Les humanitaires ont leur morale et elle ne s’accommode pas toujours du calendrier des politiques. C’est bien ce que l’on a constaté avec le rapport de Human Rights Watch sur les événements du 28 septembre en Guinée. Le constat est encore plus criard avec la Commission d’enquête de l’Onu dont le rapport, réflexion faite, gêne la stratégie de Sékouba Konaté devenu, par l’effet Toumba, le numéro un de la junte de Conakry.
En incriminant sans ambages Dadis, Pivi, Toumba et Tiemogoba et en recommandant de les traduire devant la Cpi, les enquêteurs rendent, certes, plus improbable encore le retour déjà très hypothétique de Dadis au pouvoir. Ce qui n’est pas pour déplaire à l’opposition guinéenne ni à la Communauté internationale, toutes deux résignées à la formule du moindre mal incarnée l’ancien numéro trois de Conakry. Mais les conclusions des enquêteurs risquent de renforcer l’unité du Cndd qui n’est forcément dans l’intérêt ni de Sékouba Konaté lui-même en tant que copilote d’une transition dont les Forces vives seront l’autre mamelle, ni des Forces vives qui ne veulent pas d’un Cndd accroché au pouvoir, ni de la Communauté internationale soucieuse de ne pas voir la Guinée réveiller les terribles démons de la Région Mano.
Pivi n’aimait pas Toumba, mais pour éviter d’être son codétenu dans les geôles de Campo, il lui faut composer avec le boucher de Koundara. Sékouba Konaté n’étant pas cité dans le rapport devient de fait l’ennemi objectif de la bande des quatre. La solidarité de corps qui résulterait de cette situation créée ou exacerbée par le timing du rapport de l’Onu, et qui se renforcera avec d’autres figures de l’aile dure dont l’emblématique Idrissa Chérif peut bien être un souci supplémentaire pour le Général.
Il saute, en effet à l’œil nu, mais curieusement pas à l’œil de l’Onu, que la dernière des choses dont Sékouba Konaté a besoin maintenant, c’est d’effaroucher ses troupes. Tout ce qui retarde la sainte alliance des militaires autour du nouveau leader influence le processus de transition vers la légalité constitutionnelle devenue, de facto, la feuille de route de l’après Dadis. Mais les humanitaires ont leur morale et elle ne s’accommode pas toujours du calendrier des politiques.
Adam Thiam