Guinée: Dalein Diallo assigné à résidence, l’Afrique de l’Ouest tient-elle son Jean Ping?

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Reclus chez lui sous surveillance de l’armée après s’être autoproclamé Président, l’opposant Cellou Dalein Diallo y restera le temps qu’il faudra. Une situation qui rappelle celle vécue en 2016 par le Gabonais Jean Ping, ex-président de la Commission de l’Union africaine qui avait tenté de déboulonner, en se déclarant Président élu, Ali Bongo.

Les chiffres égrenés dans les médias par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) conduisent inexorablement vers une victoire du candidat Alpha Condé au premier tour de la présidentielle guinéenne du 18 octobre dernier. L’objectif du «coup Ko», théorisé en amont par le Président sortant et ses proches pour éviter de faire face à une large coalition à un second tour, aura été atteint.

Cellou Dalein Diallo qui, au lendemain du scrutin, s’était autoproclamé vainqueur «dès le premier tour» avec «53,84%» des suffrages contre «39,40%» pour son adversaire dans un document publié par son parti, se retrouve pour la troisième fois au tapis. Avec le risque d’être confiné pour un moment à son domicile de Conakry. Un sort qui rappelle, toutes proportions gardées, celui de Jean Ping, ex-candidat à la présidentielle gabonaise de 2016.

Jean Ping, ministre des Affaires étrangères du Gabon entre 1999 et 2008, puis président de la Commission de l’Union africaine (UA) jusqu’en 2012, s’était découvert des ambitions présidentielles après des démêlés avec le Président Ali Bongo Ondimba. En août 2016, à la tête d’une coalition de puissantes figures de la scène politique gabonaise, il était le principal challenger du chef de l’État sortant. Mais les résultats provisoires de la Commission électorale autonome et permanente l’ont classé en seconde position lors du scrutin à un tour.

Des affrontements entre ses partisans et l’armée qui encerclait son quartier général ont alors fait plusieurs morts. En conférence de presse, Jean Ping s’était proclamé Président élu du Gabon. La Cour constitutionnelle n’a confirmé la victoire d’Ali Bongo que le 24 septembre 2016.

À Conakry, l’armée est réquisitionnée depuis jeudi 22 octobre pour assurer le maintien de l’ordre alors que le nombre de morts oscille entre une dizaine et une vingtaine, selon des sources de l’opposition et de la société civile. Des militaires fortement armés surveillent les alentours du domicile de Cellou Dalein Diallo, ce dernier ne risque pas d’être libre de ses mouvements de sitôt. Au sortir d’un conclave avec le corps diplomatique ce 22 octobre, le ministre de la Justice Me Mory Doumbouya a même indiqué que cette restriction était «dans (son) intérêt et dans l’intérêt de la République» (sic). Pour combien de temps?

«Il est évident que Condé ne laissera pas les coudées franches à son opposant. Encercler ce dernier pour étouffer dans l’œuf toute tentative de contestation est l’un des axes de sa stratégie. Mais assigner Cellou Dalein Diallo à résidence ou même l’emprisonner n’est pas forcément une garantie pour Alpha Condé. La contestation pourrait en être davantage exacerbée. Et si Diallo et ses partisans décident de jouer leur va-tout, on peut craindre le pire», analyse pour Sputnik le docteur Cheikh Tidiane Dièye, spécialiste des questions de développement et d’intégration régionale.

Des similitudes qui ne sont qu’apparentes

Selon le docteur Ramadan Diallo, politologue et enseignant-chercheur guinéen, les situations de Jean Ping et de Cellou Dalein Diallo «se ressemblent en apparence»… mais en apparence seulement.

Car contrairement à Ping, qui était resté plusieurs semaines en résidence surveillée, «le régime guinéen ne pourra en fait garder l’opposant en résidence surveillée que tant que Diallo le voudra. Il suffit à celui-ci de lancer un appel à ses militants pour être libéré, au prix, bien sûr, d’une probable montée des violences». «Ce soutien dont bénéficie Cellou Dalein Diallo, le pouvoir en est conscient. Il mesure donc le risque de le retenir longtemps dans cette situation», explique à Sputnik cet universitaire consultant.

S’il faut «nuancer l’amalgame avec Jean Ping», note le docteur Ramadan Diallo, il ne faut pas écarter l’échec comme sort similaire vraisemblablement réservé à Cellou, le même qui avait été éprouvé par l’ex-chef de la diplomatie gabonaise.

«Il a joué le jeu démocratique à travers l’élection présidentielle, mais en face, vous avez un chef d’État qui peut s’appuyer sur tout un système qui lui est favorable –dont les forces de l’ordre. La seule incertitude, c’est la détermination du peuple et sa capacité à se soulever. L’autre inconnue, c’est l’attitude de la France qui pourrait, à un moment donné, tourner le dos à Condé. Mais elle ne le fera que si le rapport de forces est favorable aux opposants», souligne le professeur Emmanuel Desfourneaux, politologue franco-sénégalais, interrogé par Sputnik.

La CENI, dont deux des membres ont démissionné pour protester contre «de graves anomalies constatées dans la procédure de totalisation des voix du scrutin du 18 octobre», pourrait annoncer ce vendredi 23 octobre les résultats provisoires de la présidentielle.

Mais pour Cellou Dalein Diallo, les jeux semblent désormais pipés. Comme pour Jean Ping avant lui.

Sputnik avec AFP

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