Au lendemain du discours de Laurent Gbagbo à la télévision d’Etat ivoirienne, la communauté internationale a réagi avec méfiance, mercredi 22 décembre, à la tentative d’"ouverture" du président autoproclamé. Craignant que les conditions de sécurité ne se dégradent, et par mesure de précaution, la France et l’Allemagne ont conseillé à leurs ressortissants de quitter le pays.
La France et l’Allemagne recommandent de quitter la Côte d’Ivoire
A l’issue du conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement français, François Baroin, a invoqué une "mesure de précaution" et de "prudence". "Bien que les ressortissants étrangers ne soient pas menacés jusqu’à présent, il nous paraît nécessaire de redoubler de prudence, nous réitérons donc notre conseil consistant à différer les projets de voyage vers la Côte d’Ivoire", a déclaré François Baroin.
"Nous réitérons en outre notre recommandation aux Français sur place de se conformer aux consignes de prudence (…) et par mesure de précaution nous recommandons enfin à tous les Français qui le peuvent de quitter provisoirement la Côte d’Ivoire dans l’attente d’une normalisation de la situation", a-t-il ajouté. Environ 14 000 Français vivent en Côte d’Ivoire, dont la moitié ont la double nationalité.
Au même moment, Berlin adressait les mêmes mises en garde à ses ressortissants installés en Côte d’Ivoire et à ceux désirant s’y rendre. "Une détérioration de la sécurité, ainsi que de nouveaux affrontements et des explosions de violences sont prévisibles après que les deux candidats (…) se sont déclarés vainqueur et se présentent comme le président", a justifié le ministère des affaires étrangères allemand, dans un communiqué.
Guillaume Soro : "Il n’y a qu’une solution qui reste, celle de la force"
A Abidjan, Laurent Gbagbo a réaffirmé mardi soir qu’il était le "président" de la Côte d’Ivoire, mais s’est dit prêt à discuter avec son rival Alassane Ouattara et la communauté internationale qui le soutient, pour sortir d’une crise qui a fait au moins cinquante morts selon l’ONU. Il s’est dit prêt à accueillir un "comité d’évaluation post-électoral" composé de représentants des Nations unies, d’organisations africaines et de certains pays occidentaux.
Mais le camp Ouattara a rejeté mercredi ces propositions, accusant Laurent Gbagbo de "ruser avec le monde" et de le "défier". Un haut diplomate européen a lui aussi considéré la "main tendue" par Laurent Gbagbo à son rival comme un "faux message d’apaisement" par lequel il cherche avant tout à diviser les Africains.
Guillaume Soro, premier ministre du gouvernement d’Alassane Ouattara, a appelé la communauté internationale à recourir à la force contre Laurent Gbagbo. "Après toute la pression internationale et les sanctions qui n’ont pas produit d’effet sur M. Gbagbo, il est évident qu’il n’y a qu’une solution qui reste, celle de la force, a déclaré M. Soro, dans un entretien à la chaîne iTélé. Je demande au Conseil de sécurité des Nations unies, à l’Union européenne, à l’Union africaine et à la Cédéao d’envisager la force." Selon lui, "la situation sécuritaire est très préoccupante" en Côte d’Ivoire.
La Banque mondiale gèle ses concours en Côte d’Ivoire
Les financements de la Côte d’Ivoire par la Banque mondiale ont été gelés, a affirmé mercredi 22 décembre le président de la Banque, Robert Zoellick, devant la presse, à l’issue d’un entretien avec le président Nicolas Sarkozy à l’Elysée.
M. Zoellick a indiqué avoir aussi discuté avec le président malien, Amadou Toumani Touré, "de la nécessité pour les banques centrales, avec l’UEMOA [Union économique et monétaire ouest-africaine] de geler également les prêts, ce qu’ils ont fait", a-t-il ajouté. "Ils sont également convenus d’une réunion de ministres cette semaine afin de renforcer" ces mesures, a aussi dit Robert Zoellick.
Les Ivoiriennes manifestent contre les enlèvements nocturnes
Plus d’une centaine de femmes ont manifesté mercredi à Port-Bouet, quartier populaire d’Abidjan, contre les "fouilles" et "les enlèvements nocturnes" commis selon elles par des hommes armés fidèles à Laurent Gbagbo. Tôt le matin, ces femmes ont bloqué l’accès à l’abattoir du quartier et, tapant sur des casseroles et des boîtes, ont sonné la mobilisation. "Nous sommes fatiguées de voir nos enfants et nos hommes enlevés ou tués chaque nuit par des miliciens. Ils disent que nous cachons des rebelles ici, pourquoi ne viennent-ils pas faire les fouilles pendant la journée ?" s’est indignée N’Goné Diop, l’une des organisatrices de la manifestation.
L’ONU a dénoncé dimanche des "violations massives des droits de l’homme" qui ont fait plus de cinquante morts ces derniers jours en Côte d’Ivoire, commises par les forces de l’ordre restées fidèles à Laurent Gbagbo.
Bruxelles débloque des fonds pour faire face à une crise humanitaire
La Commission européenne a débloqué 5 millions d’euros pour faire face à une crise humanitaire dans les pays voisins de la Côte d’Ivoire en cas d’afflux de réfugiés fuyant les violences. "Même si nous espérons un règlement politique rapide de la crise, il est de notre devoir de préparer des plans d’urgence et de veiller à ce que toute l’aide humanitaire nécessaire soit à la disposition des victimes sans délai", a expliqué la commissaire chargée de l’aide humanitaire, Kristalina Georgieva. Jusqu’à présent, environ 11 000 Ivoiriens, dont une majorité de femmes et d’enfants, ont fui vers le Liberia, la Guinée et le Ghana, estime la Commission. Les fonds débloqués pourraient permettre de venir en aide à 100 000 personnes.
LEMONDE.FR avec AFP | 22.12.10 | 17h42