Guerre en Ukraine : Comment le conflit est-il perçu en Afrique ?

1

Une importante majorité de pays a adopté une résolution qui “exige que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine” lors d’un vote de l’Assemblée générale de l’ONU, mercredi 2 mars. Une vingtaine de pays africains s’est pourtant abstenue. Alors que se poursuit l’invasion russe de l’Ukraine, l’Afrique semble avoir du mal à se positionner. Comment la guerre est-elle perçue sur le continent ?
Les pays africains hésitants

Un problème direct posé aux pays africains par la guerre en Ukraine est le rapatriement de leurs ressortissants vivant en Ukraine, principalement des étudiants. Après les premiers bombardements, de nombreux d’entre eux sont bloqués en Ukraine, sans l’aide de leur pays.

Comme 21 pays n’ont pas exprimé d’opinion lors du vote de l’Assemblée générale de l’ONU visant à condamner l’invasion russe de l’Ukraine. Seize pays du continent se sont abstenus, les autres étaient absents. La résolution réclame que Moscou “retire immédiatement, complètement et sans conditions toutes ses forces militaires” d’Ukraine et “condamne la décision de la Russie d’accentuer la mise en alerte de ses forces nucléaires”. Sur les 193 membres de l’Organisation, 141 pays ont approuvé le texte “exigeant que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine.” Révélatrice des divisions du continent pour de nombreux observateurs, l’abstention du Sénégal. Le président sénégalais Macky Sall tient un double-discours. D’une part, en tant que chef d’État, il tente de ménager une opinion publique nationale au sein de laquelle se répand un discours antifrançais et antioccidental. D’autre part, en tant que président de l’Union Africaine (UA), il adopte un discours moins nuancé en faveur de l’Ukraine. Dans un communiqué de presse, l’UA appelle d’ailleurs au “respect impératif de la souveraineté nationale de l’Ukraine”. Selon Michel Galy, politologue spécialiste de l’Afrique de l’Ouest interrogé par TV5MONDE, “le vote révèle un malaise et la division d’une Afrique qui ne sait pas s’il est préférable de suivre le pays référence ou prudemment s’abstenir tant qu’on n’a pas encore le dernier mot du conflit.”

Une seule raison ne suffit pour expliquer l’hésitation de nombreux pays. L’Afrique du Sud approuvait originellement le texte avant de s’abstenir. Selon les Sud-Africains, la résolution ne créé pas d’environnement favorable aux négociations et ne permet pas de rapprochement entre l’Ukraine et la Russie. Selon Francis Kpatinde, interrogé par TV5MONDE, le pays aimerait se positionner en tant que médiateur entre l’Ukraine et la Russie. Au Maroc, l’une des raisons invoquées pour expliquer l’abstention au vote de la résolution est l’abstention répétée des Russes concernant les résolutions sur le Sahara occidental au Conseil de sécurité de l’ONU. Le ministère des Affaires étrangères marocain précise aussi dans un communiqué que le pays reste fidèle au principe de la “neutralité positive”.

Les pays du continent condamnent, en règle générale, l’invasion de l’Ukraine, malgré les abstentions. L’Afrique du Sud, qui s’est abstenue, a rappelé son inquiétude pour les civils ukrainiens. Madagascar, qui s’est aussi abstenue, a fait de même. Pour d’autres pays, comme le Mali, prendre position était plus compliqué, le pays étant en pleine transition. Toutefois, la majorité des pays du continent (28) s’est prononcée en faveur d’une condamnation russe. L’influence diplomatique russe grandie sur le continent africain, tout comme son importance économique. En 2018, les échanges commerciaux entre la Russie et le continent africain ont atteint 20 milliards de dollars, soit 17,2 % de plus que l’année précédente.

 Une influence russe grandissante depuis des années

Suite à la chute de l’URSS, l’influence russe en Afrique a connu un coup d’arrêt. Depuis une vingtaine d’années, sous l’impulsion de Vladimir Poutine la Russie reprend pied sur le continent. La stratégie russe pour reprendre de l’influence en Afrique prend différentes formes. Au début des années 2000, Vladimir Poutine avait notamment convenu d’un accord avec l’Algérie pour annuler une dette contre la signature d’un contrat d’armement. Tactique similaire en Libye quand en 2008, Vladimir Poutine annonce l’annulation de la dette contre un contrat ferroviaire et des facilités d’installation pour Gazprom. D’autres importants contrats suivront partout sur le continent. Résultat ? Sur la période 2014-2019, la Russie fournit 49% des armes vendues au continent. Outre les armes, les mercenaires du groupe Wagner sont aussi actifs dans plusieurs pays du continent.

D’autres facteurs expliquent l’influence russe grandissante en Afrique. Tout d’abord, la Russie ne conditionne pas l’octroi d’aides au respect de certains principes liés aux droits de l’Homme ou à la démocratie, contrairement à l’occident. Au Nigéria, par exemple, les États-Unis ont annulé un contrat pourtant déjà signé pour violation des droits de l’Homme par les forces nigérianes dans la lutte contre Boko Haram. Cela a permis à la Russie de signer un nouveau contrat de coopération militaire avec le pays. Important fournisseur de matières premières aux marchés mondiaux, la Russie s’intéresse aussi au secteur extractif africain. Les entreprises russes Alrosa (diamant), Rusal (aluminium), Rosatom (nucléaire) et Lukoil (pétrole) ont des opérations en Angola, Guinée et Namibie respectivement. Ces trois pays se sont abstenus lors du vote de la résolution.

La Russie mène une stratégie d’influence à travers ses médias Sputnik et Russia Today. Cette influence est particulièrement forte au Mali. Selon Maxime Audinet, chercheur à l’INSERM, le Mali se classerait en tête des dix premiers pays de visite d’Afrique francophone des sites de RT France et de Sputnik France. Signe de l’influence grandissante de Moscou en Afrique, le premier sommet Russie-Afrique, organisé à Sotchi en 2019. Vladimir Poutine s’était affiché en protecteur de la souveraineté africaine face aux agressions occidentales. Le deuxième sommet du genre doit se tenir à Saint-Pétersbourg à l’automne 2022.

Commentaires via Facebook :

1 commentaire

  1. Ce n’est pas notre guerre, c’est la guerre des blancs

Comments are closed.