Le remaniement a poursuivi François Hollande jusqu’à Bruxelles. Le président n’a pu profiter de l’entrée servie au dîner des chefs d’Etat et de gouvernement réunis pour le sommet Union européenne-Afrique, mercredi 2 avril : il suivait en direct la première prestation télévisée de Manuel Valls, à 20 heures sur TF1.
Même Angela Merkel, qui avait observé de très près les nouveaux équilibres et périmètres ministériels de l’exécutif français, a abordé le sujet avec M. Hollande, lui vantant les mérites du ministère regroupant économie et énergie détenu par lesocial démocrate Sigmar Gabriel. Le chef de l’Etat avait d’ailleurs été impressionné, lors des récents conseils des ministres franco-allemands, par l’équipe resserrée de la chancelière. Serait-il tenté, avec son nouveau premier ministre, d’instaurer un modèle à l’allemande ?
L’exacte division du travail politique entre MM. Hollande et Valls : là se joue, en grande partie, la réussite de la nouvelle dyarchie qui s’installe à la tête de l’Etat. A ce stade, le président et son tout frais premier ministre entendent montrer qu’ils œuvrent de concert, en parfaite « symbiose », selon un conseiller du premier.
« CELA DOIT ÊTRE UNE COMPLÉMENTARITÉ »
La partition jouée pendant vingt-deux mois par le précédent duo constitué avec Jean Marc Ayrault – une interprétation à géométrie variable des fonctions institutionnelles, un président initialement en retrait qui tend au fil des mois àprendre tout en charge, une extrême proximité dans leur positionnement et dans leur méthode – servirait presque de contre modèle. « Cela doit être une complémentarité, deux pouvoirs qui s’articulent, dont les personnalités doivent seconforter mutuellement », résume-t-on à l’Elysée.
De lundi après-midi à mercredi matin, le président et son nouveau premier ministre ont donc établi ensemble, à l’Elysée, le scénario du remaniement. Au programme, le casting, bien sûr, avec cette exigence fixée par le président de ne pas compter plus de seize ministres de plein exercice dans le nouveau gouvernement. Mais au-delà de la composition de la nouvelle équipe, MM. Hollande et Valls se sont attachés à définir le tour qu’ils allaient conférer à la suite des opérations.
L’ordre du jour du premier conseil des ministres de l’ère Valls, vendredi 4 avril, est martial. « La feuille de route du gouvernement, centrée sur le pacte de responsabilité, mais aussi méthodes, les comportements, le travail collectif et l’esprit d’équipe, les leçons du scrutin », indique-t-on à l’Elysée. Plus que jamais, la discipline sera de rigueur. « Il doit y avoir des règles, or certains ministres s’étaient affranchis de ces règles. Personne ne doit plus être dans son couloir. Tout ça doit être organisé, maîtrisé. » Les futurs secrétaires d’Etat, une douzaine environ, devraient être nommés quant à eux mercredi 9 avril. Ceux-ci n’assisteront pas aux conseils des ministres, sauf si l’ordre du jour le requiert, et à l’exception du secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement, qui sera présent chaque mercredi matin.
CALENDRIER DE TRAVAIL
C’est cette feuille de route, assortie d’un « calendrier de travail », qu’exposera Manuel Valls, mardi 8 avril à l’Assemblée nationale dans sa déclaration de politique générale. Face à une majorité secouée par la déroute aux élections municipales et une opposition que l’on imagine gonflée à bloc par sa victoire, M. Valls devrait également évoquer le « message » du scrutin, et insister sur « les divisions, la nécessité de l’apaisement et du rassemblement, la lutte contre ceux qui mettent en cause la République », indique la présidence. C’est sur cette déclaration du premier ministre que le gouvernement demandera la confiance à l’Assemblée, afin de s’éviter ci un vote sur le seul pacte de responsabilité. Ce qui, vu le climatfrondeur de la majorité, s’avère prudent.
« La déclaration de politique générale valant adoption de cette stratégie », selon l’Elysée, le gouvernement, parallèlement à la présentation de la trajectoire budgétaire triennale à Bruxelles, se consacrera en priorité aux deux volets du pacte de responsabilité : d’abord, le volet économies, soit 50 milliards d’euros sur trois ans, qui seront indiquées dans leurs grandes lignes dans le « triennal », puis le volet allégement du coût du travail.
« Dès lors que les contreparties auront été fixées par l’accord entre syndicats et organisation d’employeurs, les précisions sur ces 30 milliards, seront présentées très vite aux Français », indique l’Elysée. Le dossier serait ainsi clos avec une loi de finances rectificative qui sera présentée en mai ou juin.
« SIMPLIFICATION DU DISPOSITIF, LIMPIDITÉ, RAPIDITÉ »
Lors de leurs discussions du début de semaine, MM. Hollande et Valls ont également évoqué les élections européennes du 25 mai. Pour le président, le pacte de responsabilité doit être « mis au cœur de la campagne socialiste ». Une campagne dans laquelle « il faut que le premier ministre s’implique », précise l’Elysée.
Du remaniement, le chef de l’Etat attend qu’il soit l’occasion d’une réorganisation du fonctionnement global de l’exécutif. Son mot d’ordre : « simplification du dispositif, limpidité, rapidité ». A Matignon, une réunion hebdomadaire, le mardi, réunira les principales personnalités de la majorité. Au terme du conseil des ministres du mercredi, une fois l’ordre du jour épuisé, le présidentveut profiter de la présence de son gouvernement pour avoir une discussion moins formelle et plus politique.
Manuel Valls, quant à lui, est incité à réunir ses ministres à Matignon plus fréquemment que ne le faisait Jean-Marc Ayrault, cette rareté des échanges collectifs étant jugée comme une des causes des dysfonctionnements du précédent gouvernement, dans lequel le chef de l’Etat regrette que les ministres soient « trop souvent restés dans leur couloir ».
« VALLS EST UN COMBATTANT »
S’il mise sur le sens de l’organisation quasi militaire de son premier ministre pourassurer une meilleure coordination, M. Hollande mise aussi sur son sens de la médiatisation. « Valls doit faire du Valls. Il ne doit pas faire différemment. S’il est nommé, c’est pour faire ce qu’il sait faire », confie en privé le chef de l’Etat, dont l’un des regrets est que Jean-Marc Ayrault ait été trop économe de sa parole.
De son côté, M. Hollande compte également « parler davantage » aux Français. Pas question pour lui de profiter de l’omniprésence médiatique de son bouillonnant premier ministre pour s’offrir une cure de silence. Au contraire.
A l’usage, comment évolueront les rôles ? S’il attend beaucoup de son premier ministre, le chef de l’Etat pose cependant une limite. A l’Elysée, l’on résume les choses ainsi : « Pour qu’il y ait un gouvernement de combat, il faut un combattant à sa tête. Valls est un combattant, mais il suit les directives et les orientations décidées par le président de la République. »
LE MONDE | • Mis à jour le |Par David Revault d’Allonnes et Thomas Wieder