Huit ans après : Les acquis de la révolution tunisienne

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LePoint.fr/Par notre correspondant à Tunis, Benoît Delmas - Des manifestants à Tunis le 11 septembre 2015.

Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un jeune vendeur ambulant de fruits et légumes à qui la police a confisqué son matériel, s’immole par le feu devant le gouvernorat de Sidi Bouzid. Il succombera deux semaines plus tard à ses blessures. Entre temps, la rue s’est embrasée. Manifestations, émeutes, affrontements avec la police… Le slogan “Travail, liberté, dignité” mobilise jour après jour des milliers de Tunisiens. La contestation déborde des régions rurales défavorisées. “Dégage !”, entonne finalement un chœur des manifestants avenue Bourguiba, à Tunis, la capitale. Le 14 janvier, Zine el-Abidine Ben Ali et une partie de son clan quittent précipitamment le pouvoir. En 28 jours, la révolution met fin à 23 ans de règne autoritaire. Huit ans après, les acquis de la révolution sont là, malgré des difficultés.

Huit ans plus tard, la Tunisie s’est dotée d’un u gouvernement sorti des urnes, organisé des  élections irréprochables et les medias  sont indépendants. En outre, la révolution a révélé les Tunisiens à eux-mêmes. Tous ceux qui étaient sevrés de liberté, et d’expression, se manifestent parfois bruyamment. Et le remarquable est qu’ils apprennent eux-mêmes à prendre en compte les opinions différentes exprimées par leurs concitoyens. Il est incontestable qu’il s’agit là d’une conquête très importante, qui aura des répercussions essentielles sur la vie politique, mais également sur la vie sociale dans tous les secteurs d’activité.

Mais aussi, cette révolution a permis au droit, dans le sens large et non technique du terme, d’être une locomotive de la société, de jouer un peu le rôle qu’il a joué au début de l’indépendance avec la promulgation du Code du statut personnel. Le fait que la parité dans les listes électorales soit instituée avec une très large majorité, est révélateur du rôle que peut prendre le droit. Cette question de la parité constitue une avancée dans la reconnaissance des droits des femmes, et une première dans le monde arabe et islamique. Autres avancée remarquable, la Tunisie s’est doté en 2018  d’une loi anti-discrimination raciale, une première dans le monde arabe, réalisé par ce pays qui abolit l’esclavage en 1846, bien avant les États-Unis ou la France. L’expérience tunisienne en matière d’abolition de l’esclavage, qui s’étendit de 1841 à 1846, a été inscrite au «registre de la Mémoire du monde» de l’Unesco. Avec cette mesure les autorités tunisiennes tablent, aujourd’hui, à travers un faisceau de mesures, sur la réanimation de l’engouement subsaharien pour la Tunisie. Visites officielles en Afrique subsaharienne, lancement d’une Agence d’accueil des étudiants africains,

 

Une constitution démocratique

26 janvier 2014. L’Assemblée Constituante, élue en 2011, vote la nouvelle constitution qu’elle a discutée, rédigé durant trois années. Jour de joie au palais du Bardo ou les députés chantent l’hymne national et brandissent des drapeaux tunisiens. Les articles 1 et 2 fixent les principes inamendables. Article 1 : « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’Islam est sa religion, l’arabe, sa langue, et la République, son régime ». L’article 2 dit que « la Tunisie est un État à caractère civil, basé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit ». Un régime mixte est fixé. Après des décennies d’une présidence autoritaire, l’Assemblée des représentants du peuple devient la cour de la démocratie. Le président de la République obtient des pouvoirs précis et limités. Très important, il est stipulé que « les citoyens et citoyennes sont égaux en droits et devoirs ». Une égalité homme-femme qui proroge l’exemple tunisien en la matière.

 

Organisations d’élections transparentes

Sous la houlette sourcilleuse d’une haute autorité indépendante, l’ISIE, trois scrutins se sont déroulés depuis la chute de Ben Ali. L’élection des membres de l’Assemblée Constituante en octobre 2011, puis les législatives et les présidentielles (octobre/novembre/décembre 2014). A quelques anicroches près, ce furent des élections irréprochables. Sous Ben Ali, un simulacre de vote avait lieu, orchestré par le ministère de l’intérieur. L’homme obtenait un score titanesque, autour de 90%. Les municipales. Se sont déroulées en 2018  suite à l’ambitieuse loi qui organise la décentralisation.

 

Liberté d’expression

Le paysage journalistique a connu une brutale mutation le 14 janvier au soir. Le quotidien d’Etat, « La Presse de Tunisie », s’est retrouvé fort démuni les jours qui ont suivi la révolution. Faute du coup de fil qui déterminait son contenu, il n’a pas paru le lendemain. La première page était divisée en deux parties : l’une consacrée à Ben Ali, l’autre à son épouse Leïla ex-Trabelsi qui se rêvait présidente de la Tunisie. Depuis cette époque révolue, les médias se construisent peu à peu. Pire que la censure, l’autocensure qui règne encore. C’est une génération de journalistes qui doit prendre les manettes de ce secteur. Sans une information digne de ce nom (sans déformation des faits pour satisfaire des intérêts partisans), la démocratie tunisienne ne peut que mal fonctionner. La société civile s’est organisée à sa manière. Par exemple, l’association AlBawsala diffuse en permanence l’intégralité des débats qui se déroulent à l’ARP. Une transparence qui permet au peuple tunisien de s’informer, de se forger une opinion. Le paysage n’est pas encore radieux mais il lui faut encore du temps pour se perfectionner. Le secteur privé est en pointe dans cette mutation. Les radios sont très actives, très écoutées. Une réalité quand même : les Tunisiens ne font que peu confiance aux médias. Ceci explique l’addiction aux réseaux sociaux. Facebook est ainsi la caisse de résonnances de la vie du pays. Il véhicule rumeurs et opinions virulentes. D’où la pertinence, depuis 2011, des formations données aux journalistes par des médias du monde entier, de la britannique BBC à la française CFI en passant par l’allemande Deutsche Welle et bien d’autres.

Mémé Sanogo

 

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