Le 45e président des Etats-Unis d’Amérique est connu depuis le 8 novembre 2016. Il s’agit de Donald Trump qui va occuper la Maison Blanche après une campagne d’une violence rare, et qui a mis en évidence la profonde division de l’Amérique. À l’image du parti républicain, la chapelle politique du vainqueur où presque tout le monde l’avait lâché à cause de son discours volontairement provocateur.
Pour la première fois, les Etats-Unis devaient choisir à la présidentielle entre une femme et un novice en politique, tout en optant pour l’alternance. Et les Américains ont voté pour une rupture totale au lieu d’une simple alternance constitutionnelle. Et, pour paraphraser une amie et brillante avocate, «les Américains ont décidé d’user de leur droit de se tromper» ! En effet, le vainqueur était donné perdant par tous les sondages. Raciste, sexiste, xénophobe, narcissique…Aucun de ces défauts n’a empêché l’Amérique de voter pour un «politicien immature» aux dépens de l’establishment symbolisé par Hillary Clinton. Le plus important aux yeux des électeurs, c’est que leur choix incarne certainement mieux le rêve américain qu’il promet d’ailleurs de ressusciter !
Son successeur connu, Barack Obama prépare sans doute ses cartons pour quitter la Maison Blanche en janvier prochain. Ici et là, on s’en presse à faire un bilan de ses huit années passées à la présidence américaine. Et à écouter de nombreux Africains, Obama a déçu. Comme si les Américains élisaient leurs dirigeants pour s’occuper des questions africaines. L’élection d’un président noir, surtout d’origine africaine (son père était un Kenyan), avait visiblement suscité beaucoup d’espoir en Afrique. Un espoir qui s’est estompé au fil des années pour finir en déception, si l’on s’en tient aux analyses et déclarations de ces derniers jours dans les médias et sur les réseaux sociaux.
Mais, pour juger Obama, 44e et aussi le premier président Black, sur sa politique africaine, il faut relire son discours historique au Parlement ghanéen à Accra, le 11 juillet 2011. En juillet 2011, le 44e président des USA s’était adressé au monde musulman au Caire (Egypte) et à l’Afrique subsaharienne à Accra (Ghana). Ce jour, Obama avait abandonné la langue de bois de la raison politique pour s’exprimer avec le cœur.
La bonne gouvernance pour déverrouiller les potentialités de l’Afrique
«Je ne considère donc pas les pays et les peuples d’Afrique comme un monde à part, je considère l’Afrique comme une partie fondamentale de notre monde interconnecté», avait-il déclaré dans la capitale Ghanéenne avec beaucoup de conviction. Et ce jour, Barack Obama avait balisé les priorités de sa politique africaine : la démocratie, les possibilités économiques, la santé et le règlement pacifique des conflits ! À Accra, Obama n’avait pas manqué de rappeler aux Africains que le développement dépend de la bonne gouvernance. C’est l’ingrédient qui fait défaut dans beaucoup trop de pays depuis bien trop longtemps. C’est le changement qui peut déverrouiller les potentialités de l’Afrique. Enfin, c’est une responsabilité dont seuls les Africains peuvent s’acquitter. Toutefois, avait-il poursuivi, «aucun pays ne peut créer de richesse si ses dirigeants exploitent l’économie pour s’enrichir personnellement ou si des policiers peuvent être achetés par des trafiquants de drogue».
Pour montrer la voie à suivre, Obama ne s’était pas contenté de discours, il avait aussi posé des actes. Comme initiatives visant à booster le développement de l’Afrique, le président d’origine kenyane a, à son actif, le premier sommet USA/Afrique à Washington (août 2014) à l’issue duquel il avait annoncé 33 milliards de dollars d’engagements américains en Afrique. Mais, à notre avis, le Plan «Power Africa» est, avec Yali, l’une de ses initiatives les plus ambitieuses en faveur du continent africain. Lancé en 2013 par le président Obama, et approuvé par le parlement américain en février 2016, le plan «Power Africa» est considéré comme l’un des plans les plus ambitieux et les plus structurés sur l’électrification de l’Afrique.
Ce vaste programme, qui se fixe pour objectif de doubler l’accès à l’électricité en Afrique en 2018, est doté de 7 milliards dollars par le gouvernement américain. Il est soutenu par la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque mondiale (BM). Et le 21 septembre 2016, Obama avait annoncé une nouvelle enveloppe supplémentaire d’un milliard de dollars. Sans compter les 20 milliards de dollars glanés auprès d’une centaine de partenaires dans le secteur privé. L’initiative est d’autant salutaire que 600 millions d’Africains, sur 1,3 milliard, vivent sans électricité. Le plan Power Africa vise donc à réduire le déficit énergétique du continent en général et de l’Afrique subsaharienne en particulier, en investissant massivement, notamment dans les énergies renouvelables.
Préparer les futures générations à bâtir des institutions fortes
«L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes», avait rappelé Barack Obama lors de son historique discours d’Accra. Mais, il était sans doute aussi conscient que, à l’image des marguerites qui ne poussent pas dans le désert, les institutions fortes n’émergeront pas par miracle. Il faut un éveil des consciences avec une élite engagée et responsable, capable de s’investir dans l’arène politique ou de former des lobbies puissants pour influencer les décisions politiques, économiques et sociales. Cette prise de conscience est sans doute à la base du programme Mandela Washington Fellowship for Young African Leaders (YALI, lancé en 2010). En hommage au regretté Nelson Mandela, il a été initié par Barack Obama pour stimuler l’engagement et l’autonomisation de la prochaine génération de leaders africains. Le programme devait par exemple envoyer cette année aux États-Unis 1.000 leaders de l’Afrique sub-saharienne pour des formations de 6 à 8 semaines dans les domaines comme le business et l’entreprenariat, le management public et leadership civique. Ces jeunes seront placés dans des universités américaines… où ils auront aussi l’opportunité de partager de nombreux expériences, de connaître d’autres jeunes de leur génération afin d’enrichir leur carnet d’adresses…
Le président Obama a clairement indiqué dans sa politique envers l’Afrique sub-saharienne que «les jeunes sont un facteur clef dans notre implication auprès des populations de ce continent, que ce soit à travers la consolidation de la démocratie, le développement économique ou l’amélioration de la sécurité». Au départ, il a consisté en une série de fora (forums) de haut niveau, dont le Forum du président Obama avec les jeunes leaders africains en août 2010, le Forum des jeunes Africaines pionnières en juin 2011, et le Sommet sur l’Innovation et le partenariat de mentorat des jeunes leaders africains en juin 2012…
Les Africains doivent se réveiller pour concevoir et réaliser le rêve… africain
«Voici un Programme qui va vous aider à faire une réelle différence chez vous», avait espéré le président Barack Obama aux participants de Washington Mandela Fellows de 2015. Mais les Africains attendaient certainement plus du premier Black élu président de la première puissance économique et militaire du monde. Et cela en ignorant superbement que ce n’est pas la politique africaine qui fait gagner une élection présidentielle aux Etats-Unis. La preuve est que les questions africaines étaient totalement absentes de la campagne des Donald Trump et Hillary Clinton.
Ainsi, quand nous entendons des Africains, des «experts» ou des chroniqueurs dire que son bilan est mitigé, nous nous demandons s’ils n’attendaient pas de lui plus qu’il ne pouvait. Il est d’ailleurs temps de sortir de ce paternalisme qui nous amène à attendre que les puissances occidentales viennent nous montrer la voie de notre propre développement. Il faut encore être d’une grande naïveté pour croire à cela, pour croire que le progrès de l’Afrique peut être réellement le souci de ces puissances.
À Accra, Obama avait eu la bonne foi de nous rappeler qu’il revient «aux Africains de décider de l’avenir de l’Afrique…». Ce n’est pas la pertinence de sa politique africaine qui offre à un candidat à la Maison Blanche les meilleures chances de se faire élire. Ceux qui se faisaient encore des illusions l’ont compris sans doute en constatant que l’Afrique était presque absente de la campagne qui a abouti à l’élection de Donald Trump. L’Afrique n’a presque rien à gagner ou à perdre dans l’élection du Républicain dont l’Amérique est l’unique préoccupation. Sauf qu’il menace de revoir tous les engagements extérieurs de son pays. Et surtout que ses proches conseillers croient que les fonds injectés en Afrique depuis 1960 représentent un gaspillage énorme des ressources de l’Amérique. Et la pire des illusions, c’est de penser que l’élection d’un président américain peut apporter un changement positif en Afrique.
Les locataires de la White House (Maison Blanche) sont avant tout élus pour s’occuper des préoccupations des Américains, donc représenter au mieux l’intérêt général des Etats-Unis. Si un passage a retenu notre attention dans le premier discours de victoire de Trump (prononcé à son QG), c’est quand le 45e président des USA rappelle aux Américains que «rien que nous souhaitons pour l’avenir de notre pays n’est hors de portée et nous parions sur le meilleur uniquement. Nous avons entre nos mains l’avenir de notre pays. Un avenir audacieux, un avenir brillant. Nous devons rêver de grandes choses pour ce pays…». Ce passage doit nous ouvrir les yeux, nous amener à la réalité pour comprendre qu’un rêve ne se réalise pas en dormant, mais en agissant. Agir sur notre propre mentalité. Agir sur notre propre destin, pour peser sur celui de notre pays et de notre continent. Soyons enfin le boulanger de notre avenir. Faisons donc nôtre, cette belle déclaration (la première après sa défaite) pleine d’humilité et riche en enseignements d’Hillary Clinton, «le plus beau, c’est de se battre pour ce en quoi l’on croit». La conviction et l’intégrité sont des valeurs qui nous manquent essentiellement en Afrique !
Le scrutin du 8 novembre 2016 nous rappelle la vivacité du rêve américain. Et l’un des mérites d’Obama, c’est d’avoir fait de la réalité le rêve de Martin Luther King. Au moins ça, toute l’humanité s’en souviendra !
Moussa BOLLY