continuent de lutter pour gagner dignement leur pitance.

Le témoignage pathétique de ce paysan meurtri qui vit à Séné Bambara, l’un des 250 villages situés dans la partie irriguée du delta intérieur du fleuve Niger en dit long : «Dans notre culture bambara, la terre, c’est la vie, lance-t-il. Celui qui n’a plus de terres n’a plus de racines !».

De fait, les champs de Séné Bambara comptent parmi les milliers d’hectares de «terres libres de toute entrave judiciaire», offertes à la société libyenne Malibya, pour une durée de cinquante ans renouvelable. C’est en ces termes que la «Convention d’investissement agricole» entre le Mali et la Libye encadre un vaste projet englobant des activités agricoles, notamment de riziculture, d’élevage et des usines agroalimentaires susceptibles de créer des emplois. Aujourd’hui, les évènements politiques modifient la réalité du terrain. D’abord, les travaux sont presqu’aux arrêts. Les entreprises chinoises n’ont presque plus d’interlocuteurs du côté libyen. «Nous ne savons plus ce que deviendront ces exploitations. Aujourd’hui on ne peut plus s’adresser à aucun responsable libyen. Ils sont préoccupés à chercher un refuge sûr au cas où. Nous ne pouvons pas continuer à ce rythme», nous explique un ingénieur chinois désœuvré sur le chantier. C’est dire qu’au finish, tout va s’arrêter et les projets mirobolants se transformeront en poussière au fur et à mesure que la situation continuera à se détériorer en Libye. Que feront les autorités maliennes qui observent, inquiètes, les chances pour Kadhafi de conserver le pouvoir, s’envoler de jour en jour.

La position diplomatique très inconfortable de notre pays n’arrange rien. Au contraire, elle complique nos éventuelles relations avec les futurs patrons de Tripoli. Le dernier séjour du Président ATT en mission de l’UA où il a échappé à l’humiliation, restera mémorable dans nos relations diplomatiques avec les «rebelles» libyens. Il serait utopique de croire qu’il n’y aura aucun problème autour de ces biens qui n’appartiennent pas (il faut le rappeler) à Kadhafi, comme lui-même le reconnait fort heureusement. «Je n’ai aucun bien personnel. Tout ce que j’ai, appartient au peuple libyen» avait déclaré le guide libyen sur les antennes de la télévision nationale de Libye.

Dans ce cas donc, il faut se préparer à un autre débat : celui de la gestion de cet encombrant «héritage».

Abdoulaye NIANGALY

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