Guinée: Alpha Condé, les chemins détournés d’un troisième mandat

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Une candidature en catimini? C’est ce que laisse croire le moyen trouvé par le chef de l’État guinéen pour annoncer sa participation à la présidentielle d’octobre. Acculé et sous pression depuis plusieurs mois après un référendum contesté, Alpha Condé semble se présenter en messie d’un peuple qui aurait bien besoin de ses lumières.

Le procédé est peu courant à travers le monde: c’est le directeur général de la Radiotélévision guinéenne (RTG) qui a lu lundi soir (31 août) le communiqué du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG, parti au pouvoir) annonçant la candidature du Président Alpha Condé à un troisième mandat à la tête du pays. Un «immense privilège et le bonheur d’informer la population guinéenne que celui-ci a accédé à notre demande» consistant à briguer un nouveau bail de cinq ans «comme l’autorise la [nouvelle] Constitution».

Arrivé au pouvoir en 2010 puis réélu en 2015, le Président Alpha Condé ne pouvait plus se présenter au scrutin du 18 octobre prochain car l’ancienne Constitution guinéenne ne lui permettait pas un troisième mandat consécutif.

C’est en modifiant la charte fondamentale par le référendum controversé du 22 mars 2020 que le chef de l’État, âgé de 82 ans, a pu contourner la disposition limitative des deux mandats. Depuis, avec un texte approuvé par 89,76% des électeurs, sa candidature ne faisait plus de doute en dépit du vrai-faux suspens mis en scène à travers les «pressions» et «demandes» formulées par diverses instances du RPG et de la «société civile».

Alors qu’une élection présidentielle est souvent décrite comme «la rencontre entre un homme et son peuple», la méthode utilisée par Alpha Condé privilégierait plutôt l’alliance entre un parti et un peuple. De fait, elle suscite des interrogations sur la réticence et la retenue dont semble faire preuve le chef de l’État guinéen à monter lui-même en première ligne pour décliner ses ambitions à ses compatriotes.

 

«Cette attitude est très éloquente: elle rappelle que la rupture est consommée entre Alpha Condé et les Guinéens. C’est le repli sur lui-même d’un Président acculé dans son propre pays qui doit également faire face aux fortes réserves de la communauté internationale concernant les réformes illégitimes et non consensuelles de la Constitution guinéenne qu’il invoque pour rester à la tête de sa nation», explique pour Sputnik Emmanuel Dupuy, président de l’Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE).

Le dirigeant guinéen est-il encore perturbé par les propos provocateurs du Président de Guinée-Bissau? Umaro Sissoco Embalo, lors du Sommet extraordinaire de la Cedeao consacré au Mali le 21 août dernier, avait fustigé la propension de certains de ses homologues à perpétrer des coups d’État par le truchement d’un troisième mandat «non constitutionnel». Une attaque à laquelle Alpha Condé n’a pas jugé nécessaire de répliquer.

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«La prise de parole du Président bissau-guinéen, bien que dithyrambique à certains égards, m’a paru pleine de sens dans le contexte actuel. Elle vient rappeler à tous les chefs d’État qui restent au pouvoir en modifiant les textes constitutionnels que ce qui arrive au Mali est susceptible de survenir chez eux également», souligne Emmanuel Dupuy.

La quasi-officialisation de la candidature du Président sortant à l’élection du 18 octobre va réveiller les ardeurs de tous ses contempteurs. Ceux-ci, regroupés au sein du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), raillent une «annonce poltronne faite par voie de presse au lieu d’une déclaration solennelle ou personnelle du principal concerné [qui] confirme la peur, le manque total de courage et l’irresponsabilité d’Alpha Condé», lit-on dans un communiqué rendu public ce mardi.

La décision du chef de l’État guinéen a surtout une conséquence majeure pour l’opposition. Le boycott de la présidentielle, dont elle a longtemps brandi la menace en cas de candidature pour un troisième mandat, sera effectif.

Sputnik

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