Très tôt dans la matinée de ce lundi 26 décembre 2011, des coups de feu ont éclaté à Bissau, la capitale de la Guinée-Bissau. Selon le chef d’état-major, des militaires ont tenté d’attaquer le siège de l’armée ainsi que plusieurs casernes. On ignore les raisons qui ont conduit ces militaires à s’en prendre à l’état-major mais il pourrait s’agir d’un règlement de compte entre les principales figures de l’armée.
Les Bissau-Guinéens ont été réveillés, ce lundi 26 décembre, par des tirs d’armes automatiques aux abords du siège de l’état-major. Quelques heures plus tard, un convoi lourdement armé en provenance de la ville de Mansoa (60 km de Bissau) est entré en ville et s’est déployé en plusieurs points, dans un calme relatif.
En début d’après midi, le chef d’état-major, Antonio Indjai, s’est expliqué devant la presse sur ces évènements. « Nous avons été surpris ce matin par des hommes armés qui ont attaqué l’état-major de même que deux autres unités militaires qui se trouvent au quartier général », a -t-il déclaré. Antonio Indjai, cité par l’AFP, a également précisé : « Ces hommes ont voulu récupérer des armes que nous avons dans les armureries ». Le chef de l’armée, qui n’a pas identifié les assaillants, n’a pas souhaité s’exprimer davantage « sur la situation pour le moment ».
Aucun bilan de cette attaque n’était immédiatement disponible. Quelques heures auparavant, le chef d’état-major de la marine, le contre-amiral Bubo Na Tchuto avait déclaré à la presse « ne pas être au courant de l’attaque », ajoutant que c’est Antonio Indjai lui-même qui lui a téléphoné. « Il m’a demandé si c’étaient mes hommes qui ont essayé d’attaquer le dépôt de munitions, ce à quoi j’ai répondu : ce ne sont pas mes hommes et je n’ai rien à voir avec tout cela », a-t-il précisé.
Par ailleurs, deux sources militaires sous couvert d’anonymat ont indiqué à l’AFP que l’attaque a été menée par des soldats parmi lesquels figuraient des hommes de la marine.
Une lutte pour le contrôle du pouvoir
Antonio Indjai et Bubo Na Tchuto sont les deux piliers de l’armée bissau-guinéenne. Cependant, ils entretiennent de mauvaises relations, le premier étant proche de Carlos Gomes Junior, le chef du gouvernement, que Bubo Na Tchuto avait brièvement fait arrêter en avril 2010.
Les relations exécrables entre les deux hommes ont-elles entraîné une guerre des chefs dans les rues de Bissau, ce matin ? Il est permis de le penser.
Cette lutte au sein de l’armée est en réalité une lutte pour le contrôle du pouvoir car en Guinée-Bissau, l’armée est le socle sur lequel repose le pouvoir politique, un pouvoir lui-même issu d’une autre guerre, celle de la lutte de libération nationale.
On sait que depuis des années, le Premier ministre Carlos Gomes Junior tente de prendre le contrôle de l’armée, via une réforme des cadres et ce afin d’asseoir son autorité. Le chef d’état-major lui est acquis mais dans l’armée, la fronde est emmenée par Bubo Na Tchuto. Ce dernier avait déjà été accusé de tentative de coup d’Etat en août 2008 et avait été contraint à l’exil pendant deux ans, avant de revenir au premier plan en 2010 en écartant notamment un autre chef d’état-major, le commandant Zamora Induta. Il figure, par ailleurs, sur la liste noire des personnes considérées par les Etats-Unis comme liées au trafic international de drogue.
Quoi qu’il en soit, ces querelles sont profondes et si elles prennent aujourd’hui un tour aigu, c’est en raison de la maladie du président Malam Bacai Sanha et d’une possible succession à la tête de l’Etat. Le président bissau-guinéen est actuellement hospitalisé en France. Pour l’instant, il est difficile de savoir ce qui se joue exactement dans la capitale bissau-guinéenne mais l’hypothèse d’un putsch rampant qui verrait une redistribution complète du jeu politico-militaire n’est pas à écarter.
Lors des évènements de ce lundi matin, le Premier ministre Carlos Gomes Junior se serait réfugié à l’ambassade de l’Angola à Bissau, selon certaines sources.