Face au vaste mouvement de protestation contre le racisme et les violences policières, le président des États-Unis envisageait de déployer l’armée dans les grandes villes du pays.
ÉTATS-UNIS – En désaccord apparent avec Donald Trump, le secrétaire américain à la Défense s’est dit, ce mercredi 3 juin, opposé à l’idée de déployer l’armée dans les grandes villes des États-Unis pour juguler le vaste mouvement de protestation qui s’exprime contre le racisme et les brutalités policières.
Ces déclarations de Mark Esper, le chef du Pentagone, sont intervenues alors que le pays se préparait à une nouvelle journée de contestation, après une semaine de manifestations pacifiques mais aussi de troubles, notamment nocturnes, les foules continuant à braver les couvre-feux.
La nuit de mardi à mercredi a toutefois été plus calme, avec seulement des actes de pillages localisés succédant à une journée de grandes marches pacifiques. Lundi, alors que la situation dégénérait en émeutes dans de nombreuses villes, le président Trump avait menacé de déployer les troupes “pour régler rapidement le problème”, des propos immédiatement dénoncés par l’opposition, qui y avait vu une dérive autocratique.
Le réquisitoire de Mattis, ex-ministre de Trump
“Je ne suis pas favorable à décréter l’état d’insurrection”, qui permettrait au milliardaire républicain de déployer des soldats actifs face à des citoyens américains, et non des réservistes de la Garde nationale comme c’est actuellement le cas, a donc déclaré Mark Esper ce mercredi.
Quelques heures plus tard, un désaveu encore plus grand est venu de Jim Mattis, l’ex-ministre de la Défense de Donald Trump, qui est sorti de sa réserve avec un réquisitoire tonitruant contre le président des États-Unis, accusé de vouloir “diviser” l’Amérique secouée par un mouvement de colère historique.
“De mon vivant, Donald Trump est le premier président qui n’essaye pas de rassembler les Américains, qui ne fait même pas semblant d’essayer”, écrit l’ancien général des Marines âgé de 69 ans dans une déclaration intitulée “L’Union fait la force” mise en ligne par la revue The Atlantic et d’autres médias américains.
“Au lieu de cela, il tente de nous diviser”, ajoute ce militaire très respecté, qui avait jusqu’ici affiché sa réserve, expliquant qu’il préférait ne pas commenter directement le mandat du milliardaire républicain. Cette fois, trop c’est trop à ses yeux: “Nous payons les conséquences de trois années sans adultes aux commandes”.
Jim Mattis avait démissionné avec fracas en décembre 2018 au lendemain de l’annonce par le président Trump d’un retrait unilatéral total de Syrie, sans concertation avec les alliés de Washington dans la lutte contre le groupe jihadiste État islamique.
“Quand j’ai rejoint l’armée, il y a environ 50 ans, j’ai prêté serment de soutenir et défendre la Constitution”, écrit-il encore. “Jamais je n’ai imaginé que des soldats qui prêtent le même serment puissent recevoir l’ordre, quelles que soient les circonstances, de violer les droits constitutionnels de leurs concitoyens – et encore moins pour permettre au commandant-en-chef élu d’aller poser pour une photo, de manière saugrenue, avec les chefs militaires à ses côtés”, écrit-il en référence à la dispersion à coup de gaz lacrymogène devant la Maison Blanche lundi, pour permettre à Donald Trump de se rendre à l’église Saint John voisine.
“Nous ne devons pas nous laisser distraire par une poignée de hors-la-loi. Les manifestations, ce sont des dizaines de milliers de personnes de principes qui insistent pour que nous soyons à la hauteur de nos valeurs”, estime Jim Mattis, défendant ainsi les manifestations contre la mort de George Floyd, un Noir américain tué par un policier lors de son interpellation le 25 mai à Minneapolis.
Des manifestations pacifiques
À Washington, le couvre-feu a été reconduit à partir de 23h ce mercredi, contre 19h les deux jours précédents, les autorités expliquant s’attendre à des rassemblements pacifiques. Un important dispositif policier a cependant été déployé au petit matin pour boucler l’accès à la Maison Blanche.
À New York, où le couvre-feu a été prolongé jusqu’à dimanche, la situation était également plus calme mardi soir et mercredi dans la journée, après des images de violence qui ont fait le tour du monde en tout début de semaine.