CONAKRY (AFP) – mardi 21 décembre 2010 – 20h38 – Alpha Condé a promis mardi "une ère nouvelle" pour la Guinée dévastée par 50 ans de dictatures et de pauvreté, après avoir prêté serment comme premier président démocratiquement élu du pays, au cours d’une grande cérémonie à laquelle participaient 13 chefs d’Etat africains.
"J’affirme haut et fort que la pauvreté et le sous-développement en République de Guinée ne sont pas une fatalité", a déclaré Alpha Condé, dans un pays doté d’immenses richesses minières convoitées par les multinationales.
La salle des fêtes du Palais du peuple était trop petite pour accueillir les invités et l’esplanade avait été envahie par un immense foule de militants manifestant leurs joie.
L’ancien opposant, d’ethnie malinké, a par ailleurs affirmé, un mois après des violences politico-ethniques qui avaient fait au moins sept morts: "Le changement que nous prônons nest pas dirigé contre un parti politique, encore moins contre une ethnie, encore moins contre une catégorie sociale ou socio-professionnelle".
Durant sa campagne, lui-même s’en était pris parfois à ce qu’il appelait "la mafia" des commerçants "peuls".
Son adversaire malheureux, Cellou Dalein Diallo, d’ethnie peule, n’assistait pas à cette investiture. Il avait auparavant fait savoir qu’il ne voulait "pas travailler" avec Alpha Condé dans un éventuel gouvernement d’union, en l’accusant d’avoir favorisé des violences entre les deux tours.
A 72 ans, M. Condé s’apprête à gouverner pour la première fois, après s’être opposé à toutes les dictatures depuis l’indépendance du pays en 1958.
Condamné à mort sous le régime d’Ahmed Sékou Touré (1958-1984), il avait ensuite été emprisonné pendant deux ans sous le règne du général Lansana Conté (1984-2008).
C’est justement devant le magistrat qui l’avait fait condamner en 2000 à cinq ans de réclusion — l’actuel président de la Cour suprême Mamadou Sylla — qu’Alpha Condé a prêté serment.
Les présidents des Etats voisins avaient fait le déplacement, tels le Bissau-Guinéen Malam Bacai Sanha, le Sénégalais Abdoulaye Wade, la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf, le Sierra-Léonais Ernest Koroma et le Malien Amadou Toumani Touré.
Etaient également présents le Burkinabè Blaise Compaoré, ancien médiateur dans la crise guinéenne, le Gambien Yahya Jammeh, le Sud-africain Jacob Zuma, le Congolais Denis Sassou Nguesso, le Cap-Verdien Pedro Pires, le Togolais Faure Gnassingbé, le Béninois Boni Yayi, ainsi que le chef de la junte au pouvoir au Niger, le général Salou Djibo.
Le général Sékouba Konaté, qui avait dirigé le régime de transition vers la démocratie en 2010, a présenté ce 21 décembre comme "l’acte de renaissance de la Guinée".
Puis l’ancien officier putschiste a tenu un double discours.
D’une part, il a eu "une pensée fraternelle" pour l’ancien chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, qui avait été écarté du pouvoir après avoir fait l’objet d’une tentative d’assassinat en décembre 2009.
Konaté a plaidé que Dadis avait "pu commettre des erreurs" mais "avait eu le mérite de comprendre le cri de coeur du peuple et l’appel de la communauté internationale" qui lui demandaient de quitter le pouvoir.
D’autre part, il a fait observer une minute de silence à la mémoire des 157 victimes du massacre du 28 septembre 2009, perpétré par les forces de défense et de sécurité alors qu’il était lui-même ministre de la Défense. "Justice doit être rendue", a-t-il dit, en souhaitant "la fin de l’impunité".
En décembre 2009, une commission d’enquête internationale des Nations unies avait conclu que des crimes contre l’humanité avaient été commis ce jour-là sous la "responsabilité de commandement" du capitaine Camara.
Mais 15 mois après la tuerie, aucun des militaires présumés responsables n’a été inquiété.
AFP