Saïd Ahmed SAID Abdillah, leader politique aux Comores s’est confié à l’Alternance à quelques encablures des élections présidentielles et des gouverneurs : « Pour qu’il y ait une élection Présidentielle inclusive et transparente, il faudra avoir un État et des institutions fiables et stables. C’est pourquoi nous militons pour une transition qui remettrait les institutions pouvant apaiser notre peuple en lui donnant les moyens de choisir librement ses dirigeants ». Lisez plutôt cette interview riche en informations sur la grande ïle.
Alternance : présentez-vous à nos lecteurs ?
Saïd Ahmed SAID Abdillah : Je voudrais d’abord, vous remercier, vous et l’équipe
du journal alternance de m’avoir accordé cette interview surtout en ce moment crucial de l’avenir de notre pays. Je profite de la même occasion pour souhaiter à tout le monde plus particulièrement, aux africains une bonne et heureuse année 2024. J’ose espérer que cette année 2024 soit celle du parachèvement des indépendances d’Afrique francophone.
Pour répondre à votre question, je suis médecin de formation et président d’un parti politique dénommé Parti Comores Alternatives (P.C.A) et nous militons au sein de l’opposition nationale comorienne : Front Commun Elargi (FCE). J’ai écrit aussi, des livres dont l’un : “Comores pour l’indépendance politique et monétaire de l’archipel » éditions l’Harmatan. Je cite ce dernier du fait qu’il parle de l’indépendance monétaire des Comores qui est encore à prendre vis-à-vis de la France. Je Profite de la même occasion pour féliciter les gouvernements maliens, nigériens et burkinabais d’avoir pris les initiatives de quitter la zone franc CFA et de créer leur propre monnaie nationale, le Sahel. C’est une étape fondamentale pour le développement de nos pays et le parachèvement de nos indépendances. La monnaie fait partie aussi de nos souverainetés nationales, et confier à un tiers Etat, surtout l’ancien colonisateur, le soin de gérer et de créer notre monnaie nationale, c’est rendre nos peuples Esclaves et vendre le destin de nos pays.
ALT : Les Comores s’apprêtent à organiser les élections présidentielles auxquelles vous ne prenez pas part pouvez-vous nous dire pourquoi ?
SASA : Nous avions préparé à participer à ces élections présidentielles du 14 janvier 2024 et du 24 février 2024- comme tout homme politique- en mettant à table certaines conditions auprès du chef de l’Etat actuel pour avoir des élections Présidentielles et des gouverneurs inclusives et transparentes, et aussi apaiser la situation politique de notre pays en libérant les prisonniers politiques dont l’ancien président Ahmed Mohamed Abdallah Sambi et l’ancien gouverneur, Dr Salami. Malheureusement le président Azali Assoumani n’a retenu aucune demande de l’opposition Comorienne réunie autour du Front Commun Elargi. Azali Assoumani a fait comme système le trucage électoral en ayant la main sur la section de la cour constitutionnelle chargée des élections qui valide et proclame les résultats, il maîtrise l’armée qui sécurise les élections et transporte les différentes boites chargées des bulletins des votes. Il a enfin sur ses bottes la CENI, Commission Electorale Nationale Indépendante, qui s’occupe du déroulement des élections. Ce sont toutes ces circonstances parmi tant d’autres qui nous ont poussé à combattre ce régime par d’autres voies qui ne sont pas électorales jusqu’à la chute du régime macabre et dictatorial.
ALT : beaucoup de candidats dénoncent la mauvaise organisation et une complicité tacite de la commission électorale nationale indépendante avec le président sortant qu’elle est votre lecture de la situation?
SASA : C’est un constat que nous avions déjà fait dès le début qu’Azali Assoumani n’a ni parole ni respect des lois ou des règlements électoraux. Azali Assoumani voulait des figurants- comme candidats qui ne lui feront aucun obstacle à ses conditions et règles des jeux – afin de faire valoir une certaine légitimité internationale. Comment pouvez-vous participer à une élection où le candidat-président est celui et à lui seul qui a nommé tous les membres de la section de la cour constitutionnelle chargée des élections qui vont décider en dernier les sorts des élections. Il a aussi à ses bottes la CENI (commission électorale nationale indépendante), le mot indépendance n’a pas de sens ici .Je ne vous parle pas de l’armée qu’il a manipulée avec plusieurs assassinats dont le commandant Faycoil Abdoussalam, Capitaine Moutu, Major Bapale, Salim, Aymane et Fahad pour ne citer que ceux-là parmi tant d’autres, pour terroriser le peuple comorien.
Mais ,comme vous l’avez constaté, il y a une frange de l’opposition qui croit encore à Azali Assoumani et participe aux élections en faisant croire qu’on ne doit pas boycotter les élections au risque de laisser un boulevard à Azali Assoumani. Or il y a une différence entre boycott c’est-à-dire s’abstenir et combattre jusqu’à mettre à terre ce régime macabre et dictatorial d’Azali Assoumani. On voit ces derniers temps qu’Azali Assoumani et son parti politique, CRC (Convention pour le Renouveau aux Comores) sont chassés dans plusieurs villes et villages des Comores. En constatant le rejet que subit le régime partout malgré les moyens financiers mobilisés et la pression au sein de l’administration et les menaces régulières de licenciement au sein des sociétés d’État, la France vole au secours de son poulain en internationalisant les élections par le biais de RFI. Cette chaîne, RFI, Radio France Internationale, au service de la France Afrique, consacre une semaine aux élections aux Comores afin de préparer l’opinion internationale aux déroulements des élections présidentielles à sa manière. La France a enfoncé l’Afrique francophone en imposant par des subterfuges des dictateurs sourds, aveugles et sanguinaires. La dégradation de la politique, de la puissance économique de la France est due à sa volonté de vouloir enfoncer au fond de l’océan ses ex-colonies. En ayant très poussé en profondeur de l’océan, elle a pris l’eau avec, contrairement au Britannique qui s’en sort mieux.
Mais nous ferons tout pour que les Comores et les Comoriens ne se fassent plus piéger et qu’ils prennent leurs destins en main comme le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Nous appelons les Comoriens à combattre ce régime et sa mascarade électorale. Ce régime ne reculera que par la force et rien d’autre. Comme dit le Général Charles de Gaulle-ancien président de la république française -fondateur de la V république- “On peut camper sur une position en attendant la soupe mais on ne peut remporter la victoire sans combattre. ”
ALT : Quel bilan tirez-vous de la gestion Assoumani Azali ?
SASA : Les Comores et les Comoriens n’ont jamais connu de pire régime comme celui d’Azali Assoumani depuis notre indépendance. Azali Assoumani est l’homme militaire et politique qui a été formé par l’Etat comorien – qui lui a donné une bourse d’études pour être formé à l’académie militaire du Maroc- et qui a eu une longévité au sommet le plus long de notre pays. Mais son bilan des mandats passés et celui d’aujourd’hui sont néfastes. Il n’a apporté aux Comores et Comoriens que misères et divisions. Il a vendu à la France notre île Comorienne de Mayotte – en gardant un silence traîtrise sur la question de Mayotte même pendant une année qu’il a été propulsé président de l’Union Africaine. Son bilan est d’autant macabre qu’il n’ose pas faire valoir pendant sa pseudo campagne électorale. Pendant une année à la tête de l’Union Africaine, Azali Assoumani a résolu quel problème en Afrique où il y a la guerre au Soudan, en Somalie, le conflit Congo Kinshasa et le Rwanda et je ne parle pas de la volonté affichée et affirmée de la France de faire sienne une partie de notre territoire national en y expulsant des Comoriens. Il a juste montré qu’il est le meilleur valet de la France en Afrique francophone et aux Comores. C’est le bilan que nous faisons de lui.
ALT : Que proposeriez-vous pour une bonne organisation des scrutins afin que les résultats qui seront issus des urnes soient acceptés par tous les candidats?
SASA : Pour qu’il y ait une élection Présidentielle inclusive et transparente, il faudra avoir un État et des institutions fiables et stables. C’est pourquoi nous militons pour une transition qui remettrait les institutions pouvant apaiser notre peuple en lui donnant les moyens de choisir librement ses dirigeants. Avec la constitution de 2002, qui a installé le système de tournante au sommet de l’État, nous avons eu au moins une stabilité quoique précaire. Nous devons remettre à l’œuvre le système de l’exécutif de tournante et la cour constitutionnelle qui a été choisie par différents chefs des institutions, et dépolitiser l’armée nationale.
ALT : Quel message avez-vous à lancer aux électeurs des Comores ?
SASA : Je les appelle à combattre, c’est-à-dire à réagir dès maintenant- on n’attend pas le jour des élections- pour mettre à terre ce régime macabre d’Azali Assoumani. Ce régime macabre ne nous fait aucun cadeau et nous devons le lui rendre. Nous devons faire comme la ville Bazimini, Koki et d’autres à Anjouan, comme la ville de Ouzio, Chezani, Djahani et d’autres à la Grande Comore en chassant comme on pourchasse des chiens errants les gens du régime d’Azali Assoumani. Le peuple comorien a vu le déroulement des élections présidentielles à Madagascar et l’empressement d’Azali Assoumani de féliciter le président Andry Radjoelina et d’assister à son investiture afin de lui faire venir valider le sien demain. La solution de notre problème avec ce régime macabre n’est pas électorale mais la force de poigne.
ALT : Votre mot de la fin?
SASA : L’Afrique francophone parachève son indépendance en coupant totalement le cordon ombilical avec l’ancien colonisateur qui avait pu transformer les indépendances proclamées aux années soixante en indépendances factices et formelles. La France a su garder les avantages de la colonisation sans ses charges lourdes – en imposant sa monnaie dans nos pays, ses hommes politiques et ses militaires et parfois en occupant une partie de nos territoires comme le cas des Comores- contre les intérêts de nos pays et de nos peuples. Certains pays d’Afrique francophone ont montré la voie, nous devons les emboîter les pas afin de ne pas sombrer dans une guerre civile sans issue. Le temps n’est plus au bloc mais aux intérêts nationaux et aux services de nos peuples. Les Comores ne doivent pas attendre encore quinze ans comme les années des indépendances ou de la décolonisation pour oser parachever son indépendance et assurer sa liberté.
Interview réalisée par l’Alternance